Note sur l’Épuration en France
[Bref aperçu rédigé à la demande d’un étranger préparant une conférence sur l’idéologie régnante en Europe]
Le sujet de l’Épuration en France est immense et il a fait l’objet d’un flot de publications.
Quand j’ai reçu votre demande, j’ai voulu procéder pour vous à une étude en réduction de ce vaste sujet (étude en cinq ou six pages) et vous indiquer les principales lectures à entreprendre. Puis, je me suis rendu compte que nous allions, vous et moi, y perdre notre temps puisque, aussi bien, vous devez rendre votre copie dans deux mois à W. M. Je viens donc de prendre une décision tranchante, celle de vous fournir le minimum de renseignement et le minimum de bibliographie sur ce sujet.
Pour ce qui est de la bibliographie, tout bien pesé, il me semble que vous trouverez, à ce jour, l’essentiel de la question qui vous intéresse dans les pages 512-708 du livre de Dominique Venner, Histoire de la Collaboration, suivi des dictionnaires des acteurs, partis et journaux, éditions Pygmalion / Gérard Watelet, Paris 2000, 768 p. L’auteur a la juste réputation d’être de droite, mais il me paraît néanmoins équitable, prudent et bien informé. Toutefois, si vous désirez entendre un son différent, vous pouvez vous reporter aux livres soit de Peter Novick, soit de Herbert Lottman, deux auteurs juifs dans tous les sens du terme. Vous trouverez facilement leurs oeuvres en anglais. Ces oeuvres ont été publiées en français en 1985 et en 1986 ; pour Novick, L’Épuration française, 1944-1949, Balland, Paris, et, pour Lottman, L’Épuration 1943-1953, Fayard.
L’usage est de distinguer, d’une part, ce qu’on appelle « l’Épuration sauvage », c’est-à-dire les exécutions sommaires, dont le point culminant a été atteint en juin-septembre 1944, et, d’autre part, « L’Épuration légale », qui, pour l’essentiel, a immédiatement suivi.
Sur la première forme d’épuration, Philippe Bourdrel a publié un gros ouvrage en deux volumes (1988 et 1991) : L’Épuration sauvage 1944-1945. Ces deux volumes ont été corrigés et réédités, en février 2002, en un seul volume de 573 pages à Paris, à la Librairie académique Perrin. Si vous voulez une monographie sur quelques exécutions sommaires dans un coin très limité de France, je me permets de vous signaler mon condensé de 26 pages paru en anglais dans le Journal of Historical Review, printemps 1992, p. 5-30 ; il s’intitule A Dry Chronicle of the Purge in France in 1944 ; en français, Chronique sèche de l’Épuration. Exécutions sommaires dans quelques communes de Charente limousine, Revue d’histoire révisionniste n° 4 [février-avril 1991], p. 25-50.
Permettez-moi maintenant quelques remarques :
1. En 4e de couverture de son livre de 2002 Philippe Bourdrel écrit qu’il y a eu de 10 000 à 15 000 exécutions sommaires et 780 exécutions légales. J’ai personnellement écrit que le total des exécutions de toutes sortes a dû s’élever à 14 000. Je n’ai pas le temps de vous expliquer ici pourquoi les chiffres de 30 000 à 40 000 (Robert Aron) et celui, fameux, de 105 000 n’ont pas de fondement sérieux ;
2. À ce chiffre de 14 000 exécutés il faut, pour juger de l’étendue et de la gravité du phénomène, ajouter des centaines de milliers d’interpellations ou d’emprisonnements qui ont affecté des centaines de milliers de familles (et donc des millions d’individus). Il faut ajouter les multiples excès dont le plus connu est celui des femmes tondues. La plus faible des peines prononcées, dans des dizaines de milliers de cas, a été celle dite de « l’indignité nationale » ; cette dénomination est trompeuse ; elle minimise la gravité de la sanction ; beaucoup d’« indignes nationaux » ont eu leur carrière, ou parfois leur vie, brisée ; l’une des moindres conséquences de cette peine était une augmentation de 10% des impôts à payer ; dans toutes les études que j’ai lues, je n’ai pas trouvé mention de cette mesquinerie, pourtant bien réelle ;
3. On peut considérer que l’Épuration a commencé en 1943 et qu’elle continue encore aujourd’hui en 2003 ; elle a repris particulièrement vigueur, sous l’influence des justiciers juifs à la Klarsfeld, dans les années 1980 et 1990 avec, notamment, les procès Touvier et Papon. Bousquet n’a pas eu son « nouveau » procès d’épuration parce qu’il a été assassiné. Les organisations juives déterrent certains morts et procèdent à une nouvelle épuration en condamnant des intellectuels à la manière d’Alexis Carrel et elles obtiennent, au terme d’espèces de procès en sorcellerie épuratrice, que les rues, les places, les monuments qui perpétuent les noms de ces personnes soient débaptisés ;
