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L’origine du mythe. Le mythe des “chambres à gaz” remonte à 1916

Le mythe des gazages des juifs durant la seconde guerre mondiale n’est que le produit de recyclage du mythe du gazage des Serbes pendant la première guerre mondiale. On pourrait dire qu’un mythe apparemment né au début des années quarante et vieux, aujourd’hui, de cinquante ans remonte ainsi en fait aux années 1916-1917 : il aurait donc soixante-quinze ans.

Encore est-il possible qu’il remonte bien au-delà. Peut-être trouverait-on la trace de gazages mythiques dans l’histoire des guerres de Vendée ou, plus loin encore, avant même l’invention du mot de « gaz », dans des temps où la maîtrise supposée des forces obscures de la terre était censée permettre l’assassinat par des « substances subtiles » ou des « vapeurs invisibles ». Un mythe ne plonge-t-il pas toujours au plus profond de l’homme et de sa mémoire ?[1]  

En 1916-1917 les Alliés répandirent le bobard des Serbes gazés systématiquement et en grand nombre par les Allemands, les Autrichiens et leurs alliés, les Bulgares. Ces gazages avaient lieu, disait-on, dans des établissements d’épouillage, dans des églises ou dans d’autres lieux encore. Ce bobard disparut après la guerre, dès le début des années vingt. De la même façon s’évanouirent, du moins en apparence, d’autres inventions de la propagande de guerre des Alliés: la légende des enfants belges aux mains coupées par les Uhlans (préfiguration des SS) et la légende des usines à cadavres où les Allemands passaient pour transformer graisse et ossements humains en engrais et en savon (préfiguration des « camps d’extermination » au service de la science hitlérienne censée produire engrais et savon à partir des cadavres de juifs).

Il est probable que le succès de ces bobards de guerre s’alimentait du spectacle d’atrocités bien réelles : les ravages exercés par l’emploi des gaz de combat sur les champs de bataille ainsi que les amoncellements de cadavres de typhiques, en Serbie notamment.

Le mythe du gazage des juifs de 1941 à 1944 (ou 1945) aurait dû, lui aussi, disparaître après la guerre. Or, il persiste encore aujourd’hui. On continue d’en nourrir les esprits. Grâce à la publicité et aux médias, cette invention de la propagande de guerre des Alliés est devenue avec le temps un produit de consommation forcée. Ce produit est avarié. Sous un emballage nouveau, il n’est qu’une marchandise lancée vers 1916-1917 et reconnue pour frelatée dès les années vingt. Il n’importe. En France, depuis la publication en 1990 de la loi Fabius, alias Gayssot, il est devenu interdit de contester la qualité de cette marchandise et d’en dénoncer les producteurs et les marchands. On risque la prison si, soucieux à la fois d’honnêteté et d’hygiène, on tente de mettre les consommateurs en garde contre la nocivité de ces produits qui envahissent, à coups de millions, le marché du livre, la télévision et l’école. Toujours est-il que cette loi a d’étranges effets. En nous obligeant à croire aux gazages des juifs pendant la seconde guerre mondiale, elle nous force aussi, d’une certaine façon, à croire, à nouveau, aux gazages des Serbes pendant la première guerre mondiale. Elle réhabilite ainsi un bien vieux mensonge qui semblait avoir fait son temps. C’est ce qu’on appelle l’ironie de l’histoire.

Les trois pièces que nous présentons ci-dessous montrent comment s’est fait le passage du mythe des gazages de Serbes au mythe des gazages de juifs. La première pièce est extraite d’un livre où un ancien correspondant et collaborateur de la Frankfurter Zeitung raconte incidemment une entrevue que lui avait accordée à Berlin, le 20 novembre 1917, le secrétaire d’État aux Affaires étrangères Richard von Kühlmann (1873-1948). On notera que l’homme d’État allemand, exaspéré par le comportement de ses alliés bulgares, est apparemment disposé à accueillir n’importe quel bobard des Alliés à leur propos. C’est ainsi qu’il croit que les Bulgares pratiquent une politique d’extermination physique des Serbes (le « génocide » avant la lettre) et que, sous prétexte d’hygiène, ces Serbes sont conduits dans des établissements d’épouillage où, en fait, on les gaze (préfiguration de l’histoire des juifs conduits, sous prétexte d’épouillage et de douches, dans des locaux où on les gaze).

