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Début, en France, de la controverse révisionniste (1974-1978)

Au début de 1974, je décidais d’adresser à de nombreux destinataires, historiens et spécialistes connus, à travers le monde, une lettre à en-tête de la Sorbonne (où j’enseignais alors). En voici le texte :

 

Puis-je me permettre de vous demander votre sentiment, votre sentiment personnel, sur un point particulièrement délicat de l’histoire contemporaine : les chambres à gaz hitlériennes vous semblent-elles avoir été un mythe ou une réalité ? Auriez-vous l’obligeance de me préciser éventuellement dans votre réponse quel crédit, selon vous, il convient d’accorder au «document Gerstein», à la confession de Rudolf Höss, au témoignage Nyiszli (faut-il dire Nyiszli-Kremer ?) et, d’une façon générale, à ce qui s’est écrit de ce point de vue sur Auschwitz, sur le gaz Zyklon-B, sur le sigle « N. N. » (« Nacht und Nebel » ou « Nomen Nescio » ?) et sur la formule de « solution finale » ? Votre opinion sur la possibilité d’existence de ces chambres a-t-elle varié depuis 1945 ou bien reste-t-elle aujourd’hui ce qu’elle était il y a vingt-neuf ans ?

 
Je n’ai pu, jusqu’à présent, découvrir de photographies de chambres à gaz qui paraissent présenter quelque garantie d’authenticité. Ni le Centre de documentation juive de Paris, ni l’Institut für Zeitgeschichte de Munich n’ont pu m’en fournir. Auriez-vous, pour votre part, connaissance de photographies à verser au dossier de la question ?
 

Merci d’avance pour votre réponse et peut-être pour votre aide.

 

Au nombre de mes destinataires se trouvait le DKubovy, responsable d’un centre de documentation juive à Tel-Aviv. Mais – je l’ignorais alors – le DKubovy était décédé. Ses héritiers confièrent ma lettre au quotidien Yedioth Aharonoth, qui la publia le 26 mai 1974, sous une forme tronquée. En France, Tribune juive se fit l’écho de l’affaire le 14 juin de la même année. Puis, un hebdomadaire satirique, Le Canard enchaîné, fit de même le 17 juillet. Les autorités de la Sorbonne dénoncèrent mes «allégations» et je fus ultérieurement chassé de mon syndicat.
 
Pendant trois ans, les médias pratiquèrent la politique du silence. Mais, pendant ces trois années, tout en continuant mon travail de recherche, je ne cessais d’adresser au Monde et à quelques autres publications un abondant courrier sur le problème des chambres à gaz et du génocide.
 
C’est alors que Le Monde décida de passer à l’offensive contre le révisionnisme historique. Le journaliste Pierre Viansson-Ponté consacra une chronique venimeuse à la version française de la brochure de Richard Harwood Did Six Million Really Die?.[1] Je redoublais donc d’activité et accablais Le Monde de lettres. En août 1977, le magazine Historia publia une lettre de moi où je parlais de « l’imposture du génocide ». En juin 1978, une publication d’extrême droite, Défense de l’Occident, dirigée par Maurice Bardèche, l’auteur de Nuremberg ou la Terre promise (1948) et de (1950), publia une étude que j’avais intitulée Le Problème des chambres à gaz.
 

La pression montait. En 1978, Pierre Viansson-Ponté repartit à l’attaque et préconisa le recours à des poursuites judiciaires contre les révisionnistes.[2] Le 28 octobre, le magazine L’Express publia une retentissante interview de Louis Darquier de Pellepoix, ancien commissaire de Vichy chargé des questions juives et réfugié alors en Espagne. Celui-ci était censé avoir déclaré : « Je vais vous dire, moi, ce qui s’est vraiment passé à Auschwitz. On a gazé. Oui, c’est vrai. Mais on a gazé les poux [3]

 


Bien des raisons donnent à penser que cette interview ne fut que le résultat d’un montage dû à un journaliste discrédité, Philippe Ganier-Raymond, déjà condamné en justice, sur mon intervention, pour un montage de textes signés de Louis-Ferdinand Céline. Il est probable qu’en France certains milieux, inquiets d’apprendre qu’un professeur d’université déployait une intense activité pour rendre publics ses arguments révisionnistes, avaient décidé d’allumer un contre-feu afin de pouvoir présenter éventuellement un jour R. Faurisson comme un continuateur du « nazi » Darquier de Pellepoix. Le journal
Le Matin de Paris montait, à son tour, une provocation et me mettait directement et nommément en cause.[4] Tous les médias, à l’unisson, se déchaînèrent. L’indignation contre l’hérétique prit de telles proportions qu’un journaliste juif et des organisations juives allèrent jusqu’à suggérer l’usage de la violence contre le professeur. J’enseignais alors à l’université de Lyon-II. Le 20 novembre, je fus violemment agressé à deux reprises. La presse relata les faits, à sa manière.
 