4. La fièvre épuratrice était retombée à la fin de la 4e République ; elle a repris avec le retour de Charles de Gaulle au pouvoir (1958) et l’instauration de la 5e République; en réprimant les partisans de l’Algérie française, ce personnage s’est remis à fusiller de ses compatriotes ; il a encouru une lourde responsabilité dans l’Épuration de 1944 à 1946 ; il a refusé sa grâce dans 768 cas, c’est-à-dire que, 768 fois, il a ouvert sa porte aux avocats de personnes condamnées à mort et, 768 fois, il a, en refermant sa porte sur ses visiteurs, déclenché la fusillade par le peloton d’exécution. À ceux qui lui trouvent de la grandeur ou de l’humanité de « roi très chrétien », je conseille l’exercice qui consiste à se lever de sa chaise et à se diriger vers la porte de la pièce où nous nous trouvons pour l’ouvrir et la fermer 768 fois. Au bout de trois ou quatre fois, par humanité, je fais grâce ;
5. À la fin de la 4e République il était permis et courant de dire que l’Épuration constituait une page déshonorante de l’histoire de France ; on citait, en particulier, le cas de l’écrivain Robert Brasillach, fusillé le 6 février 1945 ; aujourd’hui, la grande presse et les hommes politiques ne s’avisent plus de manifester un tel repentir mais, au contraire, sortent R. Brasillach et d’autres fusillés de leurs tombes pour les fusiller à nouveau au nom de la défense de la mémoire juive. Il est aujourd’hui courant d’affirmer que la justice épuratrice a été aveugle en ce qui concerne les «crimes» commis contre les juifs ; c’est faux ; de plus on ne rappelle jamais que beaucoup de juifs (appelés plus tard « juifs bruns ») ont collaboré avec les Allemands et, à la Libération, ont bénéficié du privilège d’être soustraits aux tribunaux fusilleurs pour passer devant des «tribunaux d’honneur» uniquement composés de leurs coreligionnaires, qui les ont acquittés en première instance ou en appel, tout cela sous la présidence d’un haut magistrat juif, Léon Meiss ; parmi les huit commandants juifs successifs du camp de Drancy, près de Paris, un seul est passé devant un tribunal fusilleur et… a été fusillé ;
6. Un tribunal doit normalement être impartial ; or les tribunaux de l’Épuration avaient l’obligation d’être partiaux puisque le jury, quand il y en avait un, devait posséder parmi ses membres un nombre déterminé de Résistants, c’est-à-dire, de personnes résolument hostiles, par principe et par action, aux accusés qu’ils avaient à juger ; en ce sens, on est en droit d’affirmer que la distinction entre « Épuration sauvage » et « Épuration légale » est largement contestable ; l’Épuration dite «légale» a été clairement contraire à la loi normale ; en ce sens, elle a donc été «d’exception» et criminelle, elle aussi ;
7. Il est communément admis que, parmi les victimes de l’Épuration, les plus atteintes ont été soit les intellectuels, soit les pauvres gens et que les «collaborateurs économiques» ont bénéficié d’indulgence ; c’est faux ; de récentes études ont prouvé qu’il n’en était rien ; les « collaborateurs économiques » ont été lourdement sanctionnés ; toutes les couches de la population ont été atteintes ;
8. Les victimes de l’Épuration ont été, en grande majorité, des personnes qui avaient été favorables soit à l’État français, soit aux Allemands, leur principal motif politique, quand il y en avait un, étant l’anticommunisme (et non pas l’amour des Allemands ou la haine des juifs) ; mais, parmi ces victimes, il faut aussi compter des anarchistes ou des libertaires assassinés par les communistes, comme cela avait été le cas en Espagne ; en 1984, une association de Perpignan dite « les Amis de Puig Antich de la Fédération anarchiste et des libertaires » a publié sur le sujet un livre de 240 pages intitulé : 1944. Les dossiers noirs d’une certaine Résistance ;
9. Le Parti communiste français a été d’autant plus implacable dans sa politique générale d’assassinat, de vengeance et de règlements de compte qu’il cherchait à masquer sa propre collaboration avec les Allemands au début de l’Occupation, aux beaux jours de la politique du Pacte germano-soviétique ;
