Lettre à Michel Favre, juge accusateur
Case postale 156, CH 1702 FRIBOURG (Suisse)
Votre lettre du 26 juin 2001 (cachet du même jour) m’est parvenue ce samedi 7 juillet.
Vous n’aviez pas besoin de souligner que le code de procédure pénale de votre canton vous autorise à me condamner, dans le secret de votre cabinet, à un mois de prison ferme. Je m’en doutais, figurez-vous !
Le scandale réside précisément dans le fait qu’à l’aube du XXIe siècle un canton suisse possède un code de procédure pénale qui autorise un juge improprement appelé « d’instruction » à prononcer une condamnation sans instruction préalable. J’entends le mot d’« instruction » au sens qu’on lui accorde généralement aujourd’hui dans les nations civilisées.
Vous avez donc eu tout loisir de condamner par correspondance un homme de septante-deux ans à un mois de prison ferme sans l’avoir prévenu de l’existence d’une procédure à son encontre, sans l’avoir convoqué, sans l’avoir vu ni entendu, sans lui avoir permis de présenter sa défense, sans même vous être d’abord assuré de son identité et sans lui avoir demandé si l’écrit que vous lui reprochez est bien de lui et a effectivement été rédigé sous la forme où celui-ci vous est parvenu. Arrivé au point de décider si la condamnation allait être assortie du sursis, vous avez doctement écrit : « Un pronostic favorable ne peut pas être posé, de telle sorte que la peine qui sera prononcée ce jour ne saurait être assortie du sursis ». Comprenez pourquoi, dans mon pli du 19 juin, je vous avais dit : « Je tiendrai, si c’est possible, à voir votre visage ». Je souhaite, en effet, rencontrer face à face un maître Jacques de canton qui, tout à la fois, est un juge d’instruction, un procureur, un juge du siège et un psychologue capable de lire dans l’avenir au point de pronostiquer le comportement d’une personne qu’il n’a jamais rencontrée de sa vie.
Je vous fais compliment de tant de qualités. En revanche, je ne saurais vous faire compliment de la qualité de vos informations sur mon compte, de votre maniement de la langue, du peu de soin apporté à reproduire quelques mots de votre serviteur et de votre manque d’attention dans la relecture de votre propre prose. Pour ne prendre que ces exemples, je suppose que, sous votre plume, « suite romande » doit se lire « Suisse romande » et que « se rencontre » signifie « se rend compte ».
Vous vous êtes mal informé sur les condamnations que m’a values, en France, mon hérésie révisionniste. Je ne vais pas rectifier vos fautes, vos erreurs, ni combler vos lacunes. Notez, en tout cas, que même depuis l’institution dans mon pays, le 14 juillet 1990, de la loi Fabius-Gayssot (alias Lex Faurissonia) jamais un tribunal ne m’a condamné à une peine de prison ferme. Peut-être parce qu’en France un révisionniste a le droit d’expliquer à la barre pourquoi il est révisionniste. Et là, croyez-m’en, le révisionniste fait mouche. Il a des arguments à profusion cependant que, par l’effet d’un contraste qui manifestement frappe les juges, la partie adverse est réduite à quia et n’a pour tout recours que l’insulte. Voyez, à ce propos, la pièce jointe, datée du 21 juin 2001, où l’on constate que des historiens antirévisionnistes en sont réduits à écrire au sujet des révisionnistes : « Manipulant le mensonge à un degré extrême, ils sont difficiles à réfuter avec les arguments logiques ».
J’en viens au point le plus contestable de votre lettre du 26 juin. Vous ne craignez pas d’affirmer que le prévenu a le droit d’être entendu ; ce droit, précisez-vous, lui est « garanti par la possibilité qu’a celui-ci de faire opposition et d’obtenir des débats contradictoires devant le Juge de répression ». À quoi je vous ferai observer que je ne suis plus un « prévenu » mais un condamné. Mais, surtout, il n’y a place devant vos tribunaux pour de quelconques « débats contradictoires » dès lors que le prévenu est un révisionniste. En pareil cas, on bride le révisionniste et on bâillonne ses témoins et même son avocat. Si, devant un tribunal, ces derniers se risquent à invoquer pour la défense du prévenu un seul argument révisionniste, ils sont immédiatement rappelés à l’ordre par le représentant du ministère public et, s’ils insistent, ils seront poursuivis en conséquence. J’ai assisté dans votre pays à l’immonde procès au terme duquel MM. Förster et Graf ont été respectivement condamnés à douze mois et quinze mois de prison ferme. Je parle donc d’expérience.
