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Didier Daeninckx : Éthique en toc

Auteur de romans noirs et antirévisionniste frénétique, Didier Daeninckx, alias “Didier Dénonce”, vient de publier sous le titre d’Éthique en toc un court récit où se conjuguent tout à la fois son goût pour le polar, sa répulsion pour le révisionnisme historique, qu’il appelle “négationnisme”, sa tendance à la délation et, enfin, son faible pour le calembour (Le Poulpe, éditions Baleine, mars 2000, 168 petites pages).

Le récit, rocambolesque en tout point, s’inspire d’événements survenus à Lyon en 1999 au plus fort d’une virulente campagne antirévisionniste tendant à dénoncer en la capitale des Gaules “la capitale du négationnisme”. Dans la nuit du 11 au 12 juin de cette année-là, la bibliothèque inter-universitaire des Universités Lyon II et Lyon III était ravagée par un incendie qui allait détruire plus de trois cent mille ouvrages. Depuis un moment déjà, sous la pression d’officines gauchistes, progressistes et juives ainsi que d’organisations comme l’Union des étudiants juifs de France, la presse s’acharnait d’abord contre Jean Plantin, puis contre les autorités des deux universités accusées de complaisance pour le révisionnisme. À J. Plantin on reprochait d’avoir obtenu ses titres universitaires grâce à des travaux d’inspiration révisionniste. Régis Ladous, professeur à l’Université Lyon III, avait dirigé son mémoire de maîtrise qui portait sur Paul Rassinier et, l’année suivante, Yves Lequin, professeur à l’Université Lyon II, lui avait accordé un diplôme d’études approfondies pour une recherche sur les épidémies de typhus exanthématique dans les camps de concentration allemands durant la seconde guerre mondiale. En avril, comme pour mieux échauffer les esprits, un procès s’était ouvert contre J. Plantin accusé d’avoir, dans sa revue Akribeia, mentionné des ouvrages interdits de publicité.

Dans son polar, D. Daeninckx prend pour cibles principales d’abord et avant tout J. Plantin (dont il va quasiment jusqu’à indiquer l’adresse), puis les professeurs Ladous et Lequin. Les cibles secondaires sont d’autres universitaires, des instituts de recherche, les universités locales et des personnalités politiques. Par mesure de précaution et parce que nous sommes censés être dans un roman, les noms sont fictifs. C’est ainsi que Lequin se retrouve, comme en verlan, sous la forme de “Hynkel”. La ville de Lyon tout entière est décrite sous les couleurs d’un lieu d’absolue perdition. On nous cite en épigraphe une phrase des Confessions de Jean-Jacques Rousseau : “J’ai toujours regardé cette ville comme celle de l’Europe où règne la plus affreuse corruption” ou encore on nous rappelle une remarque assassine d’Alexandre Dumas sur l’aristocratie lyonnaise (p. 115-116). Pour l’auteur, Lyon est la capitale de la délation (p. 84), jugement qui ne manque pas de sel de la part d’un homme chez qui, précisément, la délation est comme une seconde nature. Lyon nous est présentée comme la ville, à la fois, du fasciste Henri Béraud, des frères Lumière, pétainistes et doriotistes, et d’Alexis Carrel, l’eugéniste accusé d’avoir prôné l’usage en France de la chambre à gaz d’exécution. Lyon, c’est bien connu, est également un haut lieu du stupre et de la fornication en cercles fermés. Les révisionnistes, évoqués comme pratiquant le commerce des films pornographiques et s’adonnant aux pratiques de l’échangisme, ne reculent évidemment pas devant l’incendie volontaire et la fraude. Sous son nom d’emprunt d’André Béraut, J. Plantin compte dans ses relations un boucher en gros qui mettra le feu à la bibliothèque inter-universitaire afin d’y détruire la présence de thèses ou d’écrits révisionnistes qui, le scandale venant à éclater, aurait risqué de mettre au jour l’étendue des supposées complicités, notamment universitaires, avec les révisionnistes. On passera sur les inventions saugrenues du romancier, ses mystères en carton-pâte et les morts loufoques pour en venir à la péripétie finale : le professeur Lequin, perdant l’esprit, tue de six balles de revolver un Jean Plantin aux abois. Justice est ainsi faite. Le révisionnisme rend fou et il conduit à tuer. Dûment traqué, il ne reste plus au révisionniste qu’à se faire justice.

On voit par là qu’un roman noir peut ne pas différer d’un roman à l’eau de rose.

“Votre éthique, c’est du toc!” y lance-t-on à Lequin, alias Hynkel (p. 156). Pour sûr, l’éthique de D. Daeninckx, elle, n’est pas en toc. Avec son ami et héros Philippe Videlier, autre dénonciateur de révisionnistes, et avec le chrétien progressiste Christian Terras, grand inquisiteur et responsable du magazine Goliasil appartient à cette gauche de tous les conforts, défenderesse de la loi Fabius-Gayssot, du nouvel ordre moral et de la police de la pensée. D’un doigt vengeur, il désigne les méchants, autrement dit les révisionnistes eux-mêmes ; au besoin, il fournit leur adresse à d’éventuels justiciers ; il lance des imprécations contre les fonctionnaires ou les universitaires qui tardent à se lancer à leur tour dans la chasse aux hérétiques qu’on leur signale.

Un incendie criminel ?

