Lettre à Mme Bergougnan, juge d’instruction à Auch
Madame le Juge,
J’ai l’honneur et le regret de vous annoncer que je ne me rendrai pas à vos convocations.
Si vous tenez à m’entendre, il ne vous restera, me semble-t-il, que deux solutions :
– ou bien vous me ferez venir à Auch entre deux gendarmes et je ne serai guère loquace, pour ne pas dire totalement muet ;
– ou bien, par voie de commission rogatoire, vous demanderez à un magistrat de Vichy-Cusset de m’entendre sur les faits qui me sont reprochés.
Je refuse d’entreprendre, encore une fois à mes frais, un nouveau voyage et un séjour à Auch.
Le 3 juillet j’avais obtempéré à l’ordre de votre prédécesseur. J’ai eu tort. J’ai, en effet, perdu mon temps et mon argent pour, en définitive, rencontrer en la personne de M. Legname un juge d’instruction au comportement incorrect et manifestement hostile, sinon menaçant.
Vous m’êtes décrite comme une personne correcte et compréhensive. Mon avocat, Me Pierre Pécastaing, a insisté pour que j’accepte de vous voir. Je lui ai dit, et je vous confirme, qu’en dépit de vos qualités ma décision est irrévocable : si je devais à nouveau me rendre dans ce cabinet, ce ne serait que sous la contrainte.
M. Legname m’y a reçu comme un malfaiteur. D’un ton brutal et sans presque articuler ses mots tant le débit en était rapide, il m’avait fait savoir qu’en raison de deux articles publiés dans la première livraison des Annales d’histoire révisionniste, j’étais inculpé par ses soins et sur la demande du procureur (Robin) pour :
complicité d’apologie de crimes de guerre et de… (?) ;
la suite de ses paroles était inintelligible.
Il m’inculpait, disait-il, « au nom des articles 23, 24… (?) » et, là encore, la suite de ses paroles était inintelligible.
Je lui demandais donc de vouloir bien répéter ses propos, afin d’en prendre note. Il refusait.
À force d’insistance, j’obtenais qu’il me répète –malheureusement sans rien changer au ton, à l’articulation et au débit – que j’étais inculpé de :
complicité d’apologie de crimes de guerre et de propagation de fausses nouvelles.
En revanche, quand j’ai souhaité obtenir la liste complète des articles de loi, il m’a déclaré mot pour mot :
Cela ne vous regarde pas : c’est une question de droit.
C’est seulement pour être revenu à la charge que j’ai obtenu qu’il me débite précipitamment et toujours sur le même ton la liste complète des articles en question.
Je lui ai fait observer que mes ressources financières, déjà mises à mal par les procès que m’avaient intentés les organisations juives, antiracistes et commémoratives, ne me permettaient guère d’envisager de nouveaux déplacements à mes frais et je lui demandais s’il n’était pas possible de m’interroger à Vichy-Cusset par voie de commission rogatoire. Il me répliquait que sa « philosophie » ne le lui permettait pas. Il m’entretenait alors de sa « philosophie », un bien grand mot pour de pauvres idées.
Je lui demandais de me convoquer, si possible, après la période des vacances, vu que je devais, pendant cette période-là, me rendre à l’étranger. Mais il ne voulait rien entendre : je serais, disait-il, convoqué précisément pendant les vacances.
Je le priais de vouloir bien m’indiquer une date approximative. Il me répondait qu’il n’en était pas question.
Je demandais enfin d’être, en tous les cas, convoqué dans un délai raisonnable. Là encore, il m’opposait un refus.
Je lui faisais remarquer que sa convocation pour le vendredi 3 juillet à 14h30 ne m’était parvenue que deux jours auparavant : exactement le mardi 30 juin à 11h30, quand, dès mon retour d’un voyage, j’étais allé retirer son pli à la mairie de Vichy. Il me rétorquait que ce point ne l’intéressait pas. Ma femme, disait-il, avait été prévenue deux jours auparavant de l’existence d’un pli qu’elle n’avait, en fin de compte, pas accepté de recevoir. Je précise que ma femme ignorait qu’il s’agissait de la convocation d’un juge d’instruction. Désormais, ajoutait-il, tout courrier qu’il m’enverrait serait réputé reçu, je devais me le tenir pour dit.
