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Jacques Attali en faussaire de l’histoire (suite)

Le 15 septembre, dans son bulletin Faits et documents, Emmanuel Ratier annonçait : « A partir du 15 septembre, pour quinze représentations, sera présenté Du cristal à la fumée, une pièce de Daniel Mesguisch sur un texte de Jacques Attali, censée retracer une réunion secrète du 12 novembre 1938, trois jours après la “Nuit de cristal”, où aurait été décidée par les dignitaires nationaux-socialistes la “solution finale”. Une date jusqu’alors quasi-inconnue des historiens. Pour l’ancien conseiller privé de François Mitterrand, “il s’agit de l’une des réunions politiques les plus importantes du XXe siècle, celle où des salauds prennent la pire décision qui soit” ».

Le 17 septembre, le magazine Point de vue (« élu meilleur magazine people de l’année ») publie un entretien du même Jacques Attali sous le titre « Dans les coulisses de l’histoire » (p. 56, 58). Notre homme y déclare notamment : « Cela fait sept ans que je travaille [à cette pièce] […]. Je peux affirmer que 90% de ce qui est dans Du cristal à la fumée a été dit ce jour-là. Même s’il s’agit d’une reconstitution, je pense que je suis au plus près de la vérité. […] Il y a d’abord la volonté de faire partir les Juifs. Puis il y a l’incident de la Nuit de cristal. En découle une réunion folle où tout dérape. Où les principaux dirigeants nazis qui se détestent et dont on voit très bien ici le tiraillement qui existe entre eux se rendent compte que la seule solution est de les exterminer [les Juifs]. Même s’il n’y a pas de plan explicite. » La suite de l’entretien nous montre en J. Attali un homme ivre de suffisance, un Pic de la Mirandole (« en toutes sciences connues et en quelques autres encore »), doté, au surplus, d’un cœur pluridimensionnel. Il nous annonce qu’il publiera bientôt un Dictionnaire amoureux du judaïsme. Il nous rappelle qu’il a écrit « 45 livres qui ont été publiés en 30 langues [et] créé quatre institutions internationales ». Il se targue d’une immense modestie : « D’abord, j’ai un sentiment de grandes imperfections dans ce que je fais. Il y a des choses dans lesquelles je suis très, très mauvais ».

Ce même 17 septembre, dans un message adressé à mes correspondants sur Internet, j’ai signalé l’existence de cet entretien et, en guise de commentaire, j’ai précisé que J. Attali « bat tous les records de nos holocausticiens » en fixant au 12 novembre 1938 la date où les autorités du IIIe Reich auraient décidé d’exterminer les juifs d’Europe. J’ai ajouté : « Aucun [de ces “holocausticiens”], même dans les supputations les plus fantaisistes, n’a imaginé une date aussi précoce. La Nuit de cristal est celle du 9 au 10 novembre 1938 ; elle a été provoquée par l’annonce de la mort d’Ernst vom Rath [conseiller à l’ambassade d’Allemagne à Paris], révolvérisé par Herschel Grynspan le 7 novembre. »

Le 18 septembre, aux mêmes correspondants, j’envoie un communiqué intitulé Jacques Attali en faussaire de l’histoire où j’écris:

Au Théâtre du Rond-Point, à Paris, se donne actuellement la pièce de Jacques Attali, Du cristal à la fumée (comprenez qu’il s’agit, dans l’esprit de son auteur, du sort des juifs depuis la Nuit de Cristal, le 12 novembre 1938, jusqu’à la fumée des fours crématoires d’Auschwitz). Alors que les historiens de «l’Holocauste», poussés dans leurs retranchements par l’offensive révisionniste, ont fini par reconnaître (après le premier d’entre eux, Raul Hilberg) qu’il n’existe aucune preuve attestant de ce que le IIIe Reich aurait décidé d’exterminer les juifs et alors que, dans les faits, seule a été recherchée « une solution finale TERRITORIALE de la question juive », J. Attali se vante d’avoir, lui, trouvé une telle preuve. Il l’a trouvée, dit-il, dans le « verbatim » du conseil des ministres présidé par le Maréchal Goering à la suite de la Nuit de Cristal. Pur mensonge. J. Attali a mis dans la bouche de Goering une phrase que ce dernier n’a jamais prononcée. Cette phrase, le faussaire Attali l’a fabriquée.

