Aux États-Unis, un universitaire juif s’engage dans la voie révisionniste

Dans sa livraison du 15 mai 1989, l’hebdomadaire Newsweek annonce une «tempête autour d’un nouveau livre» consacré à « l’extermination des juifs durant la seconde guerre mondiale »[1]:
 
Why Did the Heavens not Darken? The “Final Solution” in History, Pantheon Books, New York 1988, XVIII-193 p. (Pourquoi les cieux ne se sont-ils pas obscurcis ? La « solution finale » dans l’histoire.)
 
Un ami de Pierre Vidal-Naquet
 
Son auteur, Arno J. Mayer, est né en 1926 au Luxembourg au sein d’une famille juive. Il est professeur à l’Université de Princeton où il enseigne l’histoire européenne. Dans un livre paru en 1987, Pierre Vidal-Naquet l’appelait son «collègue et ami» et le nommait à neuf reprises.[2] Il écrivait par exemple : « Je dois beaucoup à Arno J. Mayer que je remercie chaleureusement.[3] » Il disait avoir lu en manuscrit l’ouvrage que ce dernier allait publier en 1988 sous le titre probable de The “Final Solution” in History. Il semble qu’en 1982 le professeur américain avait provoqué de violentes réactions de la part d’un collègue israélien au cours du colloque international de la Sorbonne présidé par François Furet et Raymond Aron (29 juin-2 juillet). Déjà à cette époque, il avait sans doute eu le courage d’exprimer des réserves sur le dogme de l’Holocauste et des chambres à gaz. En tout cas, curieusement, son propre exposé ne figure pas dans l’ouvrage publié trois ans plus tard et censé livrer le résultat de ce colloque.[4] De 1982 à 1988, nous avons donc été tenus dans l’ignorance de la thèse d’Arno J. Mayer. Si l’on en croit l’auteur, il a soumis son manuscrit à trois sommités de l’historiographie juive : Raul Hilberg (États-Unis), Hans Mommsen (RFA) et Pierre Vidal-Naquet (France).[5] En quatrième de couverture, on peut lire cette appréciation en anglais :
 
Le plus important effort jamais fait par un historien pour penser l’impensable en termes critiques (Pierre Vidal-Naquet, École des Hautes Études en Sciences Sociales, Paris).
 
Les chambres à gaz ? 
Des sources rares et douteuses 
 
Arno J. Mayer dit qu’il croit qu’il a existé une politique d’extermination des juifs et que les chambres à gaz homicides ont été une réalité mais, en même temps, il écrit des pages et se permet des observations que contresigneraient bien des révisionnistes. Dans sa bibliographie, il n’hésite pas d’ailleurs à mentionner deux ouvrages révisionnistes : Le Mensonge d’Ulysse de Paul Rassinier dans l’édition qu’en avait donnée la Vieille Taupe en 1979 ainsi que la magistrale étude d’Arthur Robert Butz : The Hoax of the Twentieth Century (La Mystification du XXe siècle). Pour lui, il n’existe aucune trace d’un quelconque plan d’extermination des juifs et, à propos des chambres à gaz, il a, dans son chapitre sur Auschwitz, cette phrase, fort étonnante de la part d’un ami de Pierre Vidal-Naquet :
 
Sources for the study of the gas chambers are at once rare and unreliable.[6]
 
On a bien lu : 
 
Les sources pour l’étude des chambres à gaz sont à la fois rares et douteuses. 
 
Il ajoute :
 
En général, ce qu’on sait [sur ce chapitre] est fondé sur les dépositions des fonctionnaires et des bourreaux nazis dans des procès d’après-guerre et sur la mémoire des survivants et des spectateurs. Il s’agit là de témoignages à tester soigneusement, car ils peuvent être influencés par des facteurs subjectifs d’une grande complexité.[7] 
 
Peut-on mieux dire qu’il faut se méfier des prétendus aveux, confessions, témoignages dont les exterminationnistes osent se prévaloir avec impudence ? Et puis, ajoute l’auteur à propos desdites sources : « on ne saurait nier les nombreuses contradictions, ambiguïtés et erreurs dans les sources actuellement existantes » (p. 363). On aimerait voir Arno J. Mayer passer en revue quelques-unes de ces contradictions, ambiguïtés et erreurs ; nul doute qu’il vise les « sources » auxquelles s’abreuvent depuis plus de quarante ans les mêmes exterminationnistes.
 
