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Contre le révisionnisme historique, la loi Fabius alias Gayssot

Le 14 juillet 1990 est paru au Journal officiel de la République française le texte des nouvelles dispositions législatives prises à l’encontre du révisionnisme historique. L’essentiel de ces dispositions tient en les lignes suivantes dont nous soulignons les mots qui paraissent importants:

Seront punis des peines prévues par le sixième alinéa de l’article 24 ceux qui auront contesté, par un des moyens énoncés à l’article 23, l’existence d’un ou plusieurs crimes contre l’humanité tels qu’ils sont définis par l’article 6 du statut du tribunal militaire international annexé à l’accord de Londres du 8 août 1945 et qui ont été commis soit par les membres d’une organisation déclarée criminelle en application de l’article 9 dudit statut, soit par une personne reconnue coupable de tels crimes par une juridiction française ou internationale.

Le sixième alinéa de l’article 24 prévoit une peine d’un mois à un an de prison et/ou une amende de deux mille à trois cent mille francs ainsi que l’obligation d’affichage et de publication aux frais du condamné. L’accord de Londres du 8 août 1945 a créé le tribunal militaire international qui allait siéger, à Nuremberg, pour y juger les Allemands et, à Tokyo, pour y juger les Japonais. Des vainqueurs allaient juger des vaincus en vertu, par exemple, des articles 19 et 21 d’un statut prévoyant :

Le Tribunal ne sera pas lié par les règles techniques relatives à l’administration des preuves. […] Le Tribunal n’exigera pas que soit rapportée la preuve des faits de notoriété publique mais les tiendra pour acquis. 

La nouvelle loi sera d’application difficile à cause du fragment « et qui ont été commis » ; elle exigera, de la part des plaignants, des recherches d’ordre à la fois juridique et historique, qui pourront se révéler infructueuses ; il leur faudra, de plus, se limiter aux ressources offertes par la juridiction « française ou internationale », à l’exclusion des juridictions étrangères (allemande, israélienne, américaine, britannique…). Ils devront, par exemple, chercher des cas de personnes condamnées pour crime de « gazage » ou crime de « génocide » (assassinat dans le cadre d’une politique d’extermination systématique). À supposer que de tels cas précis puissent être trouvés, il faudra les exposer et les analyser. À ce moment-là, on révélera aux yeux de tous, et en particulier à ceux des juges français d’aujourd’hui, l’étendue du désastre : dans tous ces procès, on ne s’était guère soucié d’établir la matérialité des faits, d’expertiser l’arme du crime, de prouver l’existence d’une intention criminelle prenant la forme d’une politique d’extermination systématique. Dans le cas du «procès du Struthof», on avait, par exception, songé à expertiser la prétendue chambre à gaz et les prétendus gazés : les résultats avaient été négatifs. Chaque procès antirévisionniste deviendra pour les révisionnistes l’occasion de démontrer quel degré de cynisme et de désinvolture ont atteint les juges de Nuremberg ainsi que les juges de France qui ont eu à traiter de ces affaires.

Les juges de Nuremberg ont été conduits à qualifier de « vérités établies » les «erreurs» suivantes parmi bien d’autres :

Katyn est un crime allemand (c’est un crime de nos alliés soviétiques) ;
Le nombre des victimes d’Auschwitz s’élève à quatre millions (aujourd’hui on nous dit un million) ;
– Le total des victimes juives de la seconde guerre mondiale s’élève à cinq millions sept cent mille ou six millions (aujourd’hui ces chiffres sont tenus pour «symboliques») ;
Les Allemands fabriquaient du savon à partir de graisse humaine (bobard de la première guerre mondiale recyclé en 1945) ;
– Les Allemands ont fabriqué des têtes réduites ainsi que des abat-jour en peau humaine (la tête réduite montrée au tribunal avait été volée à un musée d’ethnographie ; la peau était de chèvre) ;
– A Treblinka, on exterminait les juifs à la vapeur d’eau (on nous dit aujourd’hui: au diesel) ;
– Hitler a donné l’ordre d’exterminer les juifs (cet ordre n’a jamais existé).

On serait en droit, au nom de la nouvelle loi, de poursuivre les historiens qui sont aujourd’hui d’accord avec nous pour dire que toutes ces vérités de 1945-46, et bien d’autres encore, sont autant d’erreurs historiques.

L’un des premiers chez qui ait germé l’idée d’une telle loi semble avoir été l’avocat Serge Klarsfeld. Ce dernier allait, dans les années soixante-dix, lancer en Allemagne le projet d’une loi dite « du mensonge d’Auschwitz ». Au terme de longues années de discussions, le Bundestag votait l’adoption de l’article 194 du code pénal allemand. Contrairement à ce que prétendent ceux qui, en France, suggéreront d’imiter « le modèle allemand », cet article n’est, en définitive, qu’une pâle copie de son projet. L’article 194 n’interdit nullement la contestation des « crimes – du vaincu – contre l’humanité ». Il autorise seulement un procureur à déposer plainte pour dommage causé « au membre d’un groupe qui a été persécuté sous un gouvernement de violence ou d’arbitraire, national-socialiste ou autre » ; le mot « autre » vise, par exemple, le gouvernement d’un pays communiste.

Le premier groupe d’intellectuels qui, en France, ait proclamé son désir de voir instituer dans notre pays une loi spéciale contre le révisionnisme est celui qui s’est constitué autour de Pierre Vidal-Naquet et de François Bédarida, avec Serge Klarsfeld, Georges Wellers (directeur du Monde Juif, revue du CDJC), le grand rabbin Sirat, Mme Ahrweiler, Harlem Désir et J.-P. Azéma. De ces personnes, le bulletin quotidien de l’Agence télégraphique juive du 2 juin 1986 dira, en première page :

Ils ont aussi formulé l’espoir d’une extension à tous les pays européens de la loi allemande interdisant la mise en doute du génocide.