Le 18 septembre 2008, sur les ondes d’Europe 1, Jean-Pierre Elkabbach a interrogé notre homme sur sa pièce. Il l’a d’abord fait en évoquant l’horreur nazie, mais, à un moment donné, on a pu entendre l’échange suivant :

J.-P. Elkabbach : [Goering a dit :] « Je n’aimerais pas être juif en Allemagne en ce moment. Aucun document ne doit établir que nous avons parlé entre nous de l’élimination des juifs». Est-ce que, vraiment, c’est dans le texte ?

J. Attali : La phrase « Je n’aimerais pas être juif en Allemagne en ce moment » est dans le verbatim que j’ai retrouvé.

Autrement dit, la phrase « Aucun document ne doit établir que nous avons parlé entre nous de l’élimination des juifs », phrase qui aurait pu servir d’élément de preuve à l’appui de la thèse selon laquelle les autorités du IIIe Reich ont un jour décidé l’élimination physique des juifs, n’est qu’une invention de J. Attali.

Le 20 septembre, fidèle à ses habitudes en la matière, Le Monde énonce un froid mensonge. Rendant compte de la pièce, il nous parle d’« une réunion où s’invente “la solution finale” » et il nous vante « un texte dense, documenté, effrayant. Evidemment nécessaire » (Olivier Schmitt, «Déjeuner avec Jacques Attali», Le Monde 2, p. 66).

Le 21 septembre, Le Monde tend à récidiver dans le mensonge et cela sous la plume d’une journaliste, Brigitte Salino, à laquelle j’avais pourtant personnellement envoyé, le 19 septembre à 18h33, copie de mon texte du 18 septembre. La journaliste écrit : « De “comment neutraliser les juifs ?”, le noyau dur des proches d’Hitler en vient à “comment les exterminer ?” C’est ainsi, selon Jacques Attali, que “la solution finale” est abordée pour la première fois, bien avant la conférence de Wannsee, le 20 janvier 1942, date à laquelle la décision a été réellement prise. » La timide restriction contenue dans les mots « selon Jacques Attali » s’efface au profit de l’affirmation mensongère d’après laquelle la décision d’exterminer les juifs aurait été réellement prise à Berlin-Wannsee le 20 janvier 1942. Il faut n’avoir pas lu ce qu’on appelle communément le « procès-verbal » de ladite réunion pour redonner vie à ce vieux serpent de mer. Agacé par cette idée reçue, Yehuda Bauer, professeur à l’Université hébraïque de Jérusalem, avait, lui, déclaré en 1992: « Le public répète encore continuellement la sotte histoire (the silly story) selon laquelle l’extermination des juifs a été décidée à Wannsee » (communiqué de la Jewish Telegraphic Agency reproduit dans Canadian Jewish News, 30 janvier 1992).

Le coup de grâce ?

Enfin, le 27 septembre, Rue 89, «site d’information et de débat sur l’actualité» publie un article de Judith Sibony (Théâtre : Attali prend des libertés avec l’histoire du nazisme), où il est dit que la pièce de J. Attali « indigne les historiens spécialistes de la Shoah ». On y lit :

