Présentation de Robert Faurisson : entretien avec Michel Folco
La révision de l’extermination et vice versa
Reportage de Michel Folco publié dans le magazine Zéro, n° 7, avril 1987, p. 51-57
L’idée d’un tel reportage m’est venue un dimanche matin, alors que j’attendais, pour la photographier, la sortie des fidèles de la grand-messe de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, le fief intégriste parisien. Pour tuer le temps, je flânais le long des tables à tréteaux installées autour du parvis par les bouquinistes quand je tombai en arrêt devant l’étalage d’un gros barbu exposant les œuvres complètes de Paul Rassinier, cet ancien déporté de Buchenwald qui, dans les années 50, émettait de sérieuses réserves sur l’exactitude de certains témoignages publiés sur le camp de concentration où il avait lui-même séjourné dix-neuf mois.
– Tiens ! Qui peut bien éditer encore ces vieilles choses? demandai-je au barbu.
Il me toisa d’un œil suspicieux avant de me répondre :
– Il s’appelle Pierre Guillaume et il est dans l’annuaire.
– A-t-il édité d’autres livres dans ce… euh… genre ?
– C’est lui qui édite le professeur Robert Faurisson, et plus récemment Henri Roques.
Ces noms me disaient quelque chose : « Ce ne serait pas par hasard ces deux types qui prétendent que les chambres à gaz ne sont que de lugubres calomnies anti-aryennes ? »
En guise de réponse, le bouquiniste sortit d’une valise sous sa table deux livres qu’il posa devant moi. L’un était signé Faurisson et titrait en noir sur fond blanc : Mémoire en défense. Contre ceux qui m’accusent de falsifier l’Histoire. L’auteur dédiait l’ouvrage à son avocat, à ses amis, à ses anciens élèves et « enfin, dans un tout autre esprit, je dédie également ce travail à trois historiens de cour [il s’agit de René Rémond, d’Henri Amouroux et de Jacques Willoquet, ministre des Affaires étrangères belge] qui savent mais qui se taisent, et à nos intellectuels de la gauche mondaine qui, dans quelques années, se feront une réputation et beaucoup d’argent en dénonçant, à leur tour, le mythe du siècle : celui des chambres à gaz et du génocide.»
L’autre livre avait la couverture rouge vif et titrait en blanc : Faut-il fusiller Henri Roques ? Roques, à en croire la page de garde, était un « honorable retraité vivant un banlieue et qui avait défrayé la chronique en soutenant, avec succès, une thèse de littérature comparée et de critique de textes devant un jury de l’université de Nantes. La teneur et les conclusions de cette thèse avaient fait scandale dans les médias. »
Bon, très bien, j’étais intrigué et, malgré leur prix, je les achetai ; pour faire bonne mesure, je me procurai également Le mensonge d’Ulysse de Paul Rassinier, dont le gros barbu me fit la réclame en le qualifiant de « premier ouvrage fondamentalement révisionniste ».
C’est de cette façon que j’ai appris l’existence des révisionnistes et des exterminationnistes, découvrant en même temps la guerre de tranchées qu’ils se livrent depuis maintenant huit ans.
Quand je leur ai annoncé le sujet de mon prochain reportage, tous les amis qui ne me veulent pas de mal m’ont charitablement prévenu : « Ce sujet est un vrai champ de mines ! Le simple fait de s’y intéresser est d’emblée considéré comme louche. Tu auras principalement des difficultés à prouver ton objectivité. »
– En plus, me dit Gourio, à Zéro, avec la sortie imminente de Hitler = SS, ça risque de faire lourd à digérer…
Gébé, peu emballé, ajoute : « Pendant plus de vingt ans, à Hara-Kiri comme à Charlie-Hebdo, on s’est moqué de ces choses-là, de la moustache de Hitler en passant par les fours crématoires. Alors, si maintenant on se met à sortir quelque chose sur le révisionnisme, “ils” vont tous nous tomber dessus et nous descendre en flèche en beuglant : “Vous voyez ! On vous l’avait bien dit ! Enfin ils se démasquent!”»
Je plaide ma cause en évoquant les divers garde-fous que je compte dresser sur mon parcours. « Mes intentions sont des plus simples : je veux rencontrer les belligérants des deux camps ; je veux les questionner, enregistrer leurs réponses et les photographier. Voilà. » Je suis aussi très curieux de savoir comment ils en sont venus à croire à ce qu’ils croient… Et puis, d’abord, y croient-ils vraiment ?
Je n’ignore pas que seul le génocide des juifs et les chambres à gaz (l’arme du crime) empêchent encore que des statues d’Adolf Hitler soient érigées à Braunau, sa ville natale, à Linz, où il a fait ses études, à Vienne, à Munich, à Berlin, à Santiago du Chili…
Finalement, on décide que je n’ai qu’à traiter le sujet et que sa publication dépendra de la manière dont je me serais dépêtré avec sa présentation, car, paraît-il, tout est dans la présentation.
