Gilbert Collard joue la carte de la Shoah et de Marine Le Pen

Au sujet de son entretien audiovisuel du 27 mai 2011, trouvé dans le blog de Paul-Éric Blanrue sous le titre “Franck ABED reçoit Maitre COLLARD” 

 

Me Gilbert Collard, alias « le Marseillais » ou « Bouboule », ne manque pas de faconde. Comme le dit l’expression populaire, « il a le cigare » (ici, dans la présente vidéo, le cigarillo). Et volontiers il se donne l’air affairé. L’estime qu’il nourrit pour sa propre personne est manifeste mais elle ne convainc guère le monde de la basoche auquel il appartient, ni celui des électeurs dont, sans grand succès, il sollicite les suffrages. Aussi le voit-on « dire son amitié » un peu partout et, tout dernièrement, comme dans cette vidéo, à Marine Le Pen. Mais gare ! L’expérience prouve qu’il tend à tourner casaque pour aller voir ailleurs.

Il se dit opposé à « la loi Gayssot », ce qui aujourd’hui est un peu de mise, mais c’est sous réserve que cette fausse audace s’accompagne, comme ici, d’une condamnation formelle ou implicite du révisionnisme. Aussi nous en prévient-il : selon ses propres termes, la « Shoah » constitue « la pire des choses dans l’histoire de l’Occident ».

Quand un révisionniste est poursuivi ou condamné sur le fondement de cette loi on ne voit ni n’entend Me Collard. Lorsque, en toute logique, il lui faudrait mettre ses actes en conformité avec sa réprobation verbale de la loi Fabius-Gayssot, il se tapit. « La foi qui n’agit point, est-ce une foi sincère ? » Avocat au début des années 1990 du révisionniste Bernard Notin, il n’avait rien trouvé de mieux à faire que de pousser son client à se rétracter ; pour l’universitaire lyonnais et sa famille, le résultat allait se révéler désastreux. Au sujet de cette affaire on pourra se reporter à mon article du 24 février 1993 intitulé « L’Abjuration de Bernard Notin » (Écrits révisionnistes (1974-1998), vol. IV, p. 1477-1479).

Un anachronisme, une fable, une fantaisie

G. Collard évoque Hitler à propos de ce que certains appellent aujourd’hui « le génocide des Arméniens par les Turcs en 1915 » : un « génocide » dont, au demeurant, la réalité est fortement contestée par un certain nombre d’historiens comme, par exemple, Bernard Lewis, de Princeton University, ou Gilles Veinstein, du Collège de France.

Il raconte : « Hitler, quand on lui faisait remarquer que le génocide des juifs risquait d’attirer l’indignation de l’opinion internationale, il répondait : “Regardez les Arméniens, personne ne s’en est occupé !” » Cette phrase implique que, pour lui, Hitler aurait donné un ordre d’exterminer les juifs et que, de manière courante, « on » (?) aurait mis le Führer en garde contre l’éventuelle indignation qu’un tel crime pourrait susciter, mais le criminel aurait à chaque fois haussé les épaules, faisant valoir l’indifférence de l’opinion internationale face à une horreur identique qui, elle, remontait à 1915.

La malchance pour G. Collard veut qu’il n’existe aucune preuve que Hitler et les siens aient échangé de tels propos. D’abord, ce mot de « génocide » risque peu d’avoir été prononcé en la circonstance puisque, d’origine juive américaine, le néologisme de « genocide » (un hybride de grec et de latin) n’est apparu qu’en 1944, aux États-Unis. Il a été forgé par le juriste juif polonais naturalisé américain Raphael Lemkin, qui l’emploie au chapitre IX de son Axis Rule in Occupied Europe: Laws of Occupation – Analysis of Government – Proposals for Redress, Carnegie Endowment for International Peace, Washington 1944, p. 79-95.