Il mentionne des « gazages » à Chelmno, Belzec, Sobibor et Treblinka mais ces mentions sont fugaces et noyées dans un flot de considérations étrangères au sujet. D’une manière générale, tout au long du livre, le sujet central, c’est-à-dire le prétendu génocide des juifs (ici appelé « judéocide ») et les prétendues chambres à gaz, est littéralement enfoui sous des amas de digressions, en particulier sur l’antisémitisme au Moyen Âge ou sur la campagne de Russie. C’est ce que les universitaires appellent complaisamment l’étude du contexte : on préférerait une étude du texte, autrement dit du sujet.
 
Plus de morts naturelles que de morts non naturelles
 
A. J. Mayer s’engage aussi dans la voie révisionniste quand il souligne avec insistance les ravages causés dans les communautés juives orientales et dans les camps de concentration par les épidémies de typhus. On oublie qu’un des principaux motifs de la création par les Allemands de certains ghettos était la hantise de voir le typhus se répandre un peu partout dans cette région du monde déjà en proie à la guerre. Autant l’auteur est vague au sujet des prétendus «gazages», autant il est précis et circonstancié sur le typhus. Pour la période de 1942 à 1945, soit pour celle où, selon les historiens exterminationnistes, il y aurait eu de fantastiques « gazages », il estime, sans malheureusement fournir de chiffres, que plus de juifs ont été tués par des causes dites naturelles (faim, maladies, épidémies, épuisement au travail) que par des causes «non naturelles» (exécutions en tous genres). Il précise que tel a été « certainement le cas à Auschwitz » et « probablement » le cas partout ailleurs.[8] Cette remarque n’est pas passée inaperçue et elle alimente une vive controverse. Par ailleurs, Mayer élimine un à un tous les documents ou arguments jusqu’ici invoqués pour faire croire que les Allemands pratiquaient une politique d’extermination des juifs (lettre de Göring à Heydrich du 31 juillet 1941, procès-verbal de Wannsee, conduite des Einsatzgruppen en Russie, discours de Himmler, etc.). Il qualifie souvent d’incertains ou de peu sûrs des faits qu’on nous présentait comme définitivement établis. Les chiffres et les statistiques qui avaient fini par prendre en quelque sorte un caractère officiel et sacré lui inspirent une grande méfiance. Distinguant, d’une part, la « mémoire » juive – pour ne pas dire la légende ou la mythologie juive – et, d’autre part, l’« histoire », il déplore l’existence d’un culte de la mémoire qui, avec les déformations que celle-ci impose à la réalité historique, est devenu « trop sectaire ».[9] La mémoire, estime-t-il, tend à «rigidifier» tandis que l’histoire appelle à « réviser ».[10] Les historiens ont aujourd’hui « la tâche urgente de penser l’impensable en termes critiques ».[11]
 
Deux suggestions pour l’avenir
 
A propos des chambres à gaz d’Auschwitz, Mayer écrit : 
 
Une fois ouvertes, les archives soviétiques pourraient bien livrer des indices significatifs et des preuves. De plus, des fouilles à l’emplacement des lieux du crime et de leurs environs immédiats pourraient produire de nouvelles informations.[12] 
 