Le jour même, j’ai effectivement trouvé dans l’annuaire le numéro de téléphone de Pierre Guillaume, l’éditeur de l’homme qui depuis des années réclame sur tous les tons « une preuve, UNE SEULE preuve de l’existence des chambres à gaz ».
Pourquoi pas, après tout ! À chacun ses lubies. Je connais bien un communiste qui essaie de prouver que les Américains n’ont jamais été sur la Lune et que tout ce que nous avons vu à la télé a été filmé en studio (son argument majeur étant « Il n’y a qu’à voir 2001, l’odyssée de l’espace pour comprendre qu’ils peuvent truquer n’importe quoi et t’y faire croire ! »)… Louis Pauwels croit bien aux soucoupes volantes (voir son Matin des magiciens) et certains croient même encore en Dieu, je n’ai qu’à regarder mes photos de la sortie de la grand-messe de dimanche dernier…
J’ai rencontré Pierre Guillaume le vendredi 6 février 1987, dans son appartement (en travaux) proche du Panthéon. Nous avons conversé une bonne heure, durant laquelle je l’ai convaincu de la noblesse de mes intentions, qui sont de me montrer aussi neutre et objectif que le répondeur de l’horloge parlante.
De son côté, il m’a donné quelques informations sur lui-même (« Je suis né à Rombervillers, dans les Vosges, le dimanche 22 décembre 1940 ; ça, c’est pour mon identité. Ensuite… euh… je pense que ma vie personnelle n’a pas grande importance, ni grand intérêt… ») et m’a surpris en annonçant que sa première activité politique avait été de militer dans un groupuscule d’extrême gauche (« … c’était le courant ultra-gauche, ultra-minoritaire, et nous avions, à l’époque, beaucoup d’illusions sur la possibilité de créer une organisation révolutionnaire. »).
Son éveil au révisionnisme date de sa lecture du Mensonge d’Ulysse («… alors, c’est très simple, quand j’ai lu ce livre, ce fut soudain très lumineux ; dès cet instant j’ai estimé que c’était extrêmement important, j’ai cherché ses autres bouquins puis j’ai fait lire autour de moi… »).
Sa rencontre avec Faurisson : « On avait annoncé sur Europe 1 qu’un professeur de Lyon niait l’existence des chambres à gaz et Europe 1 avait téléphoné à ce professeur, à huit heures du matin, et moi j’entends : “Allô, Faurisson ? Qu’est-ce que vous pensez de Darquier de Pellepoix?” Faurisson dit : “Je ne connais pas ce monsieur et je ne donne d’interview qu’écrite !” Et crac ! Il raccroche ! Alors, un mec qui traite comme ça la presse, ça m’a tout de suite paru sympathique. J’ai aussitôt pris mon téléphone pour appeler une copine à Lyon pour qu’elle me trouve le numéro de Faurisson et dès que je l’ai eu, j’ai appelé… J’ai tout de suite vu que c’était un type parfaitement honnête, et justement son attitude absolument intransigeante m’avait montré que ce n’était pas un opportuniste. J’ai fait subir à Robert Faurisson un examen certainement beaucoup plus sévère que tous nos adversaires, parce qu’on s’est vraiment posé des questions… Comme je savais que, de toute façon, on entrait dans une zone de turbulences avec cette affaire, je préférais quelqu’un prêt à se faire couper en rondelles plutôt que de céder sur une virgule… Il faut dire qu’à l’époque (78-79) il vivait dans la solitude… Il était persécuté, bon, il était au bout du rouleau, avec des problèmes familiaux, des problèmes financiers, des problèmes de toute sorte… Et pas moyen de trouver un avocat, ils se défilaient tous… »
– Bon, avec Faurisson, vous vous êtes assuré au préalable qu’il n’était pas néo-nazi avant de l’éditer, mais Roques, lui, c’est notoire, il est d’extrême droite et il ne s’en cache pas. Alors, comment vous, un ultra-gauchiste, pouvez-vous cohabiter avec lui jusqu’à l’éditer à son tour?