Aussi, pendant les deux mois de cet été, me suis-je trouvé immobilisé en France. Pendant deux mois, j‘ai attendu jour après jour un courrier de M. Legname. Je n’ai donc pas pu me rendre à l’étranger comme j’en avais fait la promesse à une personne qui serait prête à témoigner en ce sens. Ultérieurement, je devais apprendre que M. Legname n’était plus juge d’instruction : il avait été promu à la fonction de substitut du même procureur (Robin) qui avait demandé mon inculpation.
J’apprenais aussi que vous lui succédiez et que vous alliez prendre connaissance de mon dossier.
Me Pécastaing allait, par la suite, me téléphoner à plusieurs reprises pour savoir si j’avais reçu une convocation, et pour quand. Le jeudi 22 octobre, je découvrais dans ma boîte aux lettres un énigmatique papillon sans indication de provenance précise, sans date, sans cachet (« sceau ») me demandant de me présenter à un « Bureau 02 » le vendredi 23 à 8h30. Le motif de la convocation n’était pas indiqué. À tout hasard, j’ai téléphoné au commissariat de police de Vichy. On m’y a dit qu’il s’agissait pour moi d’aller retirer une « convocation de juge ». Je n’ai posé aucune question. J’ai exigé une convocation régulière. C’est ainsi que le fonctionnaire de police, sur instruction de son supérieur hiérarchique, m’a envoyé une nouvelle convocation, à peu près régulière, pour le lundi 26 à 8h30. Et c’est ainsi que, le lundi 26 octobre 1987 à 8h30, j’ai pris connaissance de votre convocation pour le même jour à 14h. Votre pièce était datée du 15 octobre. Vous voudrez bien, je vous prie, trouver ci-joint copie des deux papillons ; je vous signale qu’au recto figuraient mon nom et mon adresse, sans la moindre indication de provenance.
M. Legname me reproche deux articles des AHR : l’un ne fait qu’apporter une confirmation à la réalité des tortures que des bouvrils de la Sécurité militaire britannique avaient infligées à Rudolf Höss, le premier en date des commandants successifs d’Auschwitz et le seul dont on ait obtenu des aveux, d’ailleurs délirants, sur les prétendues chambres à gaz d’Auschwitz ; l’autre article porte sur le mythe bien connu du « savon juif ». En même temps que moi étaient inculpés mon éditeur Pierre Guillaume et Carlo Mattogno, citoyen italien résidant dans son pays et auteur d’une remarquable étude sur « le mythe de l’extermination des juifs » ; Carlo Mattogno, qui n’a que trente-cinq ans, est un chercheur d’une érudition exceptionnelle.
M. Legname, lui, de son propre aveu, ne savait absolument rien du révisionnisme historique. Il ignorait jusqu’à l’existence d’un mouvement de pensée qui remonte pour le moins au début des années vingt ! Un nombre croissant d’auteurs français ou étrangers ont su, par un nombre considérable d’écrits, prouver qu’après des conflits aussi abominables que les deux guerres mondiales, il faut sérieusement réviser ce que, dans le feu des passions et de la haine, on a pu inventer de faits et de chiffres. Tout récemment, du 9 au 11 octobre 1987, vient de se tenir à Los Angeles le huitième congrès international d’histoire révisionniste (de la seconde guerre mondiale essentiellement) sous l’égide de l’Institute for Historical Review, publicateur du Journal of Historical Review (vingt-huit livraisons trimestrielles à cette date).
Auch est une charmante petite ville où il est possible qu’on s’ennuie et dont je veux bien admettre avec M. Legname qu’elle est très isolée et, d’une certaine façon, coupée du monde. Admettons que la presse locale y vive à quelques années-lumière de Paris et que le révisionnisme, qui est peut-être « la grande aventure intellectuelle de la fin de ce siècle », n’ait pas frappé les imaginations locales. Mais un juge d’instruction, si jeune soit-il, ne devrait-il pas avoir à cœur de s’informer de ce qui se passe dans le monde ?
Il y a plus grave.