On me permettra de rappeler qu’il s’agit là de deux idées révisionnistes pour lesquelles j’ai personnellement combattu. Au début de 1988, au second des deux procès Zündel, par l’intermédiaire de l’avocat Douglas Christie, j’ai obtenu d’un expert de l’accusation, Charles Biedermann, la confirmation de ce que les « registres mortuaires » d’Auschwitz, laissés intacts par les Allemands, se trouvaient bien pour la plupart à Moscou ; le scandale est que ces registres soient tenus cachés ainsi que les quelques volumes restés au musée d’Auschwitz ; les Américains, les Britanniques, les Français, les Allemands et les Israéliens participent à cette dissimulation de documents et vont jusqu’à refuser de dire combien de noms contiennent les quelques registres du musée d’Auschwitz dont il existe la photocopie au Service international de recherches d’Arolsen (organisme du Comité international de la Croix-Rouge, situé en RFA mais placé sous l’étroite surveillance des Alliés et des Israéliens par crainte d’une intrusion de chercheurs révisionnistes). Mayer serait-il d’accord pour demander l’ouverture de ce « dossier secret » ? Quant aux fouilles, là encore ce sont des révisionnistes qui en ont pris l’initiative malgré les interdits ; je renvoie là-dessus à ma préface au « rapport Leuchter », du nom de cet ingénieur américain qui a étudié les prétendues chambres à gaz homicides d’Auschwitz, de Birkenau et de Majdanek.[13] Le 19 février 1989, à Los Angeles, lors de la neuvième conférence internationale de notre Institut d’histoire révisionniste, Fred Leuchter a demandé la création d’une commission internationale d’enquête sur les chambres à gaz homicides censées avoir été utilisées par les Allemands. Mayer accepterait-il de trancher sur ses collègues exterminationnistes et de répondre au « rapport Leuchter » autrement que par un silence gêné ou par une fumisterie à la manière de Serge Klarsfeld et de ses acolytes ? Que pense-t-il d’une commission internationale d’experts ?
 
Progrès en dix ans 
 
Il y a dix ans, P. Vidal-Naquet avait pris l’initiative avec L. Poliakov de rédiger contre moi une déclaration publique où l’on pouvait lire que, vu l’abondance et la solidité des preuves, 
 
il n’y a pas, il ne peut y avoir de débat sur l’existence des chambres à gaz.[14]
 
Parmi les trente-quatre signataires de cette déclaration figuraient les noms de Philippe Ariès, Fernand Braudel, Pierre Chaunu, François Furet, Jacques Le Goff, Emmanuel Le Roy Ladurie,…. Mais René Rémond, lui, avait refusé sa signature. 
 
Il aura fallu attendre 1988 pour qu’un historien patenté, comme l’est Arno J. Mayer, reconnaisse dans un chapitre sur Auschwitz que les preuves de l’existence des chambres à gaz, loin d’être abondantes et solides, comme on nous le ressassait, n’étaient que rares et douteuses. On a là un exemple parmi d’autres des progrès considérables du révisionnisme historique dans la communauté scientifique. Le professeur juif de Princeton va apprendre ce qu’il en coûte de toucher au tabou du siècle. Il l’a fait avec mille précautions, sans agressivité ni provocation, mais déjà il déclenche, à côté de certaines réactions favorables dans la presse américaine, de véritables anathèmes. C’est ainsi que, sous le titre de « False Witness » (faux témoin), Daniel Jonah Goldhagen, de Harvard, l’accuse de falsification, de distorsion, de révisionnisme et d’avoir « tourné en dérision la mémoire et l’histoire ».[15] Air connu. Heureusement pour lui, A. J. Mayer vit et enseigne aux États-Unis et non pas en France comme Faurisson ou en Allemagne comme Stäglich.[16]
 
24 mai 1989
 
 
[Publié dans Rivarol du 9 juin 1989, p. 9. Reproduit ici d’après le manuscrit.]

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Notes

[1] Newsweek, p. 64-65 de l’édition US ; p. 57 de l’édition européenne.
[2] P. Vidal-Naquet, Les Assassins de la mémoire, La Découverte, Paris 1987 p. 203, n. 21.
[3] Id., p. 216, n. 12.
[4] L’Allemagne nazie et le génocide juif, Actes du Colloque de la Sorbonne de 1982, Gallimard-Le Seuil, Paris 1985.
[5] A. J. Mayer, The “Final Solution”…, p. xiv.
[6] Id., p. 362.
[7] Id., p. 362-363.
[8] Id., p. 365.
[9] Id., p. 16.
[10] Id., p. 18.
[11] Id., p. 363.
[12] Ibid.
[13] Annales d’histoire révisionniste n° 5, été-automne 1988, p. 51-102.
[14] Le Monde, 21 février 1979, p. 23.
[15] New Republic, 17 avril 1989, p. 39-44.
[16] Son ouvrage, fort de plus de cinq cents pages, ne comporte pas une seule note de référence. Aussi beaucoup de citations sont-elles invérifiables à moins de recherches personnelles de la part du lecteur.