| |

Le défi d’un humoriste juif

Dans sa livraison du 18 avril 1991, Actualité juive publiait la lettre suivante :

Au procès qui lui a été intenté par les associations d’anciens déportés pour son acharnement à nier l’extermination de Juifs et de Tziganes dans des chambres à gaz, Robert Faurisson s’est étonné que l’on n’ait pas jugé utile, à la libération des camps, de « faire expertiser l’arme du crime ».

En dépit du temps écoulé, il est toujours possible de procéder à cette expertise. Pour cela, il suffirait de trouver ou de remettre en état une chambre à gaz. Pour que l’expertise soit valable, il faudrait que des volontaires s’y prêtent. Convaincus de l’impossibilité qu’il y avait de gazer les Juifs et d’aérer rapidement les chambres à gaz pour faire de la place aux convois qui se succédaient, Robert Faurisson et ses adeptes accepteront sans doute de se soumettre à cette expérience.

Pour notre part, nous fournirons le Zyklon B, qui doit encore être disponible chez ses fabricants et, en compagnie de témoins objectivement choisis en commun accord, nous suivrons l’évolution de l’opération.

De deux choses l’une, soit les tenants de la vérité iront jusqu’au bout de leur démarche, malgré les risques encourus, soit ils appelleront à l’aide. Dans ce cas, nous nous engageons, contrairement à ce que firent les nazis qui suivirent jusqu’au bout la terrible agonie, à les dégager à temps.

Nous déclarons que, pour cette expertise, nous veillerons à respecter les méthodes décrites par les témoins (S.S. ou membres du « Sonder-Kommando »), celles-là même que Robert Faurisson conteste et dont il pourra ainsi constater si elles furent praticables ou si elles ne sont qu’un mythe né de fantasmes ou de calculs sordides.

Henry Bulawko

Président de l’Amicale des anciens déportés juifs de France

Le 19 avril, Tribune juive, à son tour, publiait cette lettre en précisant que M. Bulawko était «l’auteur d’un livre sur l’humour juif». Inévitablement, Laurent Greilsamer, journaliste du Monde et spécialiste douloureux de la désinformation sur le chapitre du révisionnisme, se faisait l’agent de transmission des deux organes juifs et signait, en date du 3 mai, un article qu’il intitulait : « Le défi d’un rescapé des camps nazis aux négateurs du génocide. » Il reproduisait l’essentiel de la lettre de l’humoriste mais non sans une coupure qui lui permettait une amputation des quelques mots par lesquels M. Bulawko révélait imprudemment à ses lecteurs que le Zyklon devait « encore être disponible chez ses fabricants ». La masse des lecteurs du Monde est entretenue dans l’illusion que l’Allemagne avait utilisé ce produit à seule fin de gazer les juifs ; il ne fallait pas les laisser soupçonner la vérité : mis sur le marché en 1922, le Zyklon (sous son nom d’origine ou sous une autre dénomination commerciale) n’a jamais servi qu’à tuer les poux et autres parasites.

J’envoyai au Monde un texte en droit de réponse. En vain. Au Monde, l’usage est d’accabler les révisionnistes sans leur accorder le droit de se défendre ; dans les cas, rarissimes, où, depuis dix ans, ce journal oblique se conforme à la loi sur ce point, le texte de réponse des révisionnistes est dénaturé au prix de divers procédés, dont celui de l’amputation, pourtant interdite par le législateur. Voici le texte de ma réponse, tel qu’il figurait dans un texte de portée plus générale où je rectifiais quelques récentes « informations » du journal sur mon compte :

[…] J’avais signalé [au tribunal présidé par Claude Grellier] l’absence de toute expertise de l’arme du crime concluant à l’usage de cette arme. J’avais dit qu’il serait temps de parler honnêtement, sans les dissimuler, de trois récents rapports techniques, accompagnés d’analyses chimiques, sur ces présumées chambres à gaz. Deux de ces rapports (1988 et 1989) émanent de l’Américain Fred Leuchter tandis que le troisième (1990) est une expertise – enfin – que le musée d’Auschwitz avait commandée à l’Institut médico-légal de Cracovie. Ces trois rapports, ai-je dit, sont éclairants et devraient inciter à la création, réclamée par F. Leuchter et les révisionnistes, d’une commission internationale d’enquête sur le sujet des chambres à gaz hitlériennes « en l’état d’origine » ou « à l’état de ruines » (des ruines sont parlantes).