Pour appuyer leur suggestion, ces personnes inventaient une loi qui ne figure nullement dans le code pénal allemand ; l’argument servira souvent par la suite et il a, en grande partie, facilité le passage de la loi française. Cette loi sera-t-elle étendue à « tous les pays européens » ? On peut en douter mais il n’est pas dit qu’avec une bonne orchestration de « carpentrasseries » à répétition on n’y parvienne pas.

En attendant, la France se trouve être le seul pays à avoir une telle législation.

En 1987, Laurent Fabius prenait l’initiative de proposer au Parlement une « loi contre les négateurs ». Il est le père fondateur de la nouvelle loi. Il n’y a pas à proprement parler de « loi Gayssot » mais une loi « Fabius alias Gayssot ». Le 2 avril 1988, L. Fabius faisait déposer par Georges Sarre une proposition de loi socialiste contre les révisionnistes. C’est cette proposition qui, avec quelques changements, a été glissée dans la loi contre le racisme prévue par le Parti communiste et J.-C. Gayssot.

Dès qu’il est apparu, en 1987, que la France adopterait l’idée de Pierre Vidal-Naquet et de F. Bédarida, ces deux derniers affectaient de prendre leurs distances.

Trop tard, le train était lancé.

À l’arrivée, P. Vidal-Naquet recevait la Légion d’honneur. La même livraison du Journal officiel qui publie le texte de la nouvelle loi se trouve annoncer, quelques pages plus loin, l’attribution à P. Vidal-Naquet du grade de chevalier de la Légion d’honneur sur proposition du ministre Jack Lang.

La République française a donc décidé, le jour même où « la Patrie des droits de l’homme » célèbre sa fête nationale, d’instituer et de fixer une vérité historique officielle, sous la signature de François Mitterrand, maréchaliste éminent, puis grand résistant, juriste de formation.

Cette vérité qu’il faudra respecter – avec la récompense des bons et la punition des méchants – ne porte essentiellement que sur les années 1941-1944. Pour tout le reste de nos quatre mille ans d’histoire, on pourra s’exprimer à peu près librement.

Des voix s’étaient élevées, y compris dans la communauté juive, contre l’institution d’une telle loi. Mais, quand l’affaire de Carpentras est apparue, ces voix se sont tues et, depuis l’adoption de cette étrange loi, aucun de nos hommes politiques n’a osé saisir le Conseil constitutionnel, présidé, il est vrai, par Robert Badinter, partisan farouche d’une répression du révisionnisme.

Comme le faisait remarquer François Terré, à la veille du vote définitif de la loi par l’Assemblée nationale[1] :

Face à la proposition Gayssot [encore une fois, il faudrait dire : « la proposition Fabius alias Gayssot »] le silence infini de presque tous les juristes, de presque tous les historiens effraie.

Le journaliste Alain Rollat ne connaît pas d’historiens révisionnistes mais seulement de « prétendus historiens révisionnistes » qu’il ne manque pas une occasion de flétrir. Pourtant, dans Le Monde en date du 27 juillet, sous le titre « Une belle occasion manquée », il écrivait :

Mais comment ne pas relever, surtout, pour souligner encore davantage l’absurdité de la situation, que la période parlementaire de printemps s’achève ainsi sous la forme d’un pied de nez, sans que personne ait osé soumettre au Conseil constitutionnel la loi “tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe” ? Voilà un texte qui, d’un point de vue strictement juridique, soulève une question fondamentale, au regard de la liberté d’opinion et d’expression, puisqu’il voue aux tribunaux, en visant les prétendus historiens “révisionnistes”, les citoyens “qui auront contesté l’existence d’un ou plusieurs crimes contre l’humanité”. Or, faute de saisine du Conseil constitutionnel, cette question ne sera pas tranchée. Sauf peut-être, si, un jour, quelque avocat avisé se tourne vers les institutions européennes pour pallier cette anomalie.[2] 

Ont-ils craint de paraître s’aligner sur le Front national ? Ont-ils eu peur des éventuelles réactions des organisations antiracistes ? En préférant occulter un débat qui méritait pourtant d’avoir lieu dans un pays qui se prévaut de l’état de droit, les parlementaires ont, en tout cas, laissé passer, une nouvelle fois, une belle occasion de rehausser leur image.

Le révisionnisme poursuivra sa route.

La Revue d’histoire révisionniste continuera, sous la forme que décidera son destin.[3]

 

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Quelques prises de position hostiles
à une loi antirévisionniste

Simone Veil, Joseph Rovan (qui se reniera), Jacques Julliard, Philippe Boucher (trois fois), Théo Klein, Yves Jouffa (qui se reniera), Jacques Chirac (qui se reniera), Le Droit de vivre (qui se reniera), Jean Kahn (qui se reniera), Pierre-André Taguieff, Michel Rocard (qui se reniera), Bernard Cahen, Annie Kriegel (?), Charles Millon…

– Souhaitez-vous l’adoption, par la France, d’une loi transformant en délit toute remise en question de l’existence des chambres à gaz ?

– Non. Il n’existe pas de loi pour interdire d’affirmer que Jeanne d’Arc n’a pas existé ou que Verdun n’a pas eu lieu. Si l’on fait une loi, c’est que le débat est ouvert. Ce n’est pas le cas, même si quelques olibrius prétendent le contraire.

(Propos de Simone Veil recueillis par Dominique de Montvallon, L’Express, 25 septembre 1987, p. 23.)

La France doit-elle imiter la République fédérale et, comme le suggère Charles Pasqua, faire de la négation du génocide un délit ? L’historien Joseph Rovan, l’un des meilleurs spécialistes de l’Allemagne, directeur de la revue Documents, donne son point de vue :

« Je suis contre toutes les lois d’exception. Un nouveau texte législatif donnerait, en France, de l’importance à des phénomènes qui, pour l’instant, ne sont pas contagieux. »

(Propos de Joseph Rovan recueillis par Évelyne Fallot, L’Express, 25 septembre 1987, p. 26.)