Ainsi que l’ont conclu le 2 juillet 1982 François Furet et Raymond Aron à la fin d’un colloque international qui, sous leur direction, s’était tenu à la Sorbonne sur « le national-socialisme et les juifs », aucun ordre d’extermination des juifs n’a jamais pu être trouvé, et cela malgré « les recherches les plus érudites ». D’ailleurs, si un tel ordre avait été émis, on n’aurait pas vu apparaître une école d’historiens se qualifiant de « fonctionnalistes » ou de « structuralistes » (par opposition aux « intentionnalistes ») et soutenant avec le plus grand sérieux la thèse quasi parapsychologique d’un « génocide » qui, sans ordre, sans plan (surtout à Berlin-Wannsee le 20 janvier 1942 !) et sans budget, serait né et se serait organisé comme spontanément au sein de la vaste bureaucratie allemande. Cette thèse est celle que, dans son impuissance à répondre aux demandes d’explication des révisionnistes, l’historien n° 1 de « l’Holocauste » Raul Hilberg avait fini par soutenir dans l’édition « revised and definitive » de l’ouvrage en trois volumes intitulé The Destruction of the European Jews (Holmes & Meier, New York et Londres 1985, p. 55) ; au préalable, dans la première édition de cet ouvrage il n’avait pas craint d’affirmer que Hitler avait donné deux ordres d’extermination des juifs, des ordres dont il n’avait fourni ni les dates ni les contenus (Quadrangle Books, Chicago 1967 [1961], p. 177).

G. Collard a donc, en une seule phrase, d’abord commis un anachronisme avec le mot de « génocide » (des Arméniens) censé avoir été employé par l’entourage (?) du Führer, puis propagé une fable en parlant d’un « génocide » ou d’une extermination (des juifs) imputable à une décision de Hitler. De surcroît, il s’est autorisé une fantaisie : d’une réflexion d’un jour dont nous n’avons pas la preuve il a fait un leitmotiv scénarisé ; il a pimenté le récit par l’ajout d’interlocuteurs qui, de manière habituelle, auraient formulé une objection à laquelle le Führer aurait, non moins habituellement, fait la même cynique réponse. On est là encore plus près du roman que de l’histoire.

Car il faut savoir que la source de ce qui nous est conté par G. Collard tient essentiellement en une phrase : « Who after all is today speaking about the destruction of the Armenians ? » (« Qui, après tout, parle aujourd’hui de la destruction des Arméniens ? »). Cette phrase aurait été lancée par Hitler, le 22 août 1939, soit neuf jours avant son attaque de la Pologne. Il l’aurait glissée lors d’une conférence qu’il avait effectivement tenue à l’Obersalzberg devant les trois commandants de l’armée de terre, de la marine et de l’aviation allemande ainsi que devant un certain nombre de généraux. De cette phrase de douze mots anglais nous ne possédons pas la supposée version originelle en allemand. Et pour cause ! La seule source connue est en anglais et provient d’une lettre, en date du 25 août 1939, adressée par Sir G. Ogilvie-Forbes, chargé d’affaires du Royaume-Uni à Berlin, à Sir Ivone Kirkpatrick, spécialiste de l’Allemagne au Foreign Office à Londres. Ledit chargé d’affaires disait tenir le document d’un journaliste américain du nom de Louis Lochner de l’Associated Press, ce dernier prétendant l’avoir lui-même obtenu d’un officier d’état-major allemand qui l’aurait reçu de l’un des généraux présents à la conférence ; Lochner avait insisté pour que le nom de son informateur ne fût pas divulgué (Documents on British Foreign Policy 1919-1939, ed. by E. L. Woodward and Rohan Butler, Third Series, Vol. VII, 1939, p. 41, HMSO, Londres 1954). Par conséquent, à l’origine de cette affaire où X aurait dit que Y lui aurait confié que Z lui aurait raconté telle anecdote nous n’avons qu’un seul nom, celui d’un journaliste américain dont, par ailleurs, l’hostilité à Hitler était connue. Je ne m’attarderai pas sur l’embarras du ministère public américain au procès de Nuremberg lorsqu’il a tenté, en la personne du procureur adjoint Sydney Alderman, d’exploiter l’affaire ; je renvoie ici à la transcription américaine ou française des débats du 26 novembre 1945. Quant aux historiens, ou bien, tel Raul Hilberg, ils passent sous silence cette phrase attribuée à Hitler ou bien, tel le spécialiste du sujet, Winfried Baumgart, ils expriment un profond scepticisme. En 1996 l’historienne Madeleine Rebérioux, qui militait à la LICRA, résumait l’affaire en ces termes : « Je crois que les historiens sont d’accord pour dire que cette phrase de Hitler est apocryphe » (« Peut-on débattre de la Shoah ? », émission de Patrice Gélinet « Le Grand Débat » sur France-Culture, 17 juin 1996). – Au cours de son entretien, G. Collard a débité d’autres « paroles verbales » de moindre calibre ; j’ai simplement voulu traiter ici du plus contestable de ses propos.