Depuis sa création le 12 septembre, et jusqu’à la dernière ce dimanche, la «pièce» de Jacques Attali, Du cristal à la fumée éditée chez Fayard et présentée au Théâtre du Rond Point (Paris) aura affiché complet tous les soirs. Il faut dire que son auteur y promet rien moins qu’une révélation historique sur l’origine de la Shoah. Vaste programme, qui mérite qu’on s’y penche de près. – Jadis conseiller de Mitterrand, aujourd’hui expert économique pour Sarkozy, auteur d’une cinquantaine de livres en tous genres (dont une Histoire du temps qui l’a fait condamner pour plagiat), le très médiatique président de PlaNet Finance [http://planetfinancegroup.com] vient donc d’endosser un nouveau rôle: celui d’historien dramaturge. – Ainsi, sa pièce revient-elle sur une réunion nazie organisée deux jours après le pogrom antisémite de la Nuit de Cristal (novembre 1938). Sous l’égide de Goering, la rencontre avait pour objet d’éviter, malgré l’engagement des assurances, de rembourser les juifs victimes des incendies, destructions et pillages. – Tout au long de la discussion, les dirigeants du IIIe Reich ressassèrent l’idée que, trop riches, les juifs volés coûteraient trop cher à dédommager. D’où un décret les excluant de toute activité économique et de toute vie sociale.

« Au plus près de la réalité historique » ? Voire…

Or Jacques Attali ne fait pas que reprendre « à 95% » (comme il dit) le procès-verbal de cette réunion. Il croit aussi pouvoir mettre au jour la vérité secrète de cette séance : « C’est d’elle qu’est sortie la décision de la solution finale », va-t-il jusqu’à affirmer dans sa préface, tout en assurant parler « au plus près de la réalité historique ».

Pourtant, quiconque se rend au Centre de documentation du judaïsme contemporain [en fait, à Paris, le Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) attaché au Mémorial de la Shoah] pour consulter l’archive peut constater qu’il y est question de spoliation, de ghettoïsation, d’expulsions, mais pas encore d’extermination. De fait, toute la communauté scientifique s’accorde à situer la décision du génocide à la fin de l’année 1941.

Voilà pourquoi la prétendue découverte d’Attali fait bondir les historiens. « C’est une contrevérité historique de plus qui circulera en toute impunité », s’indigne l’historienne de la Shoah Annette Wieviorka.

En outre, laisser entendre que la décision d’exterminer les juifs découle d’une question d’assurance implique un « dangereux glissement », comme le souligne le meilleur spécialiste français de la période, Florent Brayard, chercheur au CNRS et auteur de La Solution finale de la question juive (Fayard, 2004) : « C’est faire comme si le projet d’exterminer les juifs pouvait être le fruit d’une rationalité : un calcul rigoureux, en vue d’un bénéfice matériel tangible. Or la “solution finale” est au contraire purement idéologique : Hitler avait décrété que la mort du “juif” était la condition de sa victoire. »

« Sur un tel sujet, il faut être soit un grand écrivain, soit un historien »

Sous couvert de vérité historique, la fiction d’Attali (qui n’a pas souhaité répondre à Rue89) s’avère donc plus que tendancieuse, comme le souligne également la philosophe Elisabeth de Fontenay, présidente de la commission Enseignement au Mémorial de la Shoah : « Pour traiter un tel sujet, il faut être soit un grand écrivain, soit un historien. Attali n’est ni l’un ni l’autre, et le mélange qu’il propose ici est catastrophique : il ouvre la porte à toutes les dérives, et témoigne d’un grand manque de respect pour les morts. »

De ce malaise, la mise en scène témoigne à son tour, presque malgré elle. Daniel Mesguich, qui nous émerveille d’habitude par son grand sens des mots et des images, a bien senti que « théâtralement, un tel objet ne peut pas être abordé comme les autres », comme il l’explique dans un entretien. C’est, pense-t-il, « parce qu’il s’agit d’une “situation réelle” ». Mais on a surtout l’impression que son spectacle ne s’assume pas, comme s’il avait conscience de la distorsion historique qui le traverse. – Les croix gammées arborées sur scène sont timidement barrées de ratures claires ; les acteurs, pourtant en costume très réaliste, gardent à la main le texte du rôle qu’ils interprètent ; et à la fin, ils ne viennent pas saluer.

Au moins l’homme de théâtre laisse-t-il ainsi entendre, à sa manière, que le spectacle ne saurait appeler des applaudissements.

