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Mise en garde à propos de l’affaire Badinter

La maison d’édition Fayard (Claude Durand) annonce la sortie pour ce 23 janvier 2008 d’un ouvrage de 320 pages intitulé La Justice et l’Histoire face au négationnisme. Elle le fait dans les termes suivants :

Les 12 mars et 12, [sic, pour le 2] avril [2007] ont eu lieu devant la 17e Chambre du tribunal correctionnel de Paris les débats de ce qui aura probablement été le tout dernier grand procès du négationnisme. – À l’origine, une plainte de Robert Faurisson contre Robert Badinter et la chaîne Arte. Motif : sur cette chaîne, Robert Badinter a déclaré : « Le dernier procès que j’aurai plaidé dans ma vie avant de devenir ministre, c’est le procès contre Faurisson. J’ai fait condamner Faurisson pour être un faussaire de l’Histoire. » Ce sont ces derniers mots qui sont invoqués par Faurisson pour intenter sa plainte en diffamation. – Le jugement, rendu le 21 mai, a débouté Faurisson de sa plainte. Il n’a pas fait appel. – Ce dossier restera dans l’histoire de la justice et pour l’Histoire tout court le verdict de condamnation définitive du négationnisme en France.

 

Cette présentation est fallacieuse. Elle donne à entendre que R. Badinter m’aurait effectivement fait condamner [en 1981] pour être un faussaire de l’histoire, ce qui n’a nullement été le cas ; en outre, elle insinue que le même R. Badinter ne m’aurait pas diffamé lorsque, le 11 novembre 2006, il a osé affirmer, mensongèrement, qu’il m’avait fait condamner en qualité de faussaire.

En réalité, dans le jugement qu’il a rendu le 21 mai 2007, le tribunal a jugé que R. Badinter m’avait bel et bien diffamé mais… de bonne foi. J’ai été condamné à verser 5.000 euros au titre des frais d’avocat. Je me suis exécuté et je n’ai pas interjeté appel. R. Badinter, défendeur, avait voulu apporter la preuve de son assertion ; or, a prononcé le tribunal, il convient de « constater que le défendeur a échoué en son offre de preuve » (p. 13 du jugement).

Je n’ai jamais été condamné par une juridiction, française ou étrangère, pour une falsification quelconque. Aucun des huit témoins venus me charger n’a été en mesure de démontrer l’existence dans mes écrits d’une seule falsification. Interrogés par mon conseil, Éric Delcroix, ils se sont tous révélés incapables de citer une décision de justice autorisant R. Badinter à dire ce qu’il avait dit. À telle enseigne que, lorsque l’un de ces témoins, Nadine Fresco, s’est vu demander si elle connaissait une décision de justice me condamnant pour être un faussaire de l’histoire, Bernard Jouanneau, avocat de R. Badinter, entendant la malheureuse bredouiller : « Je ne sais pas », s’est précipité à son secours et a lancé : « Je vous dis qu’il n’y en a pas et pourtant nous avons tous, au terme de votre déposition, la conviction que Robert Faurisson est bien un faussaire de l’histoire » (Transcription due à la sténotypiste de R. Badinter, fascicule 2, p. 34 ; souligné par moi). Par la suite, le même B. Jouanneau a plusieurs fois reconnu qu’aucun jugement, aucun arrêt ne m’avait condamné en tant que tel.

Pour commencer, R. Badinter lui-même, lors de sa déposition, a plaidé la bonne foi. Il a fait valoir piteusement qu’il n’était « même pas sûr d’avoir lu le jugement » en 1981 quand il avait été soudainement nommé ministre de la Justice. Il a expliqué que, le 11 novembre 2006, s’exprimant à la télévision, il avait « improvisé » sur le compte de Faurisson; il a précisé : « À question imprévue réponse improvisée » (en réalité, on ne lui avait pas posé de question sur Faurisson et il s’était, de lui-même, aventuré sur un terrain où il croyait pouvoir se vanter d’un exploit). Il a admis que, vu les circonstances, il n’avait bien sûr pas vérifié ses sources ; il a ajouté que, s’il avait à parler de Faurisson dans d’éventuels mémoires, il en irait tout autrement : «J’aurais […] obligation de vérifier mes sources». Il a ajouté mot pour mot : « Vous êtes sur un plateau de télévision, une question vous est posée, vous répondez en fonction de vos souvenirs et vous dites “faussaire de l’histoire”. Ceci correspond très exactement à la réalité pour moi que j’en avais conservée » (ibid., fascicule 1, p. 18-19).

Je tiens à la disposition de tout journaliste qui souhaiterait en prendre connaissance les documents suivants :

– La transcription due à la sténotypiste de R. Badinter ;
– Le texte du jugement rendu le 21 mai 2007 ;
– Cinq articles que j’ai consacrés, en 2007, à cette affaire : « Robert Badinter en a menti : ni lui ni personne d’autre ne m’a “fait condamner en justice pour être un faussaire de l’histoire” ! » (16 février, 6 p.) ; « Les témoins de Robert Badinter » (12 mars, 12 p.) ; « Dernière audience du procès contre Robert Badinter » (2 avril, 4 p.) ; « Avertissement à Robert Badinter et à ses amis et conseils pour le cas où ils persisteraient à me diffamer » (10 et 17 octobre, 3 p.); « Robert Badinter, mon diffamateur… » (29 octobre, 8 p.).

Ce dernier texte a été envoyé par mes soins, les 31 octobre et 2 novembre 2007, à Robert Badinter, Bernard Jouanneau, Claude Durand, Christian Charrière-Bournazel, à l’Agence France-Presse et à l’Associated Press ainsi qu’aux publications suivantes : Le Monde (et, en particulier, à Henri Tincq, Pascale Robert-Diard, Robert Solé), Le Monde des lettres, Libération, Le Figaro, La Montagne (Clermont-Ferrand), La Montagne (Vichy), Ouest-France, Le Nouvel Observateur, L’Express, Le Point sans compter quelques autres personnes et publications.

Je mets en garde contre la tentation d’escamoter le fait que, pour le tribunal, R. Badinter a été incapable de prouver son assertion et m’a bel et bien diffamé, fût-ce «de bonne foi». L’auteur ou les auteurs du livre en ont été prévenus : telle une allumette, « la bonne foi ne peut servir qu’une fois ».

18 janvier 2008