L’idée d’une loi réprimant toute dénégation des crimes nazis fait son chemin puisqu’elle paraît avoir séduit des esprits aussi différents que ceux de Charles Pasqua et de François Mitterrand. C’est une fausse bonne idée. Et quel triomphe pour l’antisémite Faurisson, pour tous les pervers et tous les cerveaux malades du révisionnisme que le recours au bras séculier pour venir à bout de leurs aberrations ! Ne leur offrons pas l’injuste privilège de se comparer à Galilée. 

(La chronique de Jacques Julliard, Le Nouvel Observateur, 25 septembre 1987, p. 39.)

Pareille confusion des registres n’est pas moins perceptible dans la suggestion émise par M. Pasqua de faire de la négation des crimes nazis un délit. D’abord parce que, c’est l’humour noir de la chose, cela reviendrait à faire entrer dans la législation pénale française un étrange “délit de révisionnisme”, ce dont feu Joseph Staline pourrait se dire post mortem très satisfait.

Ensuite, au bon prétexte de préserver la morale, ce serait enrégimenter l’histoire. Or celle-ci ne se porte pas bien si sa vérité n’est admise que sous la protection des juges et de la maréchaussée.

Le président de la République a sans doute parlé un peu vite, lorsqu’il a approuvé la semaine dernière sur TF 1 l’idée de “son” ministre de l’Intérieur. Comme si une idée de ministre de l’Intérieur n’appelait pas l’inventaire avant l’ approbation.

À l’appui de sa proposition, M. Pasqua invoqua l’exemple allemand. Il est dans le vrai. Mais, outre que cela ne change rien à l’affaire, les circonstances allemandes ne sont pas les françaises et il n’est pas besoin d’en dire plus. À suivre un tel précédent, ne faudrait-il pas imiter l’Allemagne (de l’Ouest) dans toutes ses interdictions et, aussi, écarter les communistes de la fonction publique ? À défaut de pouvoir établir que le Front national cousine de trop près avec le parti des chemises brunes, hors-la-loi, lui aussi, de l’autre côté du Rhin.

Assurément, il est aussi bête qu’ignoble de nier la réalité des camps de concentration et du génocide qui y fut entrepris ; ou encore de traiter cela du bout des lèvres, comme on le ferait d’une mythologie.

Malheureusement, contester, douter, sont des droits qui ne se divisent pas. Il ne saurait y avoir de canon pour distinguer le doute permis et la contestation légitime. Au risque pour celui qui s’aventure à tort de subir la vindicte et la réprobation qu’appellent ses thèses ou ses soupçons.

Le droit de douter ne peut pas davantage être réservé aux esprits honnêtes et subtils. Quelle loi le dirait ? Il appartient aussi, quoi qu’on en pense, aux crétins et aux malfaisants.

De plus, comme l’a judicieusement fait observer un lecteur du Monde (ils sont décidément très bien !), où devrait-on s’arrêter en pareil chemin ? De quelle sanction faudrait-il punir celui qui soutiendrait que Jeanne d’Arc finit grand-mère et non pas pucelle embrasée ?

De plus encore, à partir de quel critère jugerait-on que le délit est avéré ? Où commencerait la négation ? Où finirait la critique ? Où serait la divergence, ou bien la simple interprétation ? Quand on sait combien il est difficile de prouver le caractère raciste d’un propos (et il en est au moins un pour s’en réjouir), l’arme de la loi est un sabre de bois. S’il n’y avait plus que la loi pour empêcher que l’on doute à haute voix de l’étendue des horreurs nazies, la société  française donnerait des idées d’exil. 

(Philippe Boucher, « Limites », Le Monde, 27-28 septembre 1987, p. 8)

– Pensez-vous nécessaires des sanctions pénales contre la négation des crimes nazis ?

– On ne peut pas édicter des vérités historiques par la voix législative ou réglementaire.[4] On peut, en revanche, condamner ceux qui incitent à des actes criminels ou ceux qui portent atteinte à la mémoire des gens qui ont souffert. Les protections légales peuvent peut-être, sur ces deux points, être améliorées.

(Propos de Théo Klein, président du CRIF, recueillis par Patrick Jarreau, Le Monde, 30 septembre 1987, p. 2.)

D’une part, nous ne pensons pas que la ratification de l’article 24-3 de la loi du 29 juillet 1881 tendant à créer un délit de négation des crimes contre l’Humanité soit de nature à faciliter la lutte contre certains écrits racistes. Par contre, cela risque de poser de sérieux problèmes, tant au regard de la Liberté de la Presse, qu’au regard de la libre recherche universitaire ou historique.

Plus que de modifier la loi du 29 juillet 1881, il serait plus utile que les Parquets exercent systématiquement des poursuites lorsque des écrits manifestement antisémites, ou faisant directement ou indirectement l’apologie des crimes nazis, comme le tract dénommé L’Aigle Noir, leur sont signalés par nos sections.

D’autre part, nous ne pouvons accepter que vous envisagiez de renforcer les pouvoirs de l’Administration en ce qui concerne la saisie des publications.

(« Lettre du Président de la Ligue des Droits de l’homme [Me Yves Jouffa] au ministre de l’Intérieur, Charles Pasqua », Après-demainorgane de la Ligue des Droits de l’Homme, octobre-novembre 1987, p. 1.)