En France, il existe, du moins en principe, ce qu’on appelle le « droit de réponse ». En vertu de ce droit, toute personne nommée ou désignée dans un journal peut exiger, sous certaines conditions précises, la publication d’un « texte en droit de réponse ». Le Monde se vit ainsi contraint de publier un texte à la fin duquel je glissais les phrases suivantes :
 
J’attends un débat public sur un sujet que manifestement on esquive : celui des «chambres à gaz». Au Monde que, depuis quatre ans, je sollicite en ce sens-là, je demande de publier enfin mes deux pages sur « La Rumeur d’Auschwitz ». Le moment est venu. Les temps sont mûrs.
 
Il est évident que les lecteurs du Monde n’auraient pas compris que leur journal refuse de publier les deux pages en question. On peut dire que Le Monde, en fin de compte, se trouvait pris à son propre piège. Pendant des années, il avait traité un universitaire révisionniste soit par la calomnie, soit par le silence. Il lui fallait maintenant, à contrecœur, donner la parole à cet universitaire. Le 29 décembre 1978, Le Monde publiait donc La Rumeur d’Auschwitz, non sans accompagner mon texte d’un ensemble impressionnant d’autres textes uniformément hostiles au révisionnisme, lesquels m’ouvraient, automatiquement, un nouveau droit de réponse. Le 16 janvier 1979, Le Monde publiait mon droit de réponse sous le titre Une lettre de M. Faurisson. La controverse allait se poursuivre longtemps encore mais sans que le journal m’accorde le moindre droit de répliquer aux innombrables mises en cause dont je devenais l’objet.
 
On trouvera ci-dessous mon article et ma lettre tels que Le Monde les publiait respectivement dans ses livraisons du 29 décembre 1978 et du 16 janvier 1979[5], déclenchant ainsi ce qu’on appellerait plus tard la « déferlante négationniste ».[6]
 
En France, le feu de la controverse s’est donc allumé en 1974 ; puis, il s’est vite éteint, du moins en apparence, mais il couvait sous la cendre. Pourquoi a-t-il repris en 1978 avec une telle virulence et pour ne plus s’éteindre depuis ce temps-là ?
 
On peut imaginer plusieurs motifs qui tiennent aussi bien à l’action des révisionnistes en France et dans le monde qu’à la réaction des anti-révisionnistes.
 
Pour ma part, je formulerais une hypothèse : c’est à partir du moment où j’ai utilisé l’argumentation matérielle (à base de considérations physiques, chimiques, topographiques et architecturales) que la partie adverse s’est sentie véritablement en danger. Dans la lettre qu’en 1974 j’avais adressée au Dr Kubovy et à bien d’autres historiens et spécialistes, mon argumentation, implicite, restait de nature historique. En revanche, dans les lettres que j’ai ensuite adressées au Monde et, en particulier, dans mon article sur Le Problème des chambres à gaz ou la Rumeur d’Auschwitz, je m’engageais sur un terrain plus solide. Faisant appel :
je quittais le terrain trop mouvant de l’histoire pour celui, plus ferme, de la science. C’est pour cette raison, me semble-t-il, que l’adversaire a perdu pied et que, dans son affolement, il a désormais répondu par des manifestations de schizophrénie collective ainsi que par d’incessantes manœuvres de diversion et d’intimidation, montrant par là qu’il voulait à tout prix éviter les risques d’un débat que – non sans raison – il sentait perdu d’avance.

28 février 1994

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Notes

[1] P. Viansson-Ponté, « Le Mensonge », Le Monde, 17-18 juillet 1977, p. 13.
[2] P. Viansson-Ponté, « Le Mensonge (suite) », Le Monde, 3-4 septembre 1978, p. 9.
[3] L’Express, 28 octobre 1978, p. 173.
[4] Le Matin de Paris, 16 novembre 1978, p. 17.
[5] Ces articles sont reproduits dans le vol. I d’Écrits révisionnistes (1974-1998), p. 122 et 131, ainsi qu’ici (avec une présentation par l’auteur datée du 8 mai 2000).
[6] Courrier international, n° 167, 13-19 janvier 1994, p. 38.