Jacques Derrida et Élisabeth Roudinesco contre Robert Faurisson
Jacques Derrida, philosophe, est directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales ; il est un spécialiste de la « déconstruction », c’est-à-dire d’une forme, notamment, d’analyse des textes. Élisabeth Roudinesco, historienne, est chargée de conférences à l’École pratique des hautes études (IVe section) ; la psychanalyse est sa spécialité. En 2001 le premier a publié aux éditions Galilée La connaissance des textes tandis que la seconde, aux éditions Bibliothèque nationale-Seuil, a publié L’analyse, l’archive. Tous deux, la même année, ont signé ensemble, aux éditions Fayard/Galilée, De quoi demain…/ Dialogue (329 p.).
Leur dialogue se divise en neuf chapitres. Le chapitre 7 (p. 175-222) est intitulé : «De l’antisémitisme à venir». Il y est beaucoup question de ce que les deux interlocuteurs s’accordent à appeler le « négationnisme ». Pour eux, les révisionnistes, qu’ils nomment « négationnistes », sont des faussaires qui s’acharnent à nier l’évidence. J. Derrida et É. Roudinesco s’en prennent à l’Américain Fred Leuchter, spécialiste de la chambre à gaz d’exécution aux États-Unis et connu pour avoir, en 1988, à la suite de ses investigations sur place à Auschwitz et à Majdanek, conclu dans son rapport d’expertise que, dans ces camps, il n’avait ni existé ni pu exister de chambres à gaz d’exécution.
Venant ensuite à parler de Robert Faurisson, É. Roudinesco déclare :
Faurisson est aussi un faussaire à sa manière. Un faussaire qui pense que les autres sont des faussaires. Avant de devenir négationniste, il a publié des études « littéraires » pour montrer que les œuvres de Rimbaud, Nerval et Lautréamont n’avaient pas été écrites par leurs auteurs (1). Il se disait alors spécialiste de la recherche du « sens et du contresens, du vrai et du faux », et de la « critique de textes et documents ».
La note (1) se lit :
Cf. Nadine Fresco, « Les redresseurs de morts. Chambres à gaz : la bonne nouvelle. Comment on révise l’histoire », Les Temps modernes, juin 1980.
Le professeur Faurisson est donc traité de faussaire.
Cependant, afin de démontrer qu’il est effectivement un faussaire, ses accusateurs ont recouru à une série d’affirmations ou d’insinuations qui, comme il est facile de le montrer, sont toutes, sans exception, ou fausses ou fallacieuses.
Les affirmations ou les insinuations
Voici, dans l’ordre du texte, les affirmations ou les insinuations :
1. « Faurisson est aussi un faussaire à sa manière » ;
2. « Un faussaire qui pense que les autres [mot en italique] sont des faussaires ». Autrement dit, Faurisson-le-faussaire est, au surplus, un calomniateur éhonté ; il appartient à cette catégorie d’impudents faussaires qui, précisément parce qu’ils sont des faussaires, pensent que les autres sont des faussaires ; or, les autres ne sont pas des faussaires ; car « c’est celui qui le dit qui l’est » ;
3. « Il a publié des études “littéraires” » ; le mot est entouré de guillemets parce que Faurisson-le-faussaire, pratiquant partout le faux, ne peut avoir publié que des études faussement ou prétendument littéraires ;
4. Il a voulu « montrer que les œuvres de Rimbaud, Nerval et Lautréamont n’avaient pas été écrites par leurs auteurs » ; ainsi Faurisson-le-faussaire a-t-il apporté des preuves répétées de ce qu’il est un faussaire invétéré et éhonté puisque tout le monde sait – au point qu’il est inutile de le démontrer – que c’est là falsifier et calomnier ces trois auteurs et travestir la réalité ;
5. La preuve de ce que Faurisson-le-faussaire est allé aussi loin dans ses travaux de faussaire se trouve dans un ouvrage de Nadine Fresco dont la référence précise est donnée ;
6. Non content de faire œuvre de faussaire, Faurisson s’est paré de compétences usurpées ; il n’était pas un spécialiste de la « critique de textes et documents » mais « se disait tel ».