Les grands esprits se rencontrent. [Ma chronique appelée] « l’Amateur » intitulée « Limites » doutait qu’il fût opportun d’incriminer pénalement les historiens mettant en cause l’existence des chambres à gaz. Au même moment, M. Yves Jouffa, président de la Ligue des droits de l’homme, écrivait ceci à M. Pasqua, auteur d’une telle suggestion : « Nous ne pensons pas que la modification de l’article 24-3 de la loi du 29 juillet 1881, tendant à créer un délit de négation des crimes contre l’humanité, soit de nature à faciliter la lutte contre certains écrits racistes. Par contre, cela risque de poser de sérieux problèmes, tant au regard de la liberté de la presse qu’au regard de la libre recherche universitaire ou historique. Plutôt que de modifier la loi du 29 juillet 1881, il serait plus utile que les parquets exercent systématiquement des poursuites lorsque des écrits manifestement antisémites, ou faisant directement ou indirectement l’apologie des crimes nazis, comme le tract dénommé L’Aigle Noir, leur sont signalés par nos sections. »

(Philippe Boucher, « Odeur »,  Le Monde, 10 octobre 1987, p. 6.)

Une loi existe en RFA qui condamne toute action révisionniste en ce qui concerne la Choa. M. Pasqua, ministre de l’Intérieur, a laissé entendre qu’une telle loi pouvait être proposée en France. Qu’en est-il ?

 Jacques Chirac : 
– Je comprends parfaitement l’indignation légitime de toute la communauté juive, à laquelle s’associe d’ailleurs l’ensemble du peuple français, quand on entend, ici et là, les discours révisionnistes. Je crois qu’il faut tout faire pour sensibiliser l’opinion à la tragédie qu’a été la Choa et faire en sorte que son souvenir ne s’éteigne jamais. Je m’y emploie, et j’ai pris des initiatives dans œ sens. Je ne crois pas pour autant, à titre personnel, qu’il faille aller jusqu’à transformer la négation du génocide en délit passible de sanctions pénales, car cela pourrait s’apparenter au délit d’opinion. Ce ne serait pas, dans mon sentiment, la manière la plus efficace de combattre ces thèses odieuses.

(Propos de Jacques Chirac recueillis par Roger Ascot et Haïm Musicant, L’Arche, novembre 1987, p. 46.)

M. Étienne Trocmé, président de la Conférence des présidents d’universités, président de la fédération du Bas-Rhin de la LICRA, présentait en conclusion une synthèse de ce colloque sur le révisionnisme autour de cinq points :

1) Le colloque a réaffirmé une base solide, une certitude incontournable : Les travaux des Faurisson n’ont aucune valeur scientifique, ils constituent une déformation des documents, une utilisation abusive des sources. On ne peut leur opposer une réfutation scientifique qui s’abaisserait. La véritable réplique aux négateurs est la poursuite d’un travail acharné, historique, sur les témoignages, les documents, les preuves inébranlables de ce phénomène unique.

2) Résister à la tentation de certains d’encourager une loi qui serait suffisante pour réprimer les négateurs. Nous ne sommes pas favorables à une telle loi au nom de nos convictions démocratiques et libérales. En effet, une loi peut être détournée. Quelques condamnations ne réduiraient pas les dangers insidieux de personnes habiles venant des extrêmes de droite ou de gauche qui accuseraient de cacher “une” vérité.

3) Il faudrait entreprendre une réflexion européenne, par exemple dans le cadre du Conseil de l’Europe et de la Commission des droits de l’homme. Une déclaration précisant des règles communes serait plus féconde qu’une législation nationale. La LICRA devrait y réfléchir et en prendre l’initiative dans les prochains mois.

(Colloque de Strasbourg sur le révisionnisme, « Synthèse du président Trocmé. Priorité à l’éducation pour lutter contre les négateurs », Le Droit de vivre, organe de la LICRA, novembre-décembre 1987, p. 19.)

Le ministre a voulu rassurer les élus du Front national sur la portée des amendements introduits par le garde des sceaux, M. Albin Chalandon, en première lecture, amendements qui avaient déclenché la fureur de l’extrême-droite. Le premier condamne l’apologie des crimes contre l’humanité, la loi sur la presse ne réprimant jusqu’à présent que l’apologie des crimes de guerre. Cette nouvelle incrimination « ne modifie en rien les règles applicables à la recherche historique, même quand les conclusions de celles-ci apparaissent comme des plus contestables », a affirmé M. Pandraud, en faisant implicitement allusion aux thèses dites “révisionnistes”. Quant à l’interdiction à l’exposition et à la vente aux mineurs des publications incitant à la haine raciale, le ministre a expliqué qu’il s’agissait avant tout de “protéger la jeunesse”. 

(« La fin de la session parlementaire […]. Textes définitivement adoptés […] Répression du trafic de drogue », Le Monde, 22 décembre 1987, p. 10.)

– La loi antiraciste de 1972 constitue-t-elle un arsenal législatif suffisant ?

– Nous avions souhaité qu’elle fût étendue à la négation du génocide et aux falsifications de l’Histoire. Mais les juristes ont estimé que cela aurait été créer un délit d’opinion. Ce qui nous paraît important, aujourd’hui, c’est que dans l’Europe qui se forme, il y ait une harmonisation des législations des divers pays, tendant à combattre la diffamation raciale, l’antisémitisme, les attaques contre les minorités.

(« Un entretien avec M. Jean Kahn, président du CRIF [successeur de Théo Klein] », propos recueillis par Patrick Jarreau et Henri Tincq, Le Monde, 3 octobre 1989, p. 16.)

Ensuite, il y a le cas des révisionnistes. On peut condamner quelqu’un qui fait l’apologie de crimes contre l’humanité ; mais quand ces crimes sont niés, que peut-on faire ? Là aussi, il faudra réfléchir sur la loi de 1972, de manière que l’on puisse poursuivre des gens comme Faurisson sans limiter pour autant la liberté d’expression. Je ne cache pas que c’est un énorme problème. 

(Propos de Pierre-André Taguieff recueillis par Albert Drandov, Politis, 26 octobre 1989, p. 37.)