Ma question attire cette étonnante réponse :
– Mais il n’y a rigoureusement aucun problème. J’ai écrit dans une brochure publiée par La Guerre sociale que si Hitler renaissait de ses cendres ou sortait de je ne sais quelle retraite en Amérique latine et…
– Euh… aux dernières nouvelles, il serait toujours bibliothécaire au Vatican…
– … si vous voulez… En tout cas, s’il réapparaissait et venait me féliciter pour le travail que je fais, eh bien ça ne me ferait ni CHAUD NI FROID ! [C’est lui, bien sûr, qui souligne.] J’ai… je n’ai… euh… j’estime que le révisionnisme, qui est tout simplement la critique des délires liés à la guerre et à la propagande de guerre, est absolument dans la tradition du mouvement révolutionnaire quand il existait. Le révisionnisme de la Première guerre mondiale, c’était avant tout des pacifistes, des types qui avaient été contre la guerre et qui continuaient le travail… Tout ça est absolument dans la tradition du mouvement ouvrier révolutionnaire… Aussi, si un type d’extrême droite dit des choses vraies, je dirai « Il dit des choses vraies ». Et quand, en plus, ces gens d’extrême droite ont été les boucs émissaires de tous les maux de la société depuis la fin de la guerre au point qu’on les accuse, enfin, tout simplement de… d’être même pas des hommes, enfin ! d’être une engeance monstrueuse… [Son ton est devenu catégorique pour ajouter :] c’est très simple : l’antifascisme, l’antinazisme, l’anti-extrême-droite a dépassé en abjection l’antisémitisme. Je suis prêt à signer ça… JAMAIS, je dis bien JAMAIS, on n’a atteint un pareil degré d’abjection… En plus, dans cette affaire, l’extrême droite n’a rigoureusement rien fait pour le révisionnisme puisque la plupart de l’extrême droite CROIT aux chambres à gaz… Le problème est que j’ai pu vérifier à mes dépens que dès qu’un juif est mis en cause dans une affaire, il y a presque toujours une mobilisation et une passion qui sont tout à fait disproportionnées avec des affaires similaires lorsque ce ne sont pas des juifs qui sont en cause… Il est TOTALEMENT IMPOSSIBLE de ne pas se faire traiter d’antisémite à partir du moment où l’on n’accepte pas la totalité de la métaphysique élaborée autour des camps et des chambres à gaz… Alors bon, hein…
À la fin de notre entretien, Pierre Guillaume a téléphoné à Robert Faurisson pour le prévenir de ma prochaine visite. Ce dernier a accepté, sans condition, de me rencontrer. J’ai appris par la même occasion qu’il vit à Vichy, dans l’Allier.
Le lendemain, 7 février 1987, je prends le train de 8 h 14 pour l’ancienne capitale de la France pétainiste.
– Je vous attendrai à l’arrivée, je porterai un anorak bleu. Nous irons déjeuner, m’a dit hier le professeur au téléphone.
Mettant à profit les trois heures du trajet, je compulse les nouveaux livres achetés hier à Guillaume. Il y a Réponse à Vidal-Naquet, de Faurisson, et Vérité historique ou vérité politique ?, consacré à l’affaire Faurisson, écrit par Serge Thion et dans lequel je relève rapidement trois extraits qui me semblent édifiants quant à la position des deux camps dans cette affaire.
Le premier est un extrait d’une déclaration faite dans Le Monde du 21 février 1979 par trente-quatre éminents historiens et qui se termine ainsi. « Un dernier mot pour finir. Chacun est libre d’interpréter un phénomène comme le génocide hitlérien selon la philosophie qui est la sienne. Chacun est libre de le confronter ou de ne pas le confronter avec d’autres entreprises de meurtres antérieures, contemporaines, postérieures. Chacun est libre de se référer à tel ou tel type d’explication ; chacun est libre, à la limite, d’imaginer que ces faits monstrueux n’ont pas eu lieu. Ils ont malheureusement eu lieu et personne ne peut en nier l’existence sans outrager la vérité. Il ne faut pas se demander comment TECHNIQUEMENT un tel meurtre de masse a été possible. Il a été possible techniquement puisqu’il a eu lieu. Tel est le point de départ obligé de toute enquête historique sur ce sujet. Cette vérité, il nous appartenait de la rappeler simplement : il n’y a pas, il ne peut pas y avoir de débat sur l’existence des chambres à gaz. »
Le deuxième extrait est encore plus inquiétant : « Attendu que les chambres à gaz ont existé, et que le simple fait de vouloir insérer dans un quotidien un article dont l’auteur se pose la question de leur existence porte atteinte au respect des bonnes mœurs… » (Tribunal de police de Lyon, 27 juin 1979).
Le troisième extrait est de la plume de Thion et répond indirectement aux deux autres : « S’il s’agit vraiment de faire savoir aux jeunes générations ce qui s’est passé pour qu’on “ne revoie plus jamais ça”, il faut leur présenter la vérité d’aussi près que l’on peut la serrer, débarrasser l’image de la déportation de tous les mythes qui l’encombrent et répondre aussi clairement que possible à toutes les questions qui ne manqueront pu pas d’être posées. C’est certainement cela, le respect que l’on doit à ceux qui ont souffert. Toute indignation qui n’aurait pas pour raison exclusive la recherche de la vérité, avec ce que cela comporte d’occasions de douter, aurait sûrement une portée politique visant davantage le présent que le passé ; il faudrait la traiter en procédé polémique qui utilise à mauvais droit la souffrance des autres… Je demande, pour être un peu méthodique, que l’on suspende un moment le jugement, afin que l’on puisse se demander s’il existe LA MOINDRE RAISON DE SE POSER LE PROBLÈME DES CHAMBRES À GAZ EN TERMES DE FAITS HISTORIQUES. »
En descendant du train, un peu avant midi, et en serrant la main du professeur Faurisson qui m’attend sur le quai, je ne peux plus dire que j’ignore sur quelle galère j’embarque.