Mais revenons à l’événement qui, dans la réalité, semble avoir servi de point de départ à cette laborieuse fiction : l’incendie de la bibliothèque. Aussi longtemps que la catastrophe a été présentée au public comme accidentelle et comme accablant par un coup fatal des universités trop complaisantes pour le révisionnisme, on a beaucoup glosé sur cet incendie. Pour sa part, Ph. Videlier a publié dans Le Monde une sorte de thrène sur le désastre. Soudain, le 20 juillet 1999, soit environ un mois plus tard, la presse révéla que l’incendie était probablement d’origine criminelle. On avait détecté des traces d’hydrocarbure. Il s’ensuivit un renversement de situation : plus un mot dans les médias ni chez nos agités de la nouvelle épuration ! Une nouvelle qui aurait dû provoquer l’indignation générale et susciter des hypothèses sur l’identité et les mobiles possibles des criminels ne rencontrait plus qu’un écrasant silence. Dans la presse lyonnaise on pouvait alors seulement lire:

Aucun commentaire. Depuis que le parquet de Lyon a ouvert une information judiciaire pour destruction volontaire de la bibliothèque inter-universitaire de Lyon II et Lyon III, les responsables des universités lyonnaises sont fort discrets. On les comprend. Il est difficile voire délicat, de s’exprimer sur un dossier qui a pris mardi [20 juillet] une tout autre ampleur (Le Progrès, 22 juillet 1999, p. 6).

Au lieu de s’adonner à la chasse aux réprouvés, D. Daeninckx et Ph. Videlier, qui sont d’humeur policière, ne pourraient-ils pas enquêter sur cet incendie et exiger des autorités judiciaires qu’elles sortent, elles aussi, d’un étrange silence ? Peut-être découvriraient-ils dans leur propre milieu des indices éclairants. Jamais les révisionnistes, qu’on sache, ne se sont mués en incendiaires. En revanche, trop souvent, ils ont été les victimes d’incendies criminels. Ont été, par exemple, ainsi détruits, en Angleterre, le 5 novembre 1980, les locaux de The Historical Review Press et, en Californie, le 4 juillet 1984, ceux de l’Institute for Historical Review tandis que, le 8 mai 1995, la maison du révisionniste Ernst Zündel, au Canada, était à son tour incendiée. Des exemples seraient également à citer en France, notamment une tentative d’incendie perpétrée en 1989 contre le local du magazine Le Choc du mois qui venait de publier une interview révisionniste.

La chasse à Serge Thion

Cependant, à l’heure qu’il est, D. Daeninckx a d’autres préoccupations. Il est sur la trace d’un gibier plus facile. Il mène campagne contre le révisionniste Serge Thion et contre les complicités dont ce dernier bénéficierait au sein du CNRS. Notre chasseur de proies désarmées vient de diffuser sur le Net un texte intitulé : “Le négationniste habite au CNRS / Serge Thion, la taupe antisémite de la Maison des sciences de l’homme”. Nulle ambiguïté dans la déclaration finale :

Les protections dont bénéficie Serge Thion n’ont que trop duré. L’assassin de la mémoire doit quitter le CNRS (www.amnistia.net, 13 avril 2000).

La Maison des sciences de l’homme et le CNRS sont donc maintenant sous le feu du justicier professionnel. Déjà dans son Éthique en toc on pouvait lire : “Ce n’est pas que le fruit du hasard si dans CNRS il y a CRS”.

Ph. Videlier a reçu l’Ordre national du mérite et Pierre Vidal-Naquet vient d’être promu officier de la Légion d’honneur. D. Daeninckx, pour sa part, finira-t-il par obtenir une distinction équivalente sur proposition de notre ministre de la Culture ou, mieux, sur proposition du ministre de l’Intérieur?

(Fin)

 

Confirmation : l’incendie était criminel

 

“La thèse criminelle est acquise, un an après l’incendie qui a détruit 60% des collections de la bibliothèque inter-universitaire Lyon II et Lyon III”, annonce Livres Hebdo (7 juillet 2000, p. 50-51), qui ajoute sous la signature de Laurence Martin :

“Une défaillance de l’installation électrique, l’oubli d’un mégot, l’implosion d’un appareil ou toute cause identifiable comme accidentelles sont écartées sans ambages”, indique Bruno Gelas, président de l’université Lyon II, portée partie civile aux côtés de Lyon III depuis le mois de mai.

Pour ce qui est de l’identité et des mobiles du ou des incendiaires, la journaliste fait observer que, dans Ethique en toc, D. Daeninckx avait, quant à lui, une explication “purement imaginée”.

Du côté des grands médias, aussi bien à Lyon qu’à Paris, notamment dans Le Monde (journal oblique), le silence semble avoir été total sur cette spectaculaire conclusion de l’enquête judiciaire. Seuls les naïfs se demanderont pourquoi.

Au plus fort de l’affaire Plantin, les organisations juives et d’extrême gauche, prises de frénésie, avaient étendu l’anathème, avec la complicité des médias, aux responsables de la bibliothèque inter-universitaire. Elles accusaient cette dernière d’abriter, parmi d’autres ouvrages impies, les deux travaux de J. Plantin. Des justiciers de la mémoire ont alors décidé de faire œuvre pie, selon la tradition. Grâce à eux, le feu purificateur de la haine et de la vengeance, allumé par ces organisations et les médias, a pu ravager l’une des plus riches bibliothèques de France.

28 avril 2000 (avec additif du 26 août 2000)