Les deux autres pièces que nous reproduisons sont, toutes deux, extraites d’un même journal londonien, le Daily Telegraph. À vingt-six ans de distance, ledit journal a repris les mêmes chiffres : le 22 mars 1916, il annonce l’assassinat de sept cent mille Serbes et, le 25 juin 1942, il titre sur l’assassinat de sept cent mille juifs. En 1916 on raconte que les Allemands, les Autrichiens et les Bulgares «exterminent» (c’est le mot) les Serbes de différentes façons et, notamment, au moyen de gaz asphyxiants soit dans des églises, soit dans des lieux non autrement décrits ; ces gaz émanent de bombes ou de machines à produire des gaz. En 1942 on veut nous faire croire que les Allemands « exterminent » (c’est encore le mot) les juifs de multiples façons et, en particulier – c’est le modernisme – en utilisant un, et un seul, camion adapté en chambre à gaz, qui permet d’éliminer pas moins de mille juifs par jour.

Pièce n° 1 [traduite de l’allemand]

[…] L’humeur du secrétaire d’État [aux Affaires étrangères, Richard von Kühlmann] est sombre et grave. La paix lui paraît lointaine. Il a entretenu sans doute bien des illusions sur les désirs de paix de l’Angleterre. Tous nos alliés lui inspirent une profonde méfiance. Les Bulgares sont insatiables ; leur donne-t-on veste et pantalon, ils vous réclament chemise et chaussures. Il relate comment ils « liquident » les Serbes systématiquement [mot à mot : « auf dem Verwaltungswege » – par la voie bureaucratique] ; sous prétexte d’hygiène on mène ces derniers dans des établissements d’épouillage et, là, on les élimine par gaz. C’est l’avenir, ajoute-t-il, des batailles entre les peuples.[2]  

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Pièce n° 2 [traduite de l’anglais]

22 mars 1916
ATROCITÉS EN SERBIE
700.000 victimes
De notre correspondant. Rome, lundi (18 h 45)

 

Les gouvernements alliés ont reçu témoignages et documents, qui seront prochainement publiés, prouvant que l’Autriche et la Bulgarie se sont rendues coupables d’horribles crimes en Serbie, où les massacres qu’ils ont commis sont pires que ceux perpétrés par la Turquie en Arménie.

Aujourd’hui le gouvernement italien a publié le témoignage de deux prisonniers italiens qui se sont évadés d’Autriche par la Serbie et ont trouvé refuge en Roumanie. Pourtant, ce que ces deux prisonniers ont vu et appris n’est rien, comparé avec les témoignages produits par les Serbes eux-mêmes et communiqués par M. Pasitch au gouvernement italien et au pape. Selon des informations dignes de foi, le nombre des victimes des Autrichiens et des Bulgares a dépassé sept cent mille. Des régions entières, avec villes et villages, ont été dépeuplées par des massacres. Femmes, enfants et vieillards ont été enfermés dans des églises par les Autrichiens et passés à la baïonnette ou étouffés par le moyen de gaz asphyxiants. C’est ainsi que, dans une seule église de Belgrade, trois mille femmes, enfants et vieillards ont été suffoqués.

Des réfugiés serbes ont déclaré, sans que ce soit sous serment, qu’ils ont assisté à la distribution de bombes et de machines à produire des gaz asphyxiants, distribution faite aux Bulgares par les Allemands et les Autrichiens, avec les instructions d’emploi de ces instruments en vue d’exterminer la population serbe. Les Bulgares ont usé de cette méthode à Nich, Pirot, Prizren[3] et Negotin où les habitants sont morts suffoqués. Les Autrichiens ont employé des moyens identiques en différentes parties du Montenegro.[4]  

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Pièce n° 3 [traduction de l’anglais]

 

25 juin 1942
LES ALLEMANDS ASSASSINENT 700 000 JUIFS
EN POLOGNE
CHAMBRES À GAZ AMBULANTES

De notre reporter

Au cours du plus grand massacre de l’histoire du monde, les Allemands ont abattu plus de sept cent mille juifs polonais. De plus, ils développent un système de famine où le nombre des morts, selon le propre aveu des Allemands, semble devoir être presque aussi important.

Les plus affreux détails de la tuerie, y compris l’usage de gaz poison, sont révélés dans un rapport envoyé secrètement à M. S. Zygielboim, représentant juif du Conseil national polonais à Londres, par un groupe actif en Pologne. On a le ferme sentiment qu’il faudrait entreprendre une action pour empêcher Hitler d’accomplir sa menace d’exterminer tous les juifs d’Europe cinq minutes avant la fin de la guerre, quelle que soit cette fin.

L’intention avouée des Allemands dès les premiers jours de la guerre était d’exterminer la population juive du territoire polonais.

Dans son message de nouvel an de 1940 le Gauleiter Greiser a dit que le seul usage à faire des Polonais était celui d’esclaves pour l’Allemagne mais que pour les juifs il n’y aurait pas d’avenir.

Cette politique d’extermination a commencé en 1941 en Galicie orientale et la procédure a partout été la même.

On a rassemblé hommes et garçons, de 14 à 60 ans, en un même lieu, généralement un square ou un cimetière ; et là on les a tués soit à coups de couteaux, soit avec mitrailleuses ou grenades. On leur avait fait préalablement creuser leurs tombes.