M. Legname ne s’est pas préoccupé de savoir quelle était la jurisprudence en matière de révisionnisme. Grâce à une notule des petits livres rouges de la librairie Dalloz, peut-être avait-il une idée de l’affaire Maurice Bardèche. Voilà un professeur que des magistrats français ont envoyé pour onze mois fermes en prison parce qu’il avait dit, sur le procès de Nuremberg – ou, plutôt, la mascarade de Nuremberg – quelques vérités bien senties que personne parmi les historiens ne peut plus contester aujourd’hui. Mais M. Legname, qui avait décidé de nous entendre à titre d’inculpés, ignorait tout des affaires Faurisson, des affaires Roques et de quelques autres affaires comme la condamnation, obtenue par moi, du Recueil Dalloz-Sirey pour reproduction manipulée d’un jugement me concernant.
À l’en croire, M. Legname voulait savoir si les révisionnistes étaient, selon ses propres termes, «des charlatans ou des précurseurs». Il lui échappe qu’ils pourraient n’être ni l’un ni l’autre mais peut-être les continuateurs d’une tradition historique qu’on fait habituellement remonter à Thucydide.
Pour assouvir sa soudaine curiosité, il a trouvé expédient de convoquer à Auch, en son cabinet, trois révisionnistes qu’il a inculpés. Il serait content que l’un d’eux veuille bien lui rédiger un mémoire sur « toute la question » du révisionnisme. Pour ma part, c’est une faveur que je ne ferai pas à M. Legname ou à tout autre juge d’instruction dans l’exercice de sa fonction. J’ai d’autres soucis que de mâcher ainsi sa besogne au premier venu. Je suis assailli de lettres, d’appels téléphoniques et de demandes de visites, sans parler d’aimables invitations à me rendre soit en France, soit à l’étranger. Beaucoup de ces importuns, au demeurant fort civils, voudraient s’épargner la peine de lire nos ouvrages, lesquels, j’en conviens, sont souvent austères. Il arrive qu’à l’intention de ces paresseux je rédige de courts exposés sur le révisionnisme, mais encore faut-il me demander ces résumés de manière correcte et sans me mettre d’emblée dans la position d’un coupable.
En matière de jurisprudence, je me contenterai de rappeler ici un arrêt d’une importance historique : l’arrêt rendu par la cour de Paris (1re chambre civile, section A), en date du 26 avril 1983 dans l’affaire LICRA (et tous autres) contre M. Faurisson (et tous autres). Le recueil Dalloz-Sirey s’est bien gardé de reproduire cet arrêt qui infligeait un cruel démenti à ses assertions sur mon compte à propos du jugement antérieur à cet arrêt. Ledit arrêt est aujourd’hui connu de toutes les instances judiciaires du monde occidental qui, sur la plainte d’associations juives, ont eu à traiter du révisionnisme historique. Je lui ai moi-même consacré un opuscule intitulé Épilogue judiciaire de l’affaire Faurisson et publié en 1983 aux éditions de La Vieille Taupe sous le nom de plume de J. Aitken (il s’agit du prénom et du nom de ma mère, Écossaise née à Edimbourg).
En 1979 neuf associations, menées par la LICRA, avaient porté plainte contre moi en raison d’un article et d’un texte en droit de réponse que j’avais publiés dans le journal Le Monde. Elles m’accusaient de dommage à autrui par falsification de l’histoire. Pendant un bref instant, elles avaient envisagé une accusation d’apologie de crimes de guerre mais leurs avocats leur avaient fait valoir qu’une contestation (celle d’un crime : l’extermination des juifs et celle de l’arme spécifique de ce crime : la chambre à gaz homicide) n’est pas une apologie. Solliciter la révision du jugement de Nuremberg, ce n’est pas faire l’apologie des pendus de Nuremberg. Souhaiter la révision du procès d’un homme condamné pour assassinat, ce n’est pas prôner l’assassinat. Exiger, comme l’avait fait Zola, la révision du procès de Dreyfus, ce n’était pas se lancer dans l’apologie de la trahison. Ces associations avaient également envisagé contre moi l’accusation de diffamation raciale ou d’incitation à la haine raciale mais leurs avocats leur avaient conseillé de tenir cette arme en réserve pour une cause plus appropriée.