Pour lutter contre la banalisation de l’antisémitisme, le premier ministre souhaite également créer un délit spécifique sanctionnant la négation des « crimes contre l’humanité ». Mais il ne serait pas question de condamner le révisionnisme, ni même l’apologie du révisionnisme, qui continueraient à être combattus dans le cadre du débat d’opinion. 

(Robert Solé, « M. Rocard suggère de modifier la législation pour mieux combattre le racisme »,  Le Monde, 29 mars 1990, p. 10.)

Propositions donnant lieu à controverses et nécessitant un consensus des familles politiques :

– Faut-il extraire la législation contre le racisme de la loi de 1881 sur la presse, pour la traiter selon la procédure du droit commun ?

– Faut-il créer un délit spécifique sanctionnant la négation des « crimes contre l’humanité » ?

– Faut-il incriminer le mobile raciste ? 

(« Prévenir et réprimer » [le plan que M. Rocard soumettra à ses interlocuteurs politiques], Le Monde, 29 mars 1990, p. 10.)

Il y a de l’Église dans tout cela ; de celle qui, incapable de prouver qu’elle avait raison, fulminait que l’adversaire avait tort par nature. Le racisme a tort, mais c’est d’autant moins aux tribunaux de le dire qu’ils ne le peuvent pas.

Pas plus qu’il n’y a lieu, comme on le prévoit, de les saisir du procès du révisionnisme. Mais comment démontrer que c’est une fausse bonne idée ? Que, saisis d’une telle loi, directement ou plus tard grâce à sa réforme à venir, le conseil constitutionnel pourrait la juger contraire aux principes généraux du droit, en particulier aux libertés de pensée, d’expression et de diffusion?

Qu’est-ce qu’une société, qu’est-ce qu’une démocratie sans droit à l’erreur, sans droit à la sottise ? Qu’est-ce qu’une démocratie où un comportement jugé erratique par la collectivité vaut qu’on en bannisse son auteur et qu’on rétablisse à son intention la « mort civile » que Napoléon s’était bien gardé de supprimer ? L’horrible société où régnerait la perfection. L’ambitieux gouvernement qui croit y parvenir. L’imprudent gouvernement qui ignore que l’eau pure est médicalement imbuvable.

Contre les historiens fous qui nient l’existence des camps nazis et de leurs millions de morts, faisons donner les historiens sensés qui savent ce qu’il en fut. Si ceux-là devaient ne pas convaincre, croit-on que c’est un articula deloi qui vaincrait là où l’intelligence et l’honnêteté auraient échoué ? N’attendons rien des magistrats qui, étonnante découverte, se prononceront en juges ; c’est-à-dire en droit et non selon l’équité, pour dire le droit et non pas la vérité.

Ce « trop d’État » dont se plaignent les libéraux façon XXe siècle, il est là tout autant que dans l’économie sous la forme d’ailleurs d’un « trop de lois » plutôt que d’un « trop d’action ». Quand on ne sait comment agir, on fait charger la loi. Quand la politique patauge, elle légifère, elle décrète. Elle interdit plutôt que de convaincre. 

(Philippe Boucher, « Vertu »,  Le Monde, 31 mars 1990, p. 15.)

Reste que Michel Rocard n’exclut pas d’alourdir le dispositif répressif en créant un délit spécifique « sanctionnant la négation des crimes contre l’humanité ». La proposition est entourée d’un grand luxe de précautions oratoires tant elle est sujette à controverse. Pour le gouvernement, « seul un large consensus des familles politiques » permettrait de la prendre en considération. On ne cache pas à Matignon que l’on veut à tout prix éviter « le grief dit de l’“histoire officielle” ». Pas question, donc, de condamner le révisionnisme en lui-même.

(« Matignon veut armer la justice contre la haine raciale », Libération, 28 mars 1990, p. 8.)

Bernard Cahen : Sur le principe, je suis opposé à une loi spécifique. Je regrette qu’en démocratie, à chaque fois qu’on vote un nouveau texte, il s’agisse d’un texte répressif. Pour dépasser le débat, je ne crois pas qu’une démocratie puisse vivre longtemps en reposant sur des textes de répression. J’oppose ce principe aux propositions de la LICRA. Nous avons eu un débat au RAJF et nous sommes tombés d’accord sur la conclusion suivante : les textes actuels sont suffisants, ils ont permis de condamner tous les négateurs, il n’y en a pas eu de relaxés pour insuffisance de texte…»

Serge Klarsfeld : … Si. À Auschwitz.

Bernard Cahen : À cause de l’interprétation des magistrats, pas du texte en lui-même. Enfin, nous avons très peur que l’on crée une sorte d’histoire officielle. Ce serait très dangereux. C’est pourquoi je rends hommage à la proposition de la LICRA qui a su éviter cet écueil. J’y suis sensible et c’est la raison pour laquelle je suis prêt à faire un pas.

J’émets une dernière réserve. Ce texte est ce qu’il est aujourd’hui. Comment sera-t-il après les amendements que ne manquera pas de voter l’Assemblée Nationale ?

Patrick Quentin : Limiter un texte nouveau à la Shoah ne correspond pas, à mon sens, à l’esprit du législateur républicain qui est là pour statuer sur des textes d’application générale…

Bernard Cahen :… C’est une loi d’exception qui serait proposée…

Patrick Quentin : Et nous donnerions des arguments grand public à nos ennemis.

(Fragments d’une discussion entre Mes Patrick Quentin, président de la Commission exécutive de la LICRA, Serge Klarsfeld, président de l’Association des Fils et Filles des Déportés juifs de France, et Bernard Cahen, président du Rassemblement des avocats juifs de France, Actualité juive hebdo, 28 mars 1990, p. 5-6.)