Sortons de la fumée de vos considérations théoriques et revenons à la réalité. En fait, vous m’offrez le choix entre, d’une part, une condamnation à un mois de prison ferme et le versement de 230 FS pour « frais de procédure » et, d’autre part, une peine, en première instance, d’un minimum de douze à quinze mois de prison ferme sans compter d’inévitables dépenses en «frais de procédure», en amendes, en dommages-intérêts, en frais d’avocats, d’hôtel, de transport, et cela sans utilité aucune puisque me serait dénié le droit élémentaire de pleinement me faire défendre sur le fond. Etonnez-vous que j’aie choisi la première solution !
Le fier Helvète, cédant à de formidables pressions internationales, a voté une loi antirévisionniste qui a pris effet en 1995. Au nom de cette loi, on peut dans son pays contester tout point de la longue préhistoire et histoire des hommes sauf un point de l’histoire ou de la prétendue histoire des années de notre ère qui vont de 1941 (ou 1942 ?) à 1944 (ou 1945 ?). Pendant des milliers d’années, l’humanité a vécu des milliards d’événements ; sur ces événements, on peut en principe, dans nos démocraties, exprimer librement les opinions les plus diverses, et cela qu’on se trouve être un historien, un scientifique ou un simple citoyen. Et puis, soudain, le holà est mis sur l’histoire d’une poignée d’années ; c’est l’embargo, le veto, le tabou. Armé de son glaive, le juge se dresse. Fouquier-Tinville vient nous dire le droit, la science et l’histoire. Et, s’il vous plaît, pour l’éternité ! Prodigieux ! Pourquoi ce seul et unique point d’histoire tout à fait contemporaine? L’Helvète n’a pas même le droit d’en douter (voyez le procès de G.-A. Amaudruz ; ce dernier, bien qu’âgé de quatre-vingts ans, s’est vu condamner, le 5 avril 2000, à douze mois de prison ferme). Ledit Helvète peut affirmer – non sans raison– que l’histoire de Guillaume Tell n’est qu’un mythe cher à un groupe de population donnée (la sienne en la circonstance !) mais il ne peut mettre en doute un certain autre mythe cher à un groupe international qui lui fait les poches. Merveilleux ! À ce prodige, à cette merveille il existe une explication d’une simplicité biblique mais, saluons l’artiste, le juge – encore lui – nous fait défense de la dire.
Comme j’ai eu l’occasion de l’écrire ailleurs, Voltaire, craignant la lettre de cachet, s’était installé à Ferney afin de pouvoir, d’un pas, trouver refuge en terre de Suisse. Les temps ont changé. Aujourd’hui, en Suisse, on vous laisse le choix entre la simple lettre de cachet et une parodie de procès public où l’on menace aussi bien votre avocat que vos témoins. Dans les deux cas, la prison vous attend pour le plus grave des crimes : celui d’hérésie en matière d’histoire religieuse. Je dis bien « religieuse » puisque, comme l’a admis, jusque dans la presse suisse, l’historien antirévisionniste Jacques Baynac, ceux qui croient aux chambres à gaz nazies ne disposent franchement d’aucune preuve (Le Nouveau Quotidien de Lausanne dans ses livraisons du 2 et du 3 septembre 1996). Le téméraire n’a pas été poursuivi parce qu’il a eu la précaution de clamer, en dépit de tout, sa foi en l’existence de ces chambres. Credo quia absurdum !
Bref, si je devais me retrouver effectivement à la disposition de ce que vous appelez votre « Service pénitentiaire, organe chargé de l’exécution des peines », je ne manquerais pas de faire savoir, via Internet ou par d’autres moyens, que cet emprisonnement s’est fait d’ordre de la Nouvelle Inquisition, représentée, au pays qui a brûlé Michel Servet, par le sieur Michel Favre, juge accusateur.
[Signé] Robert FAURISSON 10 juillet 2001
PJ : Les révisionnistes sont difficiles à réfuter (21 juin 2001).