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Quelques réflexions sur l’affaire Garaudy-abbé Pierre

On me rapporte la réflexion de Me Jean Stévenin, avocat au barreau de Paris : «C’est l’affaire Faurisson qui continue !» Pour lui, au fond, l’affaire Garaudy-abbé Pierre est (au même titre qu’autrefois l’affaire Roques ou l’affaire Notin) un surgeon, une résurgence, une continuation de l’affaire Faurisson, laquelle avait commencé en 1974 pour éclater à la fin de 1978.

Je note jusqu’ici la timidité, pour ne pas dire le quasi-silence, des journalistes sur le sujet des chambres à gaz. Tous auraient dû, sur-le-champ, dénoncer le profond scepticisme de Garaudy en la matière. Mais telle est précisément la caractéristique du tabou : ceux qui ont pour mission de le préserver n’osent pas même révéler qu’il a été profané. Garaudy a pénétré dans le saint des saints et il a découvert que le tabernacle censé contenir la magique chambre à gaz était vide. Taisons la nouvelle !

L’article du Point témoigne d’une assez bonne connaissance du révisionnisme. Il reproduit un fragment de mon premier communiqué[1] :

Il faut appeler un chat un chat ce génocide et ces chambres à gaz sont une imposture. [J’ajoute que,] si j’étais juif, j’aurais honte à la pensée que, pendant plus d’un demi-siècle, tant de juifs ont propagé ou laissé se propager une pareille imposture.[2]

Les journalistes du Point ont amputé mon texte d’un ensemble de huit mots ; j’avais écrit : « […] une pareille imposture, cautionnée par les grands médias du monde entier. »

Ils décrivent les révisionnistes comme formant une «secte minuscule mais acharnée».

Le mot de secte est impropre puisqu’il n’y a, en la circonstance, ni croyance religieuse, ni guide spirituel mais les adjectifs « minuscule » et « acharnée » conviennent. Le nombre, en France, des révisionnistes actifs a été dérisoire : une dizaine ont entrepris et mené à bien des recherches et une vingtaine d’autres ont consacré une partie de leur vie et de leurs ressources au soutien des premiers. Se monte à quelques centaines le nombre des révisionnistes de conviction qui se sont abstenus de toute activité suivie. Des milliers de sympathisants ont observé le spectacle.

Il se pose là une question : comment, en définitive, une poignée d’hommes et de femmes sont-ils parvenus à briser un silence de plomb qu’imposait au monde entier le groupe humain le plus riche, le plus puissant, le plus influent et le plus craint de tout l’Occident ? Ce groupe est celui des juifs. À ce point de vue, que pesait n’importe lequel d’entre nous par rapport au seul Edgar Bronfman, le richissime empereur des alcools, président du Congrès juif mondial, pour lequel il n’y avait pas, disait-il, de tâche plus urgente que de réprimer le révisionnisme ?

Cette disproportion entre leur force et notre faiblesse, je l’ai personnellement mesurée à Oxford, en juillet 1988, à l’occasion de l’un des plus impressionnants colloques internationaux qu’on ait jamais organisés contre le révisionnisme. L’instigateur en était le milliardaire escroc Lajbi ou Ludvik Hoch, alias Robert Maxwell. Pour faire échouer cette entreprise pharaonesque, nous avons été… deux (je le répète : deux) : un Français et une Française, aidés de deux autres Français au rôle plus discret, mais, très vite, les participants se sont sentis en état de siège. Quelques actions audacieuses et rapides aux points les plus névralgiques de ce colloque ont fait perdre leurs moyens aux invités se déplaçant en Bentley avec chauffeurs et hébergés dans des hôtels de luxe. La police britannique était aux aguets mais comment aurait-elle pu imaginer que seuls deux individus résolus menaient une opération à si grande échelle avec si peu de moyens matériels et financiers ? À la fin du colloque, dans un journal de son empire de presse, R. Maxwell, à bout de nerfs, signait un article vengeur contre les journalistes britanniques, accusés de n’avoir pas su accorder à ce colloque toute son importance. Le titre de l’article portait, en français : « J’accuse ! »

En cette fin du mois d’avril, l’affaire Garaudy-abbé Pierre bat son plein. Elle ne semble pas près de s’apaiser même si les deux principaux intéressés veillent à prendre leurs distances d’avec le révisionnisme. Les juifs ne pardonnent jamais la moindre atteinte à leur tabou. Les excuses, les rétractations, les explications, les flatteries ne répareront pas l’offense qui leur a été faite. Ils seront sans pitié. Ils frapperont d’autant plus fort celui qui aura, ne fût-ce qu’un instant, ployé l’échine.

L’affaire Garaudy-abbé Pierre me rend heureux et amer.

Je suis heureux parce que je vois des gens à la mode reprendre à leur compte ce que je me suis tué à répéter pendant près d’un quart de siècle. Et puis, à la fin de l’année 1995, quand j’ai constaté que le révisionnisme faisait irruption sur Internet et que les juifs en réclamaient la censure à cor et à cri, j’ai ressenti quelque soulagement. L’historien Jean-Pierre Azéma vous l’eût probablement dit en son langage : «Faurisson buvait du petit lait. Avec Garaudy, ça a été du gâteau et, avec l’abbé Pierre, pain bénit».

Mais j’éprouve aussi de l’amertume parce que, pendant vingt-deux ans, ces gens-là et leurs amis m’ont, soit insulté, soit laissé me battre seul ou à peu près seul. Là encore, on pasticherait volontiers le style de J.-P. Azéma : « Faurisson avait fait, à lui seul, presque tout le boulot. Il en avait pris plein la gueule et pour pas un rond. Aujourd’hui, ils viennent lui faire les poches tout en l’insultant. » Pour ma part, j’ajouterais que ces ouvriers de la onzième heure que sont Garaudy et l’abbé Pierre se livrent, en plus, à des surenchères d’antinazisme. Quelle témérité de leur part ! On en frémit pour eux.