Une fanfaronnade

Une autre de ses perles cependant mérite qu’on la mentionne. Dans cette vidéo on l’entend dire en passant : « J’aime bien la tempête. J’ai pas peur [sic] du combat. » Or toute son existence est là qui nous prouve le contraire, qu’il s’agisse, au choix, de son appartenance à la Grande Loge maçonnique de France (une vraie caution bourgeoise pour le coup), de son sage comportement au prétoire, de sa complaisance pour le monde des journalistes et des caméras, ou enfin de sa soumission aux habituelles servitudes des campagnes électorales. Quand on « aime bien la tempête » on se garde de souffler comme il le fait, c’est-à-dire dans le sens du vent. Certes, à l’instar de toute personnalité publique, il fait l’objet de critiques et surtout il est la cible de moqueries à cause de son penchant pour l’esbroufe. Mais il n’a, qu’on sache, connu de toute sa carrière nul combat, nulle tempête qui auraient pu lui valoir une mise au ban de la société ou, plus simplement, la perte de tout repos pour lui-même et pour les siens. La liste est longue des hommes et des femmes qui ont tout, ou presque tout, sacrifié à une juste cause ; de cette liste, jusqu’à présent, le nom de Gilbert Collard, âgé de 63 ans, est absent. À moins d’une rébellion de dernière heure il y a fort à parier que notre avocat, parvenu à l’âge de la retraite, obtiendra cet honorariat dont a été privé son confrère Éric Delcroix, du barreau de Paris, qui, lui, avait eu le courage de mettre ses actes en conformité avec ses paroles. En 1994 É. Delcroix avait délibérément enfreint la loi Fabius-Gayssot dans un livre intitulé La Police de la pensée contre le révisionnisme / Du jugement de Nuremberg à la loi Fabius-Gayssot ; en 1996 il avait été condamné ; en 2008 « une insupportable police juive de la pensée » (Annie Kriegel), toujours en quête de sa livre de chair, avait argué de cette condamnation pour obtenir à l’encontre du courageux avocat le pur et simple refus de l’honorariat. L’affaire avait indigné des confrères mais non G. Collard qui, probablement pour éviter toute compromission avec le pestiféré, avait préféré se taire.

Allégeance à « la communauté juive »

Il faut dire que, soucieux de se concilier « la communauté » des puissants, il lui arrive d’envoyer à cette dernière de discrets signes de connivence. Il le fait dans le présent entretien où, tout à coup, sans crier gare, il dénonce « ces fripons de banquiers suisses », ce qui revient à faire chorus avec les organisations juives qui avaient accusé les banques helvétiques de s’être approprié de l’argent juif pendant la dernière guerre et d’avoir mis trop de temps pour verser à titre d’indemnisation la somme forfaitaire, imposée par le milliardaire juif canadien Edgar Bronfman, de 1 250 000 000 USD.