Tout en déjeunant dans la brasserie en face de la gare, je fais part au professeur Faurisson des trois fermes résolutions que j’ai prises durant le trajet : la première, d’inclure un nombre égal d’exterminationnistes dons le reportage ; la deuxième, de me couvrir en renonçant à tout entretien qui ne pourrait pas être enregistré ; et le troisième, d’exiger des preuves de tout ce qui va m’être conté, des preuves qu’éventuellement j’irai vérifier.
Le professeur m’approuve gravement, me conseillant même d’inclure dans les exterminationnistes Pierre Vidal-Naquet, son « meilleur ennemi », celui-là même qui l’a traité, entre autres, d’« Eichmann de papier ».
– Nous avons été en classe ensemble… Il connaît Thion et Guillaume depuis longtemps et s’est spécialisé a nous combattre… C’est lui l’instigateur de cette déclaration d’historiens dans Le Monde.
Le magnétophone n’étant pas branché, la conversation se borne à un échange de points de vue. J’apprends ainsi que sa récente adhésion à l’Union des athées provoque des remous parmi les adhérents, certains membres menaçant de démissionner.
– Ils souhaiteraient maintenant me débarquer. Ils ne me trouvent pas très catholique… ajoute-t-il avec un petit sourire désabusé.
Le taxi qui, après le repas, nous transporte vers l’Allier, où se trouve la maison du professeur, passe devant l’ancien Hôtel du Parc, siège du gouvernement Pétain ; selon toute évidence, l’hôtel a été transformé en appartements. Je me demande si on loue plus cher que les autres celui où a habité le vieux maréchal, comme c’est le cas pour certains logements viennois où a résidé Hitler jeune.
Le premier entretien, de deux heures, a lieu dans le petit salon où se trouve le téléviseur et le tourne-disques (le second, de trois heures, aura lieu dons son bureau, au sous-sol).
Les premiers mots sur la bande du professeur Faurisson sont :
– Viens voir Papa, viens Pupuce viens !
D’un geste de la main, il invite son caniche nain à sauter sur ses genoux et le caresse machinalement tout en se mettent à parler, fixant le micro.
– Je vais essayer de vous répondre… euh… Alors attendez, par quoi commencer ? J’aime bien commencer par le commencement, alors… Voilà, je suis né le vendredi 25 janvier 1929, à Shepperton, pas loin de Londres, d’un père français qui travaillait aux Messageries maritimes et d’une mère écossaise… J’ai fait mes premières études à Singapour… et puis nous sommes rentrés en France, en 36-37, et j’ai été mis dans une école libre religieuse, à Chatou, c’est là qu’on m’appelait l’« Engliche ».
– À cause de votre accent?
– Oui, j’avais un terrible accent. C’était un supplice… Quand je récitais une fable de La Fontaine, tout le monde était plié en quatre dans la classe… En 40 (j’avais 11 ans), il y a eu l’Exode et j’ai été à Marseille, dans un collège de jésuites et là je suis tombé amoureux du grec et du latin… Après Marseille, que j’ai quitté en 43, j’ai connu une véritable libération en allant à Henri-IV… C’était en 46-47-48… C’est là que j’ai fait la connaissance de Pierre Vidal-Naquet… J’ai, après, fait des études à la Sorbonne… Mon but était d’enseigner le latin et le grec. Voilà. Moi, j’aimais cette précision millimétrique… En latin ou en grec, il n’existe en fait pas deux traductions d’un texte, il n’en existe QU’UNE, et elle est idéale… Ce n’est pas comme pour les langues vivantes, qui demandent une gymnastique particulière de l’esprit parce qu’il y a des transpositions… Mais le latin et le grec, c’est autre chose… C’est d’ailleurs comme quand vous abordez le sujet du révisionnisme, vous avez toujours un revolver braqué sur la tempe.
Pupuce, en ayant assez de se faire caresser, saute sur le tapis et fait diversion. Le professeur me propose un café, que j’accepte. Il disparaît dans la cuisine et en revient porteur d’une bouteille de Banga à l’orange. Il remplit deux verres que nous buvons en silence. Nos verres vides, l’entretien reprend :
– Le titre de mon mémoire de maîtrise était Psychologie dans le roman de Marivaux... C’est subtil, Marivaux, alors j’aimais bien disséquer, comme ça… Alors j’ai fait cette maîtrise avec un prof qui s’appelait Pintard. Je me rappelle son appréciation écrite. Il disait que c’était bien, il m’avait mis une très bonne note, mais il trouvait que je maniais le scalpel d’une façon un petit peu brutale, enfin c’était pas le mot “brutal” mais quelque chose de ce genre-là, alors, ça, je crois que c’est un trait de mon caractère… c’est… c’est… c’est un peu trop brutal, quoi !… Un peu trop affirmatif… faut le dire, hein !… Faut l’admettre…, pas diplomate, certainement pas!… Ce qui n’est pas une qualité, hein !… Il y a des gens qui se vantent de ne pas être diplomates, moi je ne m’en vante pas, c’est un défaut… J’aimerais l’être… enfin… bref… tant pis, hein ! Euh, alors, attendez, après ça, qu’est-ce que j’ai fait ? Ah, oui, je suis tombé malade. J’ai interrompu mes études pendant deux ans… J’ai eu une primo-infection…
Mon premier poste a été à Ambert, puis j’ai demandé Clermont et on m’a nommé à Vichy… C’est donc par le hasard d’une nomination que je suis arrivé ici, où j’ai été nommé dans un pensionnat de jeunes filles… Alors voilà mes liens avec Vichy. [Il rit.]