H. Bulawko, lui, me réplique par une plaisanterie éculée : que M. Faurisson et ses adeptes fassent l’expérience d’entrer dans une chambre à gaz et d’en ressortir indemnes ! Il y a maldonne. M. Bulawko inverse la charge de la preuve et renverse les rôles. Ce n’est certainement pas moi, mais M. Bulawko, qui pense témérairement qu’il était possible, comme il l’écrit, « de gazer les juifs et d’aérer rapidement les chambres à gaz pour faire de la place aux convois qui se succédaient ». Les révisionnistes ont cent fois parlé de la dangerosité du gaz en général et du gaz cyanhydrique ou Zyklon B en particulier (le Zyklon B si long et si difficile à ventiler « vu qu’il adhère fortement aux surfaces »). […] 

Comment M. Bulawko pourrait-il « remettre en état une chambre à gaz », vu que personne n’a jamais été capable de nous décrire le fonctionnement d’une chambre à gaz hitlérienne ? De quels témoins veut-il parler ? En est-il encore à croire que de pareils témoins ont existé ? Ne connaît-il pas la nouvelle thèse – celle de Simone Veil en particulier – selon laquelle les témoins et les traces éventuelles de leurs témoignages ont tous été supprimés par les Allemands ?

Prenons une vraie chambre à gaz, soit de désinfestation, soit pour la mise à mort d’animaux, soit, comme aux États-Unis, pour l’exécution de condamnés à mort, le gaz utilisé étant du Zyklon B, c’est-à-dire du gaz cyanhydrique. M. Bulawko réaliserait la prouesse que, dans ses étonnantes confessions, le SS Rudolf Höss attribuait aux membres du Sonderkommando : juste après l’opération, sans masque à gaz, il pénétrerait dans la chambre « en mangeant et en fumant » ; il affronterait ce gaz aux effets foudroyants, qui est explosible et qui imprègne et pénètre tout au point qu’on ne saurait pas plus manipuler le cadavre d’un homme qui vient tout juste d’être tué par des vapeurs de ce gaz que le corps d’un électrocuté où passe encore le courant.

Au lieu de ce défi, somme toute cruel, je lancerais bien à notre humoriste juif un autre défi, plus facile à relever :

Accepterait-il de voir publier à nouveau un certain texte, déjà bien ancien, où l’on nous raconte qu’à son retour d’Auschwitz, M. Bulawko passa toute une nuit avec d’autres survivants et survivantes à les régaler de récits, tous plus drôles les uns que les autres, sur ses souvenirs du camp ? Si M. Bulawko et ses amis avaient vécu, comme ils cherchent à nous le faire croire, pendant des semaines, des mois ou des années dans un camp où, jour et nuit, on aurait conduit des foules de juifs dans de gigantesques abattoirs à gaz, je doute que M. Bulawko et les siens auraient eu le cœur à rire ainsi. Car je ne doute pas qu’ils aient ri.

En tout cas, à voir le texte d’Actualité juive, de Tribune juive et du Monde, je constate que les humoristes juifs bénéficient d’un privilège : ils peuvent se permettre de parler des chambres à gaz sur un ton qui, à d’autres, coûterait de lourdes condamnations en justice. Pour quelques plaisanteries voltairiennes sur le sujet, le révisionniste suédois Ditlieb Felderer a été, en 1986, condamné à une peine de cinq millions vingt-cinq mille dollars par un tribunal californien, sur plainte de Mel Mermelstein qui, cinq ans plus tard, allait être démasqué devant un autre tribunal californien comme un imposteur.

1er novembre 1991

________________

[Publié dans la RHR, n° 5, novembre 1991, p. 173-176.]