Victimes dans les hôpitaux

On a abattu des enfants dans des orphelinats, des pensionnaires dans des hospices et des malades dans des hôpitaux. On a tué des femmes dans la rue. En bien des endroits on a déporté des juifs vers des « destinations inconnues » et on les a tués dans des bois avoisinants.

À Vilna on a assassiné cinquante mille juifs en novembre [1941]. Dans cette région et autour de Kovno, en Lituanie, le nombre total des massacrés est de trois cent mille.

On a pratiquement tué tous les juifs à Zyrovice, Lachovice, Mira, Kosov et d’autres villes similaires. À Rovno les assassinats ont commencé au début novembre. En trois jours et trois nuits on a fusillé presque quinze mille hommes, femmes et enfants.

En d’autres lieux, le total des morts a été de :

Lvov :   30.000
Stanislavov : 15.000
Slonin :   9.000
Hancedicze :  6.000
Tarnopol :  5.000
Brzezany : 4.000
Zlochov :  2.000

Massacre par gaz

En novembre [1941] a aussi commencé le massacre par gaz des juifs dans les territoires polonais incorporés au Reich.

On a utilisé un camion spécial adapté en chambre à gaz dans lequel on entassait quatre-vingt-dix victimes à la fois. On enterrait les corps dans des tombes spéciales creusées dans la forêt de Lubardski.

En moyenne, on a gazé mille juifs par jour. On en a assassiné de cette manière à Chelmno, de novembre [1941] à mars [1942], cinq mille venant de quatre villes, ainsi que trente-cinq mille venant du ghetto de Lodz, et nombre de tziganes.

En février [1942] l’extermination des juifs a commencé dans ce qu’on appelle le Gouvernement général, partie occidentale de la Pologne non incorporée au Reich. La Gestapo a chaque jour rendu visite aux quartiers juifs et a systématiquement tué les gens dans la rue et dans les maisons.

En mars [1942] vingt mille juifs ont été déportés de Lublin dans des wagons plombés pour une « destination inconnue ». On en a perdu toute trace. Environ trois mille autres ont été mis dans des baraques dans un faubourg de Lublin. Il n’en reste plus maintenant un seul juif.

À Cracovie, durant mars [1942], cinquante hommes sur une liste de proscrits ont été fusillés devant leur domicile. Un nombre semblable d’hommes et de femmes ont été tués devant leur porte donnant sur la rue pendant une nuit de terreur organisée dans le ghetto de Varsovie. Tous les groupes sociaux du ghetto ont été affectés. On s’attend à bien d’autres nuits de ce genre.

Le ghetto de Varsovie, en fait un vaste camp de concentration, héberge six cent mille juifs à la moyenne de dix-neuf par pièce. Avant la guerre, alors que le quartier possédait le double de maisons, la population totale était de cent trente mille.

Tous les enfants de moins de cinq ans et tous les adultes de plus de cinquante ans se voient refuser les fournitures en médicaments. Ce qui signifie que seul un minimum d’aide parvient à l’intérieur du barrage pour soulager les ravages du typhus et de la typhoïde.

Selon des statistiques fournies en Pologne par les autorités allemandes, le nombre des enterrements en provenance du ghetto de Varsovie est passé de neuf cents en janvier 1941 à cinq mille six cent vingt en août [1941].

Des statistiques obtenues de sources secrètes en Pologne montrent que, durant l’année entière, il n’y a pas eu moins de soixante-seize mille enterrements. Une large proportion des morts était due à la famine.

Dans les trois années 1939-1941 le nombre des morts dans Varsovie seule est passé de 7 696 à 42 239. Durant ce temps, la population juive du ghetto est passée de trois cent soixante-quinze mille à quatre cent sept mille par l’afflux des juifs déportés d’autres provinces ou pays.

Je crois savoir que le gouvernement polonais a l’intention de porter les faits du présent rapport à la connaissance des gouvernements britannique et alliés.[5]  

30 novembre 1991

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Notes

 

[1] D’après le Dictionnaire étymologique de la langue française d’O. Bloch et de W. von Wartburg (PUF, 1932), le mot de « gaz » aurait été inventé en 1670 par un médecin pour désigner une substance subtile considérée par celui-ci comme unie aux corps. Le sens moderne daterait de la fin du XVIIIsiècle à la suite des travaux de Priestley et de Lavoisier.
[2] B. Guttmann, Schattenriss einer Generation 1888-1919, K. F. Koehler, Stuttgart 1950, p. 146; le passage concerne une visite rendue à Berlin le 20 novembre 1917.
[3] Prizren se trouve dans le Kosovo. [NdÉ]
[4] Daily Telegraph, 22 mars 1916, p. 7.
[5] Daily Telegraph, 25 juin 1942, p. 5.