C’est par fatigue d’être dans I’enseignement secondaire et de corriger des copies, que je suis entré dans l’enseignement supérieur. Jai été nommé maître-assistant et j’ai soutenu ma thèse sur Lautréamont, sur la bouffonnerie de Lautréamont. D’ailleurs, dans ma thèse, je fais déjà allusion au mythe des chambres à gaz… en 72… j’en parle mais ne les nomme pas, je parle des rumeurs, des ragots, des bobards, des mythes de la guerre de 14, des enfants aux mains coupées… et je dis à propos de la Seconde Guerre mondiale qu’elle avait aussi ses mythes mais qu’il était dangereux d’en parler…
En octobre 73 j’ai été nommé à Lyon et puis c’est en 78 que s’est déclenchée cette affaire…
– Ça vous est arrivé de vous faire agresser physiquement ?
– Ah oui, plusieurs fois.. La première fois que ça m’est arrivé, c’est en novembre 78, à la suite d’un article paru dans Libération sous la signature de Bernard Chalchat [Schalscha ], qui a quitté Libération depuis et qui a été arrêté pour une affaire de drogue, je crois… C’était en première page et il était question du « prof antisémite », et il disait que ce prof antisémite qui s’appelle Robert Faurisson allait donner son prochain cours le lundi tant, à 14 heures, dans telle salle de l’université… Il donnait l’adresse précise… Quand je me suis promené ce lundi matin dans les couloirs, j’ai vu des gens qui n’avaient rien à voir avec la fac et qui se promenaient par là… ils repéraient les lieux. Sur les murs, il y avait des inscriptions : « FAURISSON ASSASSINE LES MORTS »… des choses comme ça… Vous pensez bien que je savais que j’allais me faire casser la gueule… Ah, ça, je le savais très bien, et c’est ce qui m’est arrivé. Ils m’ont coincé. Euh, j’ai couru, ils m’ont rattrapé, juste sur les marches de la sortie… Il y avait un homme qui était le docteur Marc Aron, président du comité de liaison des institutions juives de Lyon, et c’est lui qui m’a fait frapper par des types… des jeunes… pas armés, à poings nus, oui, et à coups de pied… Je ne pouvais rien faire, ils étaient six ou sept… Pourtant, je me serais bien battu, j’en suis capable, mais je ne le pouvais pas pour une raison très simple, c’est que j’avais mon cartable à la main avec des documents qui étaient très importants et j’y tenais plus qu’à n’importe quoi… J’étais avec un étudiant qui était courageusement resté avec moi et ils nous ont alors envoyé dans la figure un jet de… vous savez, ces espèces de bombes d’autodéfense… Euh, mais moi je ne connaissais pas ça à l’époque, et on a cru que c’était de l’acide… Moi je ne me voyais pas, bien sûr, mais l’étudiant qui était avec moi je le voyais, et il avait une très sale allure, il était devenu tout rouge… On s’est mis à courir vers un commissariat de police… Ils nous ont vu entrer comme des fous, on s’est passé la tête sous l’eau, bon, et puis la déposition a été prise… mais immédiatement la police a compris qu’il fallait surtout pas poursuivre l’affaire… Ce qui était très angoissant, c’est que je n’avais jamais vu des gens respirer, si j’ose dire, la haine de la pointe des chaussures à la pointe des cheveux… C’est très impressionnant d’avoir affaire à un type qui est persuadé, lui, d’avoir affaire au pire des salauds, et puis alors ce qui est terrible c’est la solitude, qui est soudaine, immédiate… Enfin, y a rien à faire… Les collègues qui refusent de vous serrer la main…
À partir de ces moments-là, j’avais une trouille épouvantable chaque fois que je venais faire mes cours… et c’étaient des juifs exclusivement, hein, qui venaient manifester, il faut dire les choses comme elles sont ; c’étaient des juifs à calotte qui venaient et qui criaient qu’ils voulaient ma peau et qu’ils allaient l’avoir… Ils ne s’en cachaient pas, alors, moi, j’étais là, tout seul, qu’est-ce que vous voulez ? Je me mettais dans un coin… euh, il fallait que je vienne sinon je craignais, vous comprenez, que l’administration dise : «Faurisson ne veut pas venir faire son travail»… il FALLAIT que je vienne et personne, absolument personne, ne voulait être vu avec moi… Personne ne voulait me défendre si peu que ce soit… au contraire… Mais, vous savez, c’est normal, les gens ne sont pas des héros… et c’est là qu’un jour j’ai reçu un coup de téléphone de Guillaume, que je ne connaissais pas. Au téléphone, il m’a dit : « Je suis Pierre Guillaume. » Bon, très bien, il voulait me voir, on s’est vus, avec Cohn-Bendit, Hervé Denes, j’étais surpris de voir débarquer tant de juifs comme ça qui tout de suite ont été de mon côté…
– Cohn-Bendit? Daniel?
