“Ah, qu’il est doux d’être juif…”
Alain Finkielkraut est professeur de philosophie à l’École polytechnique. Il est la coqueluche d’une certaine intelligentsia parisienne. Je me souviens de l’avoir personnellement rencontré en 1987 au Quartier latin. Un colloque antirévisionniste se tenait à la Sorbonne. Des groupes de jeunes juifs sillonnaient les alentours à la recherche d’éventuels révisionnistes. A. Finkielkraut était accompagné de l’un de ces groupes. Avec trois ou quatre jeunes juifs, il entra dans un café où je me trouvais. Je lui lançai : « Elles sont foutues, vos chambres à gaz ! » Je prenais ainsi des risques que j’allais payer une heure plus tard. Mais, sur le moment, interloqué, il bredouilla une réponse et, avec ses amis, quitta précipitamment le café.
Depuis cette date, j’ai observé le personnage. Il s’est progressivement fait une spécialité de dénoncer le maximalisme juif à la Lanzmann. Aujourd’hui, à l’occasion des attaques portées contre la personne de Mgr Stepinac (1896-1960) accusé de collaboration avec les Oustachis d’Ante Pavelic et soupçonné d’antisémitisme, il défend la mémoire de l’ancien cardinal et de l’Église de Croatie. Il rappelle que, dès 1941, cette Eglise a pris la défense des juifs contre le régime oustachi. Il estime que Mgr Stepinac a eu dans sa vie à souffrir personnellement des «deux douleurs de l’Europe», lesquelles ont été, pour A. Finkielkraut, d’abord le fascisme, puis le communisme. L’article qu’il publie dans Le Monde s’intitule Mgr Stepinac et les deux douleurs de l’Europe. Le contenu ne manque pas d’intérêt mais c’est le début, surtout, de cet article qui retient l’attention. Le voici:
Ah, qu’il est doux d’être juif en cette fin de XXe siècle! Nous ne sommes plus les accusés de l’Histoire, nous en sommes les chouchous. L’esprit du monde nous aime, nous honore, nous défend, prend en charge nos intérêts; il a même besoin de notre imprimatur. Les journalistes dressent des réquisitoires sans merci contre tout ce que l’Europe compte encore de collaborateurs ou de nostalgiques de la période nazie. Les Églises se repentent, les Etats font pénitence, la Suisse ne sait plus où se mettre … (Alain Finkielkraut, « Mgr Stepinac et les deux douleurs de l’Europe », Le Monde, 7 octobre 1998, p. 14).
Effectivement, il est doux d’être juif en cette fin de siècle mais seul un juif a le droit de le dire. Effectivement, il n’est plus possible de publier quoi que ce soit sans l’imprimatur de la Synagogue. Effectivement, ajouterais-je, le juif règne sans partage.
En France, année après année, le ministère de l’Intérieur et certains organismes spécialisés font la recension des actes qu’on pourrait, dans notre pays, qualifier d’antisémites. Ils se battent les flancs pour grossir leurs statistiques mais le résultat est là : on ne trouve dans notre pays quasiment pas d’actes antisémites.
S’il est vrai qu’il est doux d’être juif, de quel droit les juifs se plaignent-ils d’un antisémitisme quasi inexistant et de quel droit réclament-ils et obtiennent-ils une répression de plus en plus sévère du révisionnisme assimilé à l’antisémitisme ?
Dans la livraison même du Monde où est paru cet article d’A. Finkielkraut on annonce que Jean-Marie Le Pen paie à nouveau chèrement l’audace d’avoir déclaré que les chambres à gaz sont un détail de l’histoire de la seconde guerre mondiale. Le Parlement européen vient de lever, à une très large majorité, son immunité parlementaire. Un tribunal allemand pourra le condamner éventuellement à une peine de cinq ans de prison. Au Parlement européen, l’Allemand Willy Rothley, qui s’exprimait au nom des socialistes européens, a expliqué que le code pénal allemand a pour but de « protéger les jeunes gens contre les falsifications de l’histoire ». « Si M. Le Pen », a-t-il averti, « ne répond pas à la convocation de la justice de mon pays, il sera emprisonné dès qu’il foulera le sol allemand ».
En Allemagne, la répression bat son plein. Même des Américains de passage en Allemagne ou de passage dans un pays limitrophe de l’Allemagne peuvent être jetés dans des prisons allemandes pour crime de révisionnisme. Ajoutons qu’à cause de la même déclaration J.-M. Le Pen est également poursuivi en France. En 1991 il lui avait fallu verser 1 200 000 francs. Condamné en référé le 26 décembre 1997, il est actuellement mis en examen à Paris et, pour la même déclaration, se trouve donc poursuivi en même temps et à Munich et à Paris.
Jour après jour, j’observe avec intérêt cette montée en puissance du pouvoir juif. Aujourd’hui, pour mon humble part, j’ai, comme chaque mois, envoyé mon tribut de 5 000 F à « Trésor Paris Amendes » chargé de collecter le montant des amendes qui me sont régulièrement infligées pour révisionnisme, c’est-à-dire pour avoir contrarié la Synagogue.[1] Après-demain un nouveau procès m’attend à Paris.[2]
Le 14 octobre j’aurai le résultat d’un procès qui m’a été intenté à Amsterdam pour ce que j’ai écrit, il y a plus de vingt ans, sur l’imposture du Journal d’Anne Frank ; deux richissimes associations juives se sont plaintes de ce que mon étude sur le sujet leur cause un préjudice moral et financier ! Toujours à Paris, un autre procès m’attend pour révisionnisme.
En France, en Allemagne, en Palestine et, au fond, à y regarder de près, partout ailleurs dans le monde, y compris au Japon, mieux vaut ne pas froisser, même indirectement ou involontairement, ceux qui, comme A. Finkielkraut, peuvent soupirer : « Ah, qu’il est doux d’être juif en cette fin de XXe siècle ! »
Pour notre part, ligotés, bâillonnés, il ne nous reste aucun droit, pas même celui de soupirer : « Ah, qu’il est douloureux de n’être pas juif en cette fin de XXe siècle ! »
Additif (14 octobre 1998) : M. Finkielkraut vient de témoigner contre Roger Garaudy, auteur des Mythes fondateurs de la politique israélienne, à la XIe chambre correctionnelle de la cour d’appel de Paris. Il voit en R. Garaudy un antisémite et un « faurissonien ». Il approuve la loi du 13 juillet 1990 qui condamne les révisionnistes à prison et amende ; l’État, dit-il, doit punir la haine.
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Notes
[1] Les premiers à préconiser l’instauration en France d’une loi antirévisionniste sur le modèle de la loi israélienne de juillet 1981 ont été un groupe d’historiens juifs dont Pierre Vidal-Naquet et Georges Wellers réunis autour de René-Samuel Sirat, Grand Rabbin de France (Bulletin quotidien de l’Agence télégraphique juive, 2 juin 1986, p. 1, 3). Cette loi, dite « Fabius-Gayssot », a été adoptée le 13 juillet 1990.
[2] En 1982, à l’occasion de l’un de mes tout premiers procès, Alain Finkielkraut avait publié aux éditions du Seuil un ouvrage confus intitulé L’Avenir d’une négation / Réflexion sur la question du génocide. Le révisionnisme le préoccupait. À la première page de son livre, il me décrivait, avec une belle audace, en « émule de Big Brother ». À la page 66, il écrivait: « En termes de méthode, les négateurs des chambres à gaz sont les fils spirituels des grands staliniens ».