10. Des organismes juifs, des autorités juives ou des individualités juives ont joué un rôle particulièrement significatif aussi bien dans les attentats contre les Allemands ou contre les «collaborateurs» que dans l’Épuration sauvage ou légale. Aujourd’hui, ils sont à la pointe de « la nouvelle Épuration ». En obtenant le vote de la loi Fabius-Gayssot du 13 juillet 1990, ils ont couronné une entreprise de répression commencée au début des années 1940 et connue alors sous le terme d’Épuration. Il est à noter que le vote de cette loi, exorbitante de tout droit normal dans une démocratie, a tout de même suscité au début beaucoup de critique ou de réprobation ; cependant, au fil du temps, les voix des protestataires se sont éteintes. Il est aujourd’hui dangereux de réclamer l’abolition de cette loi ; à droite, Jean-Marie Le Pen n’ose plus s’y risquer et, à gauche, l’avocat Henri Leclerc, président de la Ligue des droits de l’homme, réclame avec une lourde et brutale insistance l’application d’une loi que, dix ans plus tôt, il réprouvait (voy. La Lutte contre le négationnisme, Actes du colloque du 5 juillet 2002 à la cour d’appel de Paris, la Documentation française, 2003, p. 96-99, où, à huit reprises dans sa brève intervention, l’avocat traite les révisionnistes de «menteurs» qu’il conviendrait de châtier sans l’ombre d’une hésitation).
Conclusion : L’Épuration, en France, soit sous ses formes anciennes (essentiellement gaulliste, communiste et juive), soit sous sa forme nouvelle (essentiellement juive) reste un phénomène dont on ne peut prévoir la fin.
J’ai conscience de laisser de côté bien d’autres points importants.
Additif du 3 décembre 2003
La haine épuratrice reste vivace près de soixante ans après ces événements de l’été 1944. Aujourd’hui même, sur Radio France, lors de l’émission « Là-bas, si j’y suis », de Daniel Mermet, on a pu entendre une ancienne « tondue » raconter ses amours avec un soldat de la Wehrmacht. Âgée de 81 ans, la dame a tenu à préciser que la Wehrmacht n’était pas à confondre avec les SS, et encore moins avec la Milice ; non sans satisfaction, elle a raconté qu’à la Libération un «salopard» de Milicien avait été arrêté par les Résistants, qui l’avaient entièrement dénudé et lui avaient arraché les yeux avec une fourchette. L’horreur du récit, authentique ou inventé, et la satisfaction de la narratrice n’ont fait, de la part de D. Mermet [militant de gauche] l’objet d’aucun commentaire.
En 1948 l’abbé Desgranges avait publié son ouvrage sur Les Crimes masqués du “Résistantialisme” (L’Élan, Paris). La bande-annonce du livre portait : « Pour un seul innocent, Dreyfus, on s’arrachait “J’accuse !” »
Lire : Sous la direction de Marc Olivier Baruch, Une poignée de misérables / L’épuration de la société française après la Seconde Guerre mondiale, Fayard, 2003, 615 p. Rivalisant d’orthodoxie, les quatorze auteurs n’en développent pas moins la thèse selon laquelle l’Épuration a été un phénomène « massif » et «prolongé», d’une gravité et d’une ampleur considérables. Ils estiment que Charles de Gaulle « dit ce que les Français veulent croire » lorsque, dans son message du 14 octobre 1944, le général parle d’« une poignée de misérables, dont l’État fait et fera justice ». M. O. Baruch va jusqu’à préciser que son livre entend exposer « l’histoire inverse » de cette histoire à la de Gaulle (p. 7-8). Soit dit en passant, cet ouvrage semble le premier à rappeler que les indignes nationaux, qui tous étaient frappés de la peine de la dégradation nationale, étaient « redevables d’une majoration de 10% de leurs impôts (ordonnance du 31 décembre 1945) » (p. 58). De l’indignité nationale, Jean Galtier-Boissière se demandait à juste titre si elle n’était « pas proprement le “statut des Juifs” retourné par les Résistants contre leurs adversaires politiques » (Mon journal depuis la Libération in Journal 1940-1950, à la date du 28 décembre 1944, Quai Voltaire, Paris 1992, p. 296). L’une des collaboratrices de M. O. Baruch, Anne Simonin, chargée de recherches au CNRS et membre de l’Université de Caen, se bat les flancs pour essayer de prouver que le statut des juifs était plus grave, mais elle n’y parvient nullement (p. 48, 56).