– Non, Jean-Gabriel, son frère aîné. Bon, que j’en finisse rapidement pour arriver à 87. À la suite de cette affaire, les appariteurs se sont réunis, tous syndicats confondus, et deux délégués sont venus me voir pour me dire : « Eh bien, Monsieur Faurisson, nous avons fait une réunion spécialement sur “ça” et notre conclusion est que nous sommes là pour protéger les lieux et non les personnes », ce qui voulait dire que, bon, c’était fini. Ils ne m’avaient jamais protégé depuis trois mois, mais enfin, là, la décision était officiellement prise de ne pas me protéger… Alors l’administration m’a fait comprendre que ça ne pouvait pas continuer comme ça et qu’il fallait trouver une solution, mais il ne me disaient pas laquelle… Donc, depuis 1979, je touche mon salaire à ne rien faire. Je suis payé depuis sept ans à ne rien faire.
– Combien?
– J’ai mon salaire, 18.000 francs… C’est merveilleux, vous ne trouvez pas ? Et je dis à tout fonctionnaire : vous êtes en principe assuré de garder votre emploi, écrivez à votre supérieur hiérarchique pour lui dire que vous avez « UN LÉGER DOUTE » sur l’existence des chambres à gaz. À partir de ce moment-là, les chambres à gaz, qui sont magiques d’un bout à l’autre, se révéleront magiques une fois de plus… Vous verrez, les choses s’arrangeront pour vous… blague dans le coin, mon argent, en fait, va à des procès, à toutes ces histoires avec la LICA…
– Que faisiez-vous pendant l’Occupation ?
– En 40, j’avais 11 ans. Et pendant toute la guerre j’étais férocement anti-Allemands, et pour moi il n’y avait pas de différence entre les nazis et les Allemands. Comme à la maison on mangeait de l’Allemand matin, midi et soir, eh bien les enfants faisaient la même chose que les parents… On écoutait Radio-Londres et mes parents étaient très anti-Allemands. Nous étions sept enfants…
– Vous vous êtes marié quand?
– En 51, j’avais 22 ans… J’ai eu trois enfants.
– Vous pouvez me dire ce qu’ils font ou bien vous préférez ne pas en parler ?
– Si, si, on peut en parler. Ma fille, dont je ne donnerai pas le nom de femme mariée, de ma fille, je peux dire qu’elle fait des recherches en biologie, comme son mari… De mon fils aîné, eh bien, il voulait être magistrat, il a été obligé de renoncer à cette carrière à cause des ennuis que lui ont valu son nom… Mon autre fils est jardinier…
– Quand avez-vous commencé à vous intéresser aux chambres à gaz ?
– Eh bien, un jour, en décembre 1960, j’habitais Vichy, 22 place de l’Allier, troisième étage, et j’étais attablé devant cette table que vous voyez là, j’étais en train de lire un journal allemand, Die Zeit, et c’est dans ce journal que j’ai appris que l’Institut d’histoire de Munich (Institut für Zeitgeschichte) admettait qu’il n’y avait pas eu de chambre à gaz à Dachau, à Buchenwald et à Bergen-Belsen et, d’une façon plus générale, mais là c’était un peu confus, dans l’ancien Reich, c’est-à-dire l’Allemagne dans ses frontières de 37, ce qui donc comprendrait en plus Ravensbrück, Oranienburg, Sachsenhausen, Neuengamme… Je sais que mon sang n’a fait qu’un tour quand j’ai lu ça ! Je me suis dit : « Mais c’est… c’est… c’est INCROYABLE ! Qu’est-ce que c’est que cette histoire-là ! » Mais moi, je pensais qu’il y avait vraiment eu des gazages, et combien, dans ces camps-là ! Ça commençait à me taquiner et je pense que j’ai dû alors me mettre à lire des livres de Rassinier…
– Vous avez conservé cet article ?
– Bien sûr, je vous en fournirai une photocopie.
Le bureau du professeur se trouve au sous-sol. Les murs sont recouverts de livres, de dossiers aux couleurs vives.
– Si vous veniez à mourir, que deviendraient ces centaines de dossiers ?
– Ma femme m’a dit récemment que mes fils… d’ailleurs quand elle dit « tes fils », c’est qu’elle veut dire mon fils aîné, car le second ne me fera jamais des trucs comme ça, mais mon fils aîné est capable, si je meurs aujourd’hui, de faire venir demain un type et de lui dire : «Vous m’embarquez tout ça, je ne veux plus le voir !»
– Sans attendre vos dispositions testamentaires ? Il ferait ça aussi rapidement ?
– Ah, je pense, oui, il est très rapide, très rapide… J’étais pareil à son âge, j’étais très rapide aussi, ça ne traînait pas.
– Il vous en a déjà parlé ?
– Non, il ne me parle d’ailleurs pratiquement pas.
– À ce point-là?
– Oh oui, c’est à ce point-là.