Dans un récent article de son blog on trouvera conjointement ses protestations d’amitié pour Marine Le Pen et l’expression de sa sympathie pour les juifs victimes de ces banquiers suisses (gilbertcollard-leblog.com/article-la-plume-brisee-75095772.html [lien caduc]). Écoutons les accents que lui arrache alors une épreuve de plus dans sa vie de damné de la terre ! Il ne craint pas d’écrire : « Quel pays ! Je devais signer mon dernier livre dans les salons de la banque suisse Swiss Life. Elle m’a fait savoir du haut de son minaret qu’elle ne veut pas, que mon amitié avec Marine Le Pen rendait ma présence indésirable. Cela étant, vu ce que certaines banques suisses on [sic] fait aux biens des juifs, je pense que ce sont elles qui sont infréquentables ! Une chape de plomb écrase la liberté de penser au nom d’un moralisme préfabriqué par des années de conditionnement politique et médiatique destiné à maintenir en place le même système et les mêmes lâches. »

À l’en croire, quel affreux pays que la France (?) ou la Suisse (?) d’aujourd’hui ! Quel cruel système ! Quelle intolérance ! D’une banque suisse, qu’il jugeait fréquentable au point de vouloir lui louer ses salons, il a essuyé un refus assorti d’une leçon de morale shoatique : on ne se commet pas avec une Le Pen ! Un comble ! Du coup, notre Marseillais décrète « infréquentables » certaines « banques suisses » ; il va bousculer ce « système » et mettre un terme au règne des « lâches » !

Pour qui voudrait en savoir plus sur notre paladin je conseillerais volontiers la lecture de son blog mais on y découvre beaucoup de vent, peu de substance, des vues stéréotypées à la Mame Michu sur la noirceur du monde, et cela dans une langue, un style et une orthographe passablement relâchés. Dans ce blog un sauveur apparaît, Gilbert Collard en personne, qui se campe en libérateur, dénonce les « donneurs de leçons » et adopte la posture du chevalier servant des causes perdues. Pour ne prendre que cet exemple, il suffirait aux Vichyssois de l’élire à la tête de leur municipalité pour que la ville sorte de sa prétendue léthargie. Sa bête noire est Claude Malhuret, le maire actuel, à vrai dire aussi efficace que discret. Il lui reproche de négliger sa ville en général et, en particulier, la maison natale d’Albert Londres (située, soit dit en passant, rue Besse et non rue Bresse à Vichy). Notre « chevalier des Arts et des Lettres » préside le « Cercle des Amis d’Albert Londres ». À ce propos il envoie à C. Malhuret une lettre au ton condescendant mais au français incertain et à l’orthographe approximative. Albert Londres est né à Vichy en 1884 et il est mort en 1932 dans l’Océan Indien lors de l’incendie du Georges Philippar, paquebot des Messageries Maritimes. Il a notamment écrit Au Bagne (1923), Chez les Fous (1925), Terre d’ébène (la Traite des Noirs) (1929), Le Juif errant est arrivé (1930). Dans sa présentation de Terre d’ébène il définit en ces termes le métier de grand reporter engagé : «Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie ». La formule est élégante et nerveuse. G. Collard la reproduit dans son « Blog officiel de Gilbert Collard » mais il en dénature tout le début. Il en fait platement : « Notre rôle n’est pas d’être pour ou contre, il est de porter la plume dans la plaie. » On lui fera observer qu’Albert Londres ne prétendait pas jouer un « rôle » mais simplement exercer un « métier » ; puis, modestement, en connaisseur des limites de l’homme, il évitait de se présenter comme un surhomme au-dessus de la mêlée et capable à ce titre de n’être « ni pour ni contre ». En fait, au terme d’un examen scrupuleux des individus, des sociétés, des situations réelles et concrètes, il prenait parti et, comme un simple fantassin, il partait au combat pour des causes précises qui lui paraissaient justes. Il faut méditer cette brève présentation de Terre d’ébène. Je connais peu de textes aussi poignants que ce rappel des épreuves auxquelles s’expose nécessairement celui ou celle qui s’engage dans la défense d’une noble et périlleuse cause.

Dans sa propre existence G. Collard gagnerait à prendre modèle sur un tel homme.

6 juin 2011

[Article paru dans Rivarol le 17 juin 2011, p. 4]