Les effets pervers de cette pratique de l’interdit sont éclatants. En confiant au pouvoir judiciaire la tâche détestable de paraître traquer le délit d’opinion et d’expression, en espérant de la concurrence entre organisations « antiracistes » une obsessionnelle chasse aux sorcières qui présente les mêmes excès que n’importe quelle chasse de cette nature, en s’abritant derrière des institutions juives inquiètes pour légitimer une insupportable police juive de la pensée – par exemple dans un cas navrant récent où on a suspendu un professeur d’université coupable d’avoir laissé s’exprimer un jeune collègue qui exposait des énormités (comme si l’université, depuis vingt ans, n’avait entendu que des propos équilibrés et raisonnables) – Michel Rocard devrait s’interroger en conscience s’il ne se prête pas à une assez répugnante instrumentalisation des concepts de racisme et d’antisémitisme en vue d’objectifs peu avouables. 

(« Sommet » antiraciste aujourd’hui à Matignon. Annie Kriegel : « Le Leurre de l’antisémitisme », Le Figaro, 3 avril 1990, p. 2.)

Charles Pasqua se dit « content » d’être là, suscite des sourires quand il affirme qu’il n’est toujours pas prêt à faire campagne pour les socialistes, reconnaît qu’«il n’est pas facile de combattre le racisme» et se déclare partisan de la qualification d’un délit nouveau pour la négation du génocide. Charles Millon veut croire que désormais le racisme ne pourra plus être un « enjeu partisan » et dénonce « les mouvements qui spéculent sur le racisme comme sur l’antiracisme». Il dit son opposition à toute « pénalisation du délit de révisionnisme ». Point de vue partagé par Michel Rocard. 

(« Racisme : la table ronde arrondit les angles », Libération, 4 avril 1990, p. 11.)

À l’exception de Charles Pasqua et du CNI, partisans de la qualification d’un délit nouveau pour la négation du génocide, l‘opposition manifeste une grande réticence. 

(Libération, 5 avril 1990, p. 4.)

Au nom du groupe UDF de l’Assemblée nationale, Charles Millon, faisant écho à André Santini, s’interroge, avec le souci de préserver la liberté de la recherche scientifique, sur l’opportunité de sanctionner les “révisionnistes”. 

(Le Monde, 5 avril 1990, p. 9.)

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Sur le sujet de la loi antirévisionniste, il est conseillé de lire :

– Georges-Paul Wagner, « Il n’appartient pas aux législateurs d’écrire l’histoire ni aux historiens de dire le droit », Présent, 27 septembre 1989, p. 3 ;

– Gérard Spitéri, « Le PS, le droit d’expression et la lutte antiraciste. Les révisionnistes en prison ? », Le Quotidien de Paris, 16-17 décembre 1989, p. 8.

 

Lettre circulaire adressée par M. Faurisson 
à sept cents correspondants
le 14 juillet 1989

 

Monsieur, Madame,

MM. Laurent Fabius et Jacques Chirac se sont prononcés pour des mesures législatives permettant de poursuivre et de condamner les auteurs d’écrits révisionnistes (Le Monde, 26-27 mars 1989, p. 18).

Une proposition de loi déposée par les députés socialistes en vue de « combattre les thèses révisionnistes » prévoit contre les auteurs de ces thèses une peine d’emprisonnement d’un mois à un an, une amende de 2.000 à 300.000 F ou l’une de ces deux peines seulement, et les frais afférents de publication judiciaire forcée (Journal officiel, Assemblée Nationale, n° 1247, 2 avril 1988).

Ainsi la France pourrait-elle légiférer contre la libre recherche historique à l’heure où, aux États-Unis, s’instaure un débat public autour de l’ouvrage d’Arno J. Mayer, historien juif de l’université de Princeton, qui écrit à propos d’Auschwitz :

Les sources pour l’étude des chambres à gaz sont à la fois rares et douteuses.[5] 

[Cet ouvrage de cinq cents pages, qui défend la thèse du « judéocide », a été lu en manuscrit par les trois historiens d’origine juive : Raul Hilberg (États-Unis), Hans Mommsen (RFA) et Pierre Vidal-Naquet (France) ; ce dernier tient à y saluer « le plus important effort jamais fait par un historien pour penser l’impensable, de façon critique ».]

Visé, comme bien d’autres, par cette tentative de répression, je me permets de vous poser les questions suivantes :

1) Approuvez-vous le principe de telles mesures ?
2) Si vous réprouvez ces mesures (qui conduiraient, par exemple, à envoyer un professeur en prison parce qu’il ne croit pas aux « chambres à gaz »), comment entendez-vous manifester votre réprobation ?
3) M’autorisez-vous à faire état de votre réponse dans l’étude que je me propose de publier sur le sujet ?

Je vous remercie de l’attention que vous voudrez bien accorder au dossier ci-joint ainsi que de votre réponse à mes questions.

Veuillez recevoir, …

P.J. : – Texte de la proposition de loi L. Fabius-G. Sarre (deux pages)
– « Le révisionnisme français après le Rapport Leuchter » (trois pages)
– « Pour qui ne croirait pas aux chambres à gaz : la prison ! » (deux pages).

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Sept premières réponses

 

MICHEL RACHLINE 
(Secrétaire Général, Directeur des Éditions Albin Michel)

Monsieur le Professeur,

J’ai bien reçu les documents que vous m’avez adressés et je vous en remercie. 

J’ai apprécié la subtilité due, je le pense, à une action de votre inconscient concernant la phrase de votre carte de visite : “Pour Michel Rachline […] et à qui j’offre une dernière occasion d’agir”, rectifiée par “à qui s’offre une dernière occasion d’agir”.

Pour en terminer avec ces reproches que vous m’adressez souvent, je me permets de vous rappeler que j’ai écrit et publié, en 1974, un ouvrage intitulé : Un Juif libre dans lequel je prenais un certain nombre de positions qui m’ont valu scandales, contestations, semi-persécutions et interdictions d’être vendu dans certaines librairies.