– Tout à l’heure, j’ai tenté de poser quelques questions à votre femme, mais elle m’a tout de suite prévenu qu’« elle ne parle jamais de ces choses-là ».
– C’est exact, elle n’en parle jamais.
– Eh bien, dites donc ! Vous avez un sacré problème familial !
– Eh oui, tous les révisionnistes ont le même, ce n’est pas original.
Dans le train du retour, je prends de nouvelles notes que j’extrais d’un article paru dans Storia Illustrata et dans lequel Faurisson disait des choses telles que : « L’État d’Israël a un intérêt vital au maintien de cette fantasmagorie [les chambres à gaz et le génocide des juifs] qui n’a pas peu contribué à la possibilité de sa création, en 1948 ».
Pour étayer son propos, le professeur cite un autre professeur, W. D. Rubinstein, de la Deakin University, en Australie, qui, rendu inquiet par les progrès des révisionnistes, écrivait dans la Nation Review du mois de juin 1979, page 369 : « Si l’Holocauste venait à apparaître comme une imposture, l’arme numéro un de l’arsenal de la propagande israélienne disparaîtrait. » Ce professeur [Faurisson] concluait son article par cette étonnante chute : « La non-existence des “chambres à gaz” et du “génocide” est un bonne nouvelle. L’homme, pourtant capable de toutes les horreurs, n’a pas été capable de celles-là. »
Une demi-heure après mon retour à Paris, je téléphone à Pierre Vidal-Naquet pour prendre rendez-vous afin d’entendre sa version de cette époustouflante histoire.
***
Monsieur Pierre Vidal-Naquet me reçoit dans son bureau et, sans perdre de temps en préambules, me dit : « Je suis né en 1930, je suis historien de la Grèce antique… Mes parents ont été arrêtés le 15 mai 1944, à Marseille, et déportés au camp d’Auschwitz d’où ils ne sont jamais revenus. Dans ces conditions, il est inutile de me demander pourquoi je me suis intéressé à ces questions… La seule chose que je puisse dire, c’est qu’un historien doit produire de l’histoire, de même qu’un révolutionnaire doit produire de la révolution alors, … euh… et un réactionnaire de la réaction… Alors, lorsqu’on a commencé à nier l’existence des chambres à gaz hitlériennes – à partir de 78 –, lorsque les premiers textes de Faurisson et consorts ont commencé à se répandre… c’est à partir de ce moment-là que j’ai commencé à me documenter de façon plus précise. »
Pendant qu’il parle, il tripote nerveusement le dessous de son bureau.
– Rassinier avait pourtant écrit son Mensonge d’Ulysse juste après la guerre ?
– Il y avait en effet Rassinier, j’ai lu un petit peu de Rassinier… Mais Rassinier n’avait pas accès aux médias, si vous voulez… euh… Le Monde n’avait jamais publié une seule ligne de Rassinier alors qu’il a publié un long texte de Faurisson…
Il me dresse la liste de ses publications sur le sujet :
– Mon article de fond sur la question Faurisson et qui s’appelle Un Eichmann de papier a été publié dans Esprit, en septembre 1980, et re-publié dans mon livre Les juifs, la mémoire et le présent. Depuis, j’ai écrit un certain nombre d’autres textes, notamment une étude parue dans le volume sur l’Allemagne nazie et l’extermination des juifs et qui s’appelle « Thèse sur le révisionnisme » parce que, à l’occasion d’un voyage un Israël et de diverses documentations, je me suis rendu compte qu’on avait affaire à un phénomène mondial et qu’il fallait le prendre dans toute son ampleur… Il ne faut pas oublier qu’ils tiennent un congrès tous les ans en Californie… pour développer cette activité qui semble nourrir un certain nombre d’hommes… Vous avez plusieurs espèces de révisionnistes… Vous avez de purs fanatiques. Il y a un monsieur, par exemple, qui m’écrit de temps en temps, et c’est un ancien témoin de Jéhovah qui s’est installé maintenant en Suède d’où il organise, ou il organisait, je ne sais pas si c’est toujours possible, des tours de Pologne révisionnistes ! C’est-à-dire qu’il faisait des voyages avec des autobus et il menait les gens à Auschwitz, à Treblinka et autres lieux, pour leur dire : « Voilà les endroits où il ne s’est RIEN passé!» Maintenant, si vous le permettez, je voudrais faire ma gamme… Vous avez de minuscules sectes nazies eu néo-nazies. Il en existe partout, il en existe un Allemagne pour des raisons évidentes, il en existe aux États-Unis. Ce sont ces genres de sectes qui publient par exemple ce genre de publication…
Il me montre un livre en anglais qui s’intitule : Kissinger, un agent du KGB.