À la fin de ses émissions télévisées, Bernard Pivot demande aux auteurs qu’il a invités quels sont leur mot préféré, leurs goûts en toutes sortes de matières et puis, pour finir, il sollicite leur imagination : « Si Dieu existait, qu’aimeriez-vous lui entendre vous dire ? »

B. Pivot, dont le comportement passé et présent montre qu’il tremble devant la LICRA, ne m’invitera jamais. Mais, pour le coup, imaginons qu’il m’invite. Voici ce que je lui répondrais :

Vos questions sur mes goûts sont indiscrètes. Je n’étalerai pas sur la place publique ce qui est du domaine de l’intimité. Mais l’athée que je suis va répondre à votre ultime question ma réponse est la suivante : « J’aimerais que Dieu me dise : “Ici, là-haut, ce n’est pas comme en bas et ce n’est surtout pas comme chez Bernard Pivot ; ici règne la liberté d’expression. »

Et c’est alors, dans cette réponse, que je trouverais confirmation de ce qu’à la fois Dieu, notre survie et le royaume de la liberté d’expression ne sont que des rêves.

On s’enquiert souvent de mes opinions politiques. C’est vain et, malheureusement, bien français. En France, tout pustule de politique. En quoi mes opinions politiques donneraient-elles un début de consistance soit au dogme de l’existence des chambres à gaz, soit à la thèse de l’inexistence de ces chambres ? Que je sois de droite ou de gauche, philosémite ou antisémite, en quoi cela ferait-il naître une chambre à gaz nazie à Auschwitz où il n’y en eut jamais ?

Parlons de mon entourage avec toute la discrétion requise.

Avant de connaître les plaisirs que je goûte aujourd’hui et qui, comme on le voit, se teintent d’amertume, je crois pouvoir dire que j’ai traversé l’enfer. J’ai d’abord connu une solitude totale, puis quelques amis sont venus. En général, par la suite ils me sont restés fidèles mais, quitte à surprendre ceux qui n’ont pas l’expérience des plus durs combats, je dois confesser qu’il m’a fallu me défendre aussi contre ces amis-là ou, du moins, contre la plupart d’entre eux. Ils m’accablaient de leurs conseils et de leur sagesse. À vrai dire, j’ai, pendant de longues années, vécu au milieu d’amis qui s’estimaient plus futés que moi. Ils brillaient, eux, par le sens de la stratégie, de la tactique, de la diplomatie et de la psychologie. Ils ne se faisaient pas faute de m’expliquer les vertus de la modération, de la prudence dans le maniement des esprits ; ils savaient comment s’y prendre pour convaincre ; ils m’enseignaient qu’un langage direct présente trop d’inconvénients et qu’au lieu d’affirmer platement que le roi est nu, mieux vaut faire naître chez les gens, par des voies subtiles et détournées, le soupçon que peut-être le roi n’est pas revêtu des habits magiques que les escrocs prétendent lui avoir fait endosser. Pour moi, j’avais le tort de me croire sur un ring où je ne savais pratiquer que quatre ou cinq mouvements, toujours les mêmes : le direct du droit, le direct du gauche, le crochet du gauche suivi du crochet du droit et puis, en fin de course, cet uppercut qui fait mal. Pour quelques coups donnés, adroitement me semble-t-il, je recevais une avalanche de coups, de préférence au-dessous de la ceinture, avec le plein assentiment des juges-arbitres. Sonné, groggy, plus d’une fois je me retrouvais à terre, presque pour le compte. À chaque fois je me relevais. Je titubais. On me déclarait vaincu. Partout on claironnait que c’en était fini et qu’on ne me reverrait plus sur un ring. Mes amis me prodiguaient alors des conseils pour l’avenir. En fait de conseils, ils préconisaient la plus savante des esquives, celle qui consiste à éviter toute nouvelle rencontre. Pas de « folie Faurisson » surtout ! Et Faurisson, irrémédiablement buté, envoyait au diable ces amis-là. L’ingrat ! À sa brutalité native il joignait l’ingratitude.

Pour moi, je reproche à ces amis de ne s’être pas affichés révisionnistes et de n’avoir pas clamé sur les toits que chambres à gaz et génocide ne sont qu’un mensonge, une calomnie, une diffamation. En France, je me suis retrouvé seul à le dire et à le répéter publiquement. Nos adversaires avaient beau jeu de dénoncer un homme seul. Si quelques révisionnistes avaient affiché leur conviction au lieu de jouer aux fins stratèges, dès février 1979, après la pitoyable déclaration des trente-quatre historiens parue dans Le Monde du 21 février 1979, déclaration dont le contenu prouvait l’inexistence des chambres à gaz, je suis persuadé que le révisionnisme serait sorti de l’obscurité au début des années quatre-vingt.

Nous verrons bien comment se terminera cette interminable affaire.

Je mets en garde les responsables des organisations juives et je préviens mes amis : je ne changerai pas. Qu’ils gardent pour eux, les uns, leurs procédés d’intimidation et les autres, leurs conseils.

Le révisionnisme historique est une aventure intellectuelle que je vivrai jusqu’au bout et dans le style, bon ou mauvais, que j’ai choisi pour toujours.

27 avril 1996

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[1] Communiqué du 19 avril, 22 h 30, in Écrits révisionnistes (1974-1998), p. 1759.
[2] Le Point, 27 avril, p. 54-55.