J’y attaquais, entre autres, la politique sioniste, et j’y exprimais instinctivement de sérieux doutes sur les chiffres avancés officiellement des victimes juives dans les camps de concentration.

Depuis, j’ai lu, relu, et relu encore vos textes, et bien que j’aie pu acquérir de la sorte un esprit critique et de très graves inquiétudes quant à la réalité du génocide et des chambres à gaz, je me demande toujours quelle différence peut faire, pour un mort, d’être mort dans une chambre à gaz ou dans de tout autres circonstances, en opposition avec la loi, telles que les camps de concentration. À moins que, ce que vous n’avez jamais fait à ma connaissance, on ne nie également l’existence de tels camps.

Une phrase m’a particulièrement touché dans votre lettre du 1er janvier 1989 intitulée : «Le révisionnisme français après le rapport Leuchter». Cette phrase de la page 2 indique que le vrai sens du révisionnisme n’a rien à voir avec le racisme. Or, étant abonné à Revision, il n’est pas de lecture que je fasse d’aucun numéro de cette revue qui ne me dégoûte profondément par la trivialité, la stupidité et le racisme constants de ses propos. Si le révisionnisme doit conduire à de telles insanités, alors le révisionnisme est une mauvaise action.

Cependant, votre message a un sens précis. Il s’agit de répondre à trois questions.

Premièrement, concernant la tentative de répression exercée par des parlementaires à travers une proposition de loi nouvelle : je vous réponds donc : je désapprouve le principe de telles mesures, ce qui revient à dire que, si je ne partage pas toujours les vues du révisionnisme, j’estime nécessaire la liberté, qu’elle soit exprimée sous une forme ou sous une autre, selon la forme de pensée de leurs auteurs.

Deuxième question : vous me demandez comment j’entends manifester ma réprobation: très précisément en répondant à votre troisième question qui consiste à vous autoriser à faire état de mes réponses dans votre étude. En outre, je vous signale que je publierai le 10 septembre prochain un ouvrage dans lequel figure un important chapitre sur la question juive telle que je la conçois, en référence naturellement à la situation créée entre 1933 et aujourd’hui.

Enfin, j’aimerais vous poser à mon tour une dernière question, Monsieur le Professeur, et cette question concerne le rapport Leuchter. Il est, je pense, de notoriété publique que les chambres à gaz prétendues ou non homicides des camps de concentration situés en Pologne, et notamment à Auschwitz et à Birkenau, sont des reconstitutions à l’initiative des Soviétiques ou des Polonais. Dans ces conditions, je vois mal comment M. Leuchter aurait pu déceler dans des reconstitutions des traces d’exécution par les gaz.

Je vous remercie de bien vouloir me donner une réponse à cette question peut-être stupide, et dans l’attente du plaisir de vos nouvelles, je vous renouvelle, Monsieur le Professeur, mon soutien intellectuel pour la liberté de vos entreprises.

Michel Rachline

Cette lettre a été suivie d’un échange de correspondance entre son auteur et son destinataire.

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JACQUES ROBICHEZ

Mon cher collègue, 

Je réponds à votre lettre du 14.

Vous savez que je trouve inique la persécution dont vous êtes victime et dont je me suis efforcé, sans succès, de vous défendre quand je présidais le CCU.[6]

Je trouve, d’autre part, insupportable qu’une loi prétende limiter, sur quelque question que ce soit, les droits de la recherche historique.

Mais je regrette que vous ayez, historien de la littérature française, abandonné votre domaine pour vous vouer à l’histoire des chambres à gaz, – ou du mythe des chambres à gaz.

Estimez-vous, oui ou non, qu’Hitler a persécuté les Juifs et que cette persécution était inexcusable ? Si vous dites « pas persécuté » ou « a eu raison de les persécuter », alors je me sépare de vous catégoriquement. Si vous admettez qu’il y a eu persécution, à quoi bon passer sa vie à se demander si les victimes ont été empoisonnées, gazées ou pendues ? Je ne comprends pas cette espèce de monomanie à la Balthazar Claes. Les circonstances de l’exécution du massacre sont évidemment d’une importance mineure par rapport à l’importance majeure du massacre.

Publiez ma réponse, si vous voulez, à condition de la publier intégralement, et croyez, je vous prie, à mes sentiments les plus cordiaux.

Jacques Robichez

Cette lettre d’un professeur honoraire à la Sorbonne a été suivie d’un échange de correspondance entre son auteur et son destinataire.

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MARCEL RENOULET 
(Directeur de publication de « L’Homme Libre »)

Monsieur, 

Voici les réponses aux trois questions que vous me posez par votre lettre en date du 14 juillet 1989. 

1/– Je n’approuve pas le principe de mesures législatives qui seraient une atteinte grave à la liberté individuelle, ainsi qu’aux droits de l’homme, que les politiciens de toutes nuances prétendent défendre ! 

2/– Je compte manifester ma réprobation, chaque fois que j’aurai l’occasion, contre toute condamnation des auteurs d’écrits révisionnistes. 
3/– Je connais particulièrement la question, depuis la publication du livre de mon ami Paul Rassinier: Le Mensonge d’Ulysse. J’avais organisé pour lui une conférence à la Bourse du Travail de Saint-Étienne.

Je vous autorise à faire état de ma réponse dans l’étude que vous devez publier.

Recevez, Monsieur, mes salutations distinguées. 

Marcel Renoulet

Marcel Renoulet est militant anarchiste.

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JACQUES WILLEQUET

Je soussigné, professeur honoraire à l’Université Libre de Bruxelles, déclare qu’au stade actuel de mes recherches, je ne puis m’associer aux thèses de mon collègue Robert Faurisson, parce que je les trouve pointillistes et parcellaires.