– J’en ai toute une collection. Ce sont des ouvrages qui appartiennent à des sectes néo-nazies, qui sont antisémites de même qu’elles sont anticommunistes. Dedans, ils expliquent que communistes et juifs c’est la même chose, que, par exemple, pendant la guerre, ce sont les juifs qui ont martyrisé les Allemands et non pas l’inverse… J’ai comme ça toute une vaste littérature… Vous avez donc ces petites sectes et, à l’autre extrémité de la gamme, si vous voulez, vous avez des gens qui sont de gauche, et même d’ultra-gauche comme Serge Thion, Pierre Guillaume et quelques autres… y compris des juifs comme Gaby Cohn-Bondit… Il paraît qu’il a renoncé récemment au révisionnisme, mais enfin… Vous avez des juifs, en effet, comme un nommé Karnouh… Alors, ces gens-là prétendent être des savants faisant une analyse soi-disant scientifique et politique…
Tant que Faurisson et Rassinier n’avaient que trois ou quatre disciples, cela n’avait aucune espèce d’importance ; dans la mesure où se produit cette espèce de conjonction des extrêmes, il y a en effet un danger. Et je voudrais ajouter quand même deux ou trois autres choses : la première est qu’il faut bien voir que si ce genre d’élucubrations folles rencontre quand même un certain écho, c’est qu’on fait une utilisation politique du génocide hitlérien qui elle-même est dangereuse… Il suffit de mettre les pieds en Israël pour s’apercevoir qu’il y a là-bas une utilisation politique directe de la Shoah… c’est-à-dire que dès qu’un Arabe lance un caillou sur un camion israélien en Cisjordanie occupée, on dit que c’est la suite de la Shoah ! Ce dont Monsieur Bégin s’est fait une spécialité… On court le risque de dévaloriser, de nier l’importance de la Shoah même… et ça, je suis catégorique là-dessus !
Par exemple, vous avez le rabbin Kahane, cet extrémiste juif, qui est moins dangereux qu’un homme comme Élie Wiesel qui raconte N’IMPORTE QUOI [c’est lui qui souligne]… Il suffit de lire certaine description de La Nuit pour savoir que certaines de ses descriptions ne sont pas exactes et qu’il finit par se transformer en marchand de Shoah… Eh bien lui aussi porte un tort, et un tort immense, à la vérité historique.
On a même répandu des faux témoignages sur la chambre à gaz de Buchenwald qui, à ma connaissance, n’a jamais existé. Or un homme qui a son nom donné à une place à Paris, l’abbé Georges Hénocque, a donné une description d’apparence convaincante de la chambre à gaz à Buchenwald…
– Vous avez connu Faurisson en classe, dans les années 40. Comment était-il ?
– C’était un provocateur nazi. Qui était nazi moins par goût de l’idéologie nazie que par goût de la provocation…
– Que répondez-vous à Faurisson qui réclame « une preuve, une seule preuve de l’existence des chambres à gaz » ?
Pierre Vidal-Naquet sourit en haussant les épaules.
– Il réclame une seule prouve parce qu’il sait très bien qu’il en existe des milliers… il réclame une seule preuve parce qu’il est décidé à n’en accepter aucune…
Je lui reparle du Shoah Business. Je réclame des exemples.
– Regardez Christian Bernadac et des gens comme ça !
– Ah oui, lui, c’est vrai, il a frappé très fort ; il a dû écrire ou moins une quinzaine de bouquins…
– Il a inondé le marché de récits fabuleux qui étaient faits de témoignages non vérifiés. Il y a eu une fois un très bel article dans Le Monde d’une dame qui s’appelle Cynthia Haft et dans lequel elle parle de l’« avilissement du tragique » (« Certains auteurs, constatant que le sexe et la violence font recette en ce moment, se sont avisés qu’il y avait une mine inépuisable à Auschwitz ; à Bergen-Belsen, à Mauthausen… », Le Monde du 25 février 1972).
– Donnez-moi UNE preuve irréfutable du génocide juif et des chambres à gaz.
– Si vous voulez, au-delà même de la question archéologique, qui a son importance, bien sûr, il y a ce fait MASSIF, si vous voulez, que lorsque les gens arrivaient à Treblinka ou à Auschwitz, on les SÉLECTIONNAIT… Qu’une partie disparaissait tout de suite alors que d’autres étaient inscrits dans le camp… Alors, la preuve de l’extermination, ELLE EST LÀ ! Dans cette sélection ! Elle est dans le fait que les gens allaient à droite, si vous voulez, et qu’ils ne RÉAPPARAISSAIENT PAS ! On a beau dire le contraire, c’est une donnée strictement objective.
– Comment un historien de la Grèce antique peut-il se retrouver dans une pareille galère ?
– Ben, il fallait bien que quelqu’un fasse le boulot ! Si vous voulez, le scandale, en France, c’est que les historiens professionnels ne se sont pas intéressés à ça ! Ce sont des dossiers répugnants !… Et puis ce n’est pas non plus très glorieux pour la France… Pourquoi croyez-vous que ce sont messieurs Paxton et Marrus qui ont fait le livre Vichy et les juifs… ? Pourquoi est-ce monsieur Klarsfeld, un avocat, qui a écrit Vichy et Auschwitz ? Parce que les historiens n’ont pas fait leur boulot…
– Avez-vous une bibliothèque « spécial révisionnistes » ?
– Bien sûr.
– Puis-je vous prendre en photo devant?
– Bien sûr…