En 1981 le TGI de Paris balayait d’un revers de main l’accusation de falsification de l’histoire ; toutefois, en termes alambiqués, il me condamnait pour une légèreté non démontrée et pour ma dangerosité. La presse et le Recueil Dalloz-Sirey menaient alors grand tapage autour de ma condamnation. On lançait la rumeur selon laquelle j’avais même été condamné pour falsification de l’histoire. Le journal Le Monde et le Recueil Dalloz-Sirey, chacun à sa façon et sans se donner le mot (je suis peu porté à croire en la matière aux complots et aux conjurations) allaient jusqu’à falsifier le contenu du jugement.
En 1983, dans l’arrêt susmentionné, la cour de Paris, peut-être à contre-cœur, m’accordait une éclatante revanche. Tout en confirmant ma condamnation pour dangerosité, elle rendait hommage à la qualité de mes travaux sur les prétendues chambres à gaz homicides. Elle en tirait une conclusion pratique (que les médias allaient soigneusement cacher) : en raison directe du caractère apparemment impeccable de mes travaux, la cour prononçait :
La valeur des conclusions défendues par M. Faurisson [sur le problème historique des chambres à gaz] relève donc de la seule appréciation des experts, des historiens et du public.
J’appelle votre attention sur ce « donc ». Si le 26 avril 1983 la cour a décidé de garantir à tout Français le droit de dire éventuellement que ces chambres à gaz sont un mythe, ce n’est pas au nom des nécessités de la liberté d’opinion mais en raison directe des moyens scientifiques par lesquels je suis, avec bien d’autres d’ailleurs, parvenu à cette conclusion. Dans cet arrêt, la cour avait commencé par admettre qu’il existait bel et bien un problème des chambres à gaz. Elle parlait, en propres termes, d’un « problème historique ». Elle définissait ce problème comme portant sur
l’existence des chambres à gaz qui, à en croire de multiples témoignages, auraient été utilisées durant la seconde guerre mondiale [à des fins homicides].
La cour discernait que, pour moi, l’existence de ces chambres à gaz se heurtait
à une impossibilité absolue, qui suffirait à elle seule à invalider tous les témoignages existants ou à tout le moins à les frapper de suspicion.
C’était là, je pense, une allusion à l’impossibilité chimique de ces prétendues chambres à gaz. Il faut cependant savoir que nos arguments ne sont pas seulement d’ordre chimique mais aussi d’ordre physique, topographique, architectural et documentaire. Les menteurs ont joué de malchance : sous quelque angle qu’on examine leur magique chambre à gaz, à Auschwitz ou ailleurs, elle ne tient tout simplement pas debout.
La cour me trouvait une « démarche logique ». Elle ne découvrait aucune trace de «légèreté», de « négligence », d’« ignorance délibérée » ou de « mensonge ».
Je suggère qu’on s’arrête un instant sur ces mots. Combien d’hommes ou de femmes peuvent-ils prétendre que, des années durant, dans une sphère d’activité quelconque, ils n’ont apparemment fait preuve ni de légèreté, ni de négligence, ni d’ignorance délibérée ni de mensonge ? Ajoutons à cela que mes accusateurs formaient un ensemble particulièrement nombreux, puissant, riche et influent. Ils avaient passé au crible mes articles et mes livres. Ils avaient envoyé en Pologne et en Israël maître Robert Badinter et l’un de ses confrères (Me Marc Lévy?) afin d’y quêter une preuve, une seule preuve de l’existence d’une seule chambre à gaz homicide. Mes adversaires avaient alerté les instituts et les centres de recherches du monde entier et, en particulier, d’Allemagne et des États-Unis. En pure perte.
Je ne possédais, de mon côté, pas un sou.
Mais le chiendent est que j’avais dit une petite chose exacte. Cette chose, je la répéterai jusqu’à la fin de mes jours. En dépit des menaces de la LICRA, pour laquelle « Faurisson ne fera pas de vieux os », je répéterai que les prétendues chambres à gaz hitlériennes sont une invention de la propagande de guerre et un vertigineux mensonge, tout juste propre à entretenir la haine.
Si, par ce même arrêt du 26 avril 1983, j’étais condamné pour dommage à autrui, c’était pour d’autres motifs que celui de mes conclusions sur les chambres à gaz. La cour prononçait, en effet, que par la suite j’étais « délibérément sorti du domaine de la recherche historique » pour tenter de justifier des assertions d’ordre général qui – la formule vaut d’ être notée – ne présentaient « plus aucun caractère scientifique ». Ces mots, soit dit en passant, prouvent que mes travaux sur les chambres à gaz relevaient du domaine de « la recherche historique » et présentaient « un caractère scientifique ».