Sans preuves ou avec de fausses preuves
Or, dans cet alinéa de 73 mots et dans cette note de 23 mots, où l’on affirme ou insinue, sous différentes formes, que Faurisson est un faussaire, on n’a fourni au lecteur aucune preuve, sinon de fausses preuves, objectivement identifiables comme telles.
En effet :
1. Jamais ceux qui, comme les présents accusateurs, ont traité Faurisson de «négationniste» (niant l’évidence), de faussaire ou de falsificateur n’ont été en mesure de prouver leur accusation. Au contraire, les juges auxquels ils ont fait appel sont parfois allés jusqu’à prononcer que dans les travaux historiques du professeur on ne pouvait déceler ni légèreté, ni négligence, ni ignorance délibérée, ni mensonge (arrêt de la première chambre, section A, de la cour d’appel de Paris, 26 avril 1983) ;
2. Le professeur a publié des études littéraires (sans guillemets), soit chez Jean-Jacques Pauvert ou chez Gallimard, soit encore dans des publications universitaires spécialisées ;
3. Il n’a jamais dit ni voulu montrer que les œuvres de Rimbaud, de Nerval et de Lautréamont n’avaient pas été écrites par leurs auteurs ;
4. Jamais Nadine Fresco n’a soutenu ni, à plus forte raison, prouvé que le professeur s’était laissé aller à pareille affirmation ou démonstration ;
5. Ce sont les présents accusateurs qui ont fait œuvre de faussaires pour soutenir une fausse accusation ; en effet, leur appel de note renvoie à une note à laquelle ils ont donné toutes les apparences du sérieux universitaire, sauf qu’ils ont omis de préciser – et pour cause – le numéro de la page où N. Fresco aurait soutenu et prouvé que le professeur avait ainsi traité Rimbaud, Nerval et Lautréamont ;
6. Le professeur était, officiellement et en propres termes, un spécialiste désigné par son université (Université Lyon 2) pour enseigner la « critique de textes et documents [littérature, histoire, médias] » ; il s’agissait d’un certificat C2, doté d’un numéro d’identification mécanographique (UER 24, code 4438) et réservé aux étudiants munis d’une licence ; dans le livret officiel détaillant les matières enseignées, il était spécifié que cette critique portait sur la recherche du sens et du contresens ainsi que du vrai et du faux.
Absence de bonne foi
Les co-auteurs du livre ne peuvent invoquer la bonne foi pour les motifs suivants :
1) Ils sont tous deux des universitaires réputés ; ils sont censés savoir lire et écrire, c’est-à-dire qu’ils sont supposés lire de près et peser leurs mots ;
2) Tous deux se piquent, pour l’un, Jacques Derrida, de soigneusement «déconstruire» et, pour l’autre, Élisabeth Roudinesco, d’ « analyser » scrupuleusement les œuvres dont ils entretiennent le lecteur ;
3) À la page 201 de leur ouvrage, ils font la leçon à ceux qui, pour reprendre leurs termes et leur propre tournure de phrase, « n’ont pas lu, pas su lire, pas pu lire ou pas voulu lire » un livre ou un auteur au secours duquel ils se sont portés, ensemble;
4) Les deux auteurs sont indissociables en la circonstance. É. Roudinesco parle et, par son silence, J. Derrida approuve. Lorsque ailleurs, dans ce même ouvrage, ce dernier est en désaccord avec son interlocutrice ou quand une rectification ou une nuance lui paraissent nécessaires (par exemple, aux pages 220-221, sur la loi Fabius-Gayssot), il ne manque pas d’intervenir ; et vice versa pour É. Roudinesco. Comme l’indique le sous-titre de l’ouvrage, il s’agit d’un « dialogue ». Enfin, les deux auteurs sont censés avoir lu et vérifié les épreuves typographiques de leur commun ouvrage. J. Derrida a lu aussi bien le corps du texte que la note de la page 218 et, par son silence, il a, en conséquence, donné son aval à une série d’affirmations ou d’insinuations qui, toutes, sans exception, sont ou fausses ou fallacieuses.
Jacques Derrida et Élisabeth Roudinesco, dont la pensée est floue et l’expression relâchée, manquent également de rigueur et de probité.