Il est certes plaisant de voir notre histrion se faire étriller par une coreligionnaire, mais ceux qui l’admonestent ainsi mériteraient un rappel à l’ordre. Car, si aucune décision d’exterminer les juifs n’a été effectivement prise soit le 12 novembre 1938, soit le 20 janvier 1942, il est également vrai qu’aucune décision de ce genre n’est non plus intervenue en « novembre 1941 » ou à une quelconque autre date. De ce point de vue, Annette Wieviorka, Elizabeth de Fontenay ou Florent Brayard logent à la même enseigne que J. Attali. Eux aussi spéculent, supputent, imaginent, inventent et se révèlent incapables de fournir un seul document, une seule preuve à l’appui de leurs conclusions exterminationnistes.

Florent Brayard tout aussi nul

Limitons-nous ici au cas de Florent Brayard. En octobre 2004, les éditions Fayard ont publié son ouvrage de 650 pages intitulé La «Solution finale de la question juive» / La technique, le temps et les catégories de la décision. En quatrième page de couverture, il nous est dit que « la solution finale » n’est devenue synonyme de meurtre qu’en… juin 1942 et – autre stupéfiante découverte de F. Brayard – que le meurtre des juifs européens devait être achevé en une année. Or, si l’on se reporte au contenu de l’ouvrage et, surtout, à sa longue conclusion, le flou y est constant. L’auteur déclare en outre : « Il importe assez peu de savoir, stylisation [?] mise à part, à quel moment exact Hitler avait décidé que les juifs d’Europe ne survivraient pas à la guerre. » Cela, il l’écrit à la page 462. Et, à la page suivante, il répète: « Peu importe la date ». Au fond, il n’a rien trouvé du tout. Il est vrai que, comme il nous l’annonçait au début de son livre : « La structure générale [de mon livre] reprend celle de certains films ou de certains romans » (p. 24). En 2008, Edouard Husson (ainsi que son préfacier, Jan Kershaw, et son postfacier, Jean-Paul Bled) n’ont rien trouvé non plus (Heydrich et la Solution finale, Perrin, 487 p.).

J. Attali et ses pareils pris les mains dans la glu

Faute de preuves et de documents à l’appui de leur thèse selon laquelle il aurait existé une politique d’extermination des juifs d’Europe, bien des holocausticiens se sont mis à prôner, surtout à partir de la seconde moitié des années 1990, le recours au roman, au théâtre, au cinéma, au kitsch et à tous les procédés modernes de la société de consommation forcée, en vue de former ou de formater les esprits dans le sens édicté de nos jours par la religion séculière et universelle de « l’Holocauste ». Peine perdue dans le cas de J. Attali ! Sa pièce holocaustique a été un flop et le petit maître, une fois de plus, aura surtout fait montre de charlatanisme et de shutzpah. Faisons-lui confiance ainsi qu’à ses pareils pour nous inventer bien d’autres impostures à l’appui du « Grand Mensonge ». Comme le disait Céline dans une lettre du 28 novembre 1950, adressée à Albert Paraz à propos des découvertes de Paul Rassinier sur le mythe de « la magique chambre à gaz », « C’était tout la chambre à gaz ! Ça permettait TOUT ! Il faut que le diable trouve autre chose… oh je suis bien tranquille ! » (R. Faurisson, « Céline devant le mensonge du siècle », Le Bulletin célinien, n° 3 [3e trimestre 1982, p. 4-8], n° 4 [4e trimestre 1982, p. 5-6] et n° 19 [mars 1984, p. 5-7]). Plus l’on s’efforce de défendre un gros mensonge historique, plus l’on se condamne à devoir impérativement fabriquer, au cours du temps, une infinité de mensonges à la manière de J. Attali. – Les menteurs se sont pris les mains dans la glu de leur odieux mensonge de « l’Holocauste ». Ainsi qu’a dû finalement en convenir l’un des leurs, Jean-Claude Pressac, ils se sont condamnés « aux poubelles de l’histoire ».

30 septembre 2008