La cour me reprochait d’avoir tiré un certain nombre de conclusions polémiques ou dangereuses pour autrui sans avoir « jamais su trouver un mot pour marquer [m]on respect aux victimes » ce qui était une erreur puisque, aussi bien, j’avais su trouver un mot pour cela : celui de… « respect » précisément.
La cour se demandait si, aux yeux de certains, je ne pouvais pas faire œuvre d’une tentative de réhabilitation du nazisme ; de ce point de vue, je lui paraissais peut-être «suspect d’être suspect».
Que ces magistrats aient été hostiles à mes thèses, c’est probable pour qui analyse le texte de leur décision ; mais ce qui est tout à fait sûr, c’est qu’avec une clarté et une netteté de style qui tranchent sur le reste de l’arrêt ils ont rendu hommage au sérieux de mes travaux sur les chambres à gaz, c’est-à-dire sur le problème qui est au centre des recherches actuelles du révisionnisme historique car, dans la religion de l’Holocauste, tout tourne autour de ce pilier central.
Les associations juives ont été atterrées par l’arrêt du 26 avril 1983. Elles ont mis en branle tous les moyens possibles pour en masquer le sens et la portée. Le journal Le Monde a délibérément tronqué le texte de cet arrêt quand il a bien fallu en rendre compte. La LICRA l’a falsifié dans Historia. Tous les journaux qui à grand fracas titraient, jusque-là, sur « Faurisson faussaire » devenaient soudain muets. Lentement mais sûrement, dans les années suivantes, on allait, sans vergogne, insinuer puis écrire en toutes lettres que j’avais été condamné pour falsification de l’histoire. Je portais plainte. Les tribunaux répondaient que traiter Faurisson de faussaire c’était le diffamer, mais… de bonne foi.
Il m’a fallu attendre plus de quatre ans pour qu’un historien d’origine juive comme Pierre Vidal-Naquet et un polygraphe d’origine juive comme Georges Wellers, tous deux vibrant de haine antirévisionniste, en viennent à admettre, sur un ton plaintif, que la cour d’appel avait reconnu le sérieux de mon travail.
Voici leurs déclarations respectives en juin et en septembre 1987 :
[Faurisson] a été jugé deux fois. Mais en France le tribunal n’est pas qualifié pour se prononcer sur l’existence des chambres à gaz. Cependant il peut se prononcer sur la façon dont les choses sont présentées. En appel, la cour a reconnu qu’il s’est bien documenté. Ce qui est faux. C’est étonnant que la cour ait marché.[1]
Le procès intenté en 197[9] à Faurisson par diverses associations antiracistes a abouti à un arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 26 avril 1983, qui a reconnu le sérieux du travail de Faurisson, ce qui est un comble, et ne l’a, en somme, condamné que pour avoir agi avec malveillance en résumant ses thèses en slogans.[2]
Dans ces derniers mois, il a été question de créer en France une loi antirévisionniste (« lex Faurissonia »). M. Charles Pasqua, ministre de l’Intérieur, s’y est déclaré favorable (Europe n° 1 «Club de la Presse», 20 septembre 1987, 19h15). Dès le lendemain de cette déclaration, Europe n° 1 diffusait ma réponse : si une telle loi devait passer, je déclarerais publiquement que ces chambres à gaz homicides n’ont jamais existé et, si un tribunal me condamnait pour cela à une peine de prison avec sursis, je réitérerais dans l’heure ma déclaration pour contraindre les magistrats à prendre leurs responsabilités et à envoyer en prison un professeur d’université en raison de ses idées. Quelques jours plus tard, s’affirmaient hostiles à une telle loi : Albin Chalandon, ministre de la Justice, et Claude Malhuret, secrétaire d’État aux droits de l’homme[3], ainsi que Simone Veil et Joseph Rovan[4], sans compter Philippe Boucher[5] et surtout Théo Klein, président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) et du Congrès juif européen (CJE), lequel estimait :
On ne peut édicter des vérités historiques par voie législative ou réglementaire[6].