Cette circonstance me met d’autant plus à l’aise pour condamner, avec indignation et ahurissement, certaine proposition de loi qui tendrait à considérer comme nuls et non avenus quatre siècles de progrès, à priver davantage encore les historiens de leur liberté académique, à nuire donc gravement à la cause juive elle-même, et à donner une interprétation inattendue de toutes les déclarations officielles qui ont émaillé le bicentenaire de la Révolution française.

Pas la France, ou pas cela.

Jacques Willequet

Jacques Willequet est l’auteur d’ouvrages de référence sur la seconde guerre mondiale. Dans une carte d’accompagnement de cette lettre, il autorisait R. Faurisson à faire état de sa réponse.

 

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GEORGES CONCHON

Cher Monsieur, 

Parce qu’aucun auteur, fût-ce parmi ceux que vous citez, ne m’a porté à douter un instant de l’extermination systématique par les nazis des Juifs et des Tziganes ; parce que, plus précisément, je suis allé il y a peu à Auschwitz, où tout parle de l’holocauste et des chambres à gaz, j’ose espérer que vous ne m’accuserez pas d’aveuglement (ou de lâcheté, mais je ne suis pas historien), si mes réponses à votre questionnaire sont les suivantes :

Question n° 1 : Oui. 
Question n° 2 : Sans objet. 
Question n° 3 : Oui.

Croyez, en tout cas, que je garde un excellent souvenir de notre rencontre au lycée de Clermont-Ferrand.

Georges Conchon

G. Conchon, romancier, « prix Goncourt » 1964, essayiste politique, est mort un an après cette réponse.

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VLADIMIR VOLKOFF 

Monsieur,

En réponse à votre lettre du 14 juillet 1989, j’ai l’honneur de vous prier d’abord de m’excuser de ne pas connaître vos travaux, et d’être par conséquent incapable de porter un jugement sur le fond du débat.

Mais, pour répondre à votre première question, il me paraît évident que tout groupe ou toute personne souscrivant à la Déclaration des droits de l’homme se doit de laisser s’exprimer librement toute opinion, quelle qu’elle soit, et qu’il est à la fois absurde et déshonorant pour un soi-disant démocrate d’envisager de poursuivre au pénal un historien, quel qu’il soit, défendant la thèse même la plus invraisemblable ou la plus offensante pour quiconque. Il devrait suffire, me semble-t-il – mais je ne suis pas un homme politique –, de démontrer à l’opinion publique qu’il se trompe. S’il se trompe.

Absurde et déshonorant, mais non pas inédit, hélas.

Je vous autorise, bien entendu, à « faire état de ma réponse » à condition naturellement de la citer en totalité, et, pour répondre à votre deuxième question, ce sera là ma manière de « manifester ma réprobation ».

Veuillez recevoir, Monsieur, toutes mes salutations.

 Vladimir Volkoff

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JACQUES SOUSTELLE 
(de l’Académie Française)

Monsieur le Professeur, 

Je réponds à votre circulaire du 14 juillet, et je le ferai en toute franchise. 

En premier lieu, je suis en désaccord avec vous et avec les « révisionnistes » en général. Je considère qu’il est impossible de nier le fait du génocide, autrement dit la mise en application de la « solution finale » par l’extermination systématique du peuple juif. Je comprends mal l’acharnement que certains apportent à effacer cette réalité. Pour ce qui est des « chambres à gaz », je ne mets pas en doute les témoignages, notamment ceux de déportés que j’ai connus personnellement ; j’ajoute que la controverse sur le point précis de savoir si les millions d’infortunés disparus dans les camps sont morts gazés plutôt que pendus ou fusillés me paraît macabre et déplacée.

En deuxième lieu, je tiens à préciser que le racisme sous toutes ses formes, y compris l’antisémitisme et aussi le racisme anti-occidental et anti-français camouflé en antiracisme, est à mes yeux odieux et condamnable.

Troisièmement, je réprouve toute mesure autoritaire, législative ou policière, tendant à interdire l’expression d’une opinion, même si cette opinion me paraît profondément erronée. Laissons les ayatollahs fanatiques du chiisme dénoncer et menacer de mort quiconque ne pense pas comme eux. Autrement dit, Monsieur le Professeur, je peux me sentir en complet désaccord avec vos thèses, mais je ne saurais admettre qu’on fasse appel à la police ou à la gendarmerie pour vous faire taire.

Ma réponse comporte, vous le voyez, trois éléments que je tiens pour inséparables. Dès lors, à moins de la publier intégralement – et elle est malheureusement fort longue – je n’autorise pas qu’il en soit fait état.

Veuillez agréer, Monsieur le Professeur, l’expression de mes sentiments distingués.

Jacques Soustelle de l’Académie Française 

1er août 1990

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Notes

[1] Le Figaro, 29 juin 1990, p. 2.
[2] Le Monde, 27 juillet 1990, p. 6.
[3] Pour les débats au Parlement au sujet de la loi Fabius-Gayssot, on consultera le Journal Officiel (1990) aux dates suivantes :
3 mai, Ass. nat., p. 897-973 – 12 juin, Sénat, p. 1445-1464 – 29 juin, Ass. nat., p. 3103-3116, 3122-3142 – 30 juin, Ass. nat., p. 3195-3201 – 30 juin, Sénat, p. 2308-2313 – 1er juillet, Sénat, p. 2341-2344, 2349-2350 – 1er juillet, Ass. nat., p. 3207-3209 – 14 juillet, Lois et décrets, p. 8333-8334.
[4] Maître Klein a sans doute voulu parler de la « voie législative ». Ce Jarreau n’a rien compris. [NdÉ]
[5] A. J. Mayer, Why did the Heavens not Darken? The “Final Solution” in History, Pantheon Books, New York 1988, p. 362.
[6] Comité consultatif des universités.