Dans l’article précité du Figaro, le ministre de la Justice arguait de son attachement personnel à la liberté d’expression mais, en même temps, il glissait sur le compte des tribunaux une phrase qui aurait dû donner l’éveil. Il pensait que ceux-ci :
ont tendance à interpréter la terminologie de la loi [antiraciste] de manière trop restrictive.
M. Chalandon préparait un coup bas contre les juges de France – « ses » juges – et contre la justice. Dans la nuit du 9 au 10 octobre 1987, devant une Assemblée nationale largement dépeuplée, il insérait dans une loi destinée à combattre la toxicomanie deux amendements scélérats contre les écrits révisionnistes. Ces amendements, qui n’avaient pas été soumis à la Commission des lois, permettent à M. Chalandon de dessaisir d’avance « ses » juges du droit de se prononcer sur ces écrits et instituent une censure préalable laissée à la discrétion du ministre de l’Intérieur. M. Chalandon est donc tellement soucieux de la liberté qu’il préfère en confier la protection aux policiers plutôt qu’aux juges.
Rendant compte de cette forme originale d’outrage à magistrat, Robert Schneider écrivait dans le Nouvel Observateur :
[Le 10 octobre] à 0h45, Albin Chalandon introduit deux amendements dans la loi sur la répression de la drogue qui, contrairement aux usages, n’avaient jamais été envoyés, ni au Sénat, ni en commission. « À la lutte contre l’incitation à l’usage, à la détention et au trafic de stupéfiants, le gouvernement a ajouté la lutte contre la discrimination et la haine raciale », déclare le ministre. C’est la fameuse loi condamnant le révisionnisme annoncée par le gouvernement qui apparaît sous cette forme détournée.[7]
Cette loi n’est pas encore promulguée. Quand elle le sera, nous aviserons. En attendant, elle constitue la preuve que, dans l’arsenal des lois existantes, rien n’est propre à combattre le révisionnisme. Ce qui existe jusqu’à nouvel ordre, c’est l’arrêt du 26 avril 1983.
Personnellement, je ne collaborerai ni avec la police ni avec la justice dans la répression du révisionnisme. «La grande aventure intellectuelle de la fin de ce siècle» vaut peut-être que pour elle on soit assassiné comme François Duprat, vitriolé comme Michel Caignet, roué de coups comme je l’ai parfois été (et encore, récemment, neuf jours après ma convocation par M. Legname), chassé de son emploi comme tant d’entre nous, dépossédé de ses titres ou grades universitaires comme Wilhelm Stäglich et Henri Roques, attaqué ignominieusement dans la vie de sa femme ou de ses enfants, couvert de boue, de crachats ou d’insultes, accablé d’amendes et de dommages-intérêts, perquisitionné, ruiné, et même, comme le Suédois Ditlieb Felderer, jeté en prison.
Vous prendrez donc, Madame, vos responsabilités personnelles comme je prends les miennes.
Si vous êtes personnellement intéressée par le problème de fond qui me vaut cette outrageante inculpation, je me permets de vous soumettre deux sujets de réflexion :
1) À supposer que les chambres à gaz hitlériennes n’aient pas existé, faut-il le dire ou le cacher ?
2) Si elles n’ont pas existé, n’est-ce pas là, par hasard, une bonne nouvelle, à accueillir comme telle ?
Je suis convaincu, pour ma part, de propager une nouvelle qui est exacte et de ne faire l’apologie que de la justice. Ma conduite s’inspire de cette tranquille conviction et je n’en dérogerai pas.
9 novembre 1987
[Publié dans les AHR n° 3, automne-hiver 1987, p. 189-201.]
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Notes
[1] Georges Wellers, directeur du Monde juif, revue du CDJC, Le Droit de Vivre, juin-juillet 1987, p. 13.
[2] P. Vidal-Naquet, Les Assassins de la mémoire, La Découverte, Paris 1987, p. 182.
[3] Le Figaro, 24 septembre 1987, p. 42.
[4] L’Express, 25 septembre 1987, p. 23 et 26.
[5] Le Monde, 27 septembre 1987, p. 8.
[6] Le Monde, 30 septembre 1987, p. 2.
[7] Le Nouvel Observateur, 16 au 22 octobre 1987, p. 41.