Lettre au journal Le Monde

Des chambres à gaz auraient-elles cependant fonctionné « en quelques points de Pologne et notamment à Auschwitz-Birkenau »? Mme Delbo affirme en avoir vu une. Mais qu’a-t-elle vu au juste ? Elle ne nous le dit pas. Elle mêle les fours crématoires (où l’on brûlait les cadavres) avec les chambres a gaz (ou, à ce qu’on prétend, on tuait jusqu’à dix mille personnes par jour). Höss, dit-elle, avoue qu’il collait son œil au hublot de la chambre à gaz. Pour ma part, je lis dans l’ouvrage qu’elle cite que Höss regardait l’intérieur de la chambre à gaz « à travers le trou de la serrure de la porte ».[1] Cette absurdité, jointe à cent autres de même acabit, fait de la «confession» de Höss un document auquel on peut accorder autant de valeur qu’aux aveux des procès de Moscou, de Prague ou, comme c’est le cas ici, de Varsovie. D’ailleurs, le manuscrit de Höss n’est, en fait, pas consultable et les versions qui en circulent sont gravement contradictoires.

Il est troublant que des détenus qui ont passé plus de trois ans à Auschwitz-Birkenau affirment n’y avoir jamais vu de chambre à gaz ; tel est le cas de Benedikt Kautsky, déporté juif et leader du Parti social-démocrate autrichien. Rien ne permet de dire que les « actions spéciales » crûment relatées dans le journal saisi sur le chirurgien d’Auschwitz Johann-Paul Kremer soient des gazages.[2] Enfin, une question : la Croix-Rouge internationale a-t-elle, sur le sujet, procédé, en septembre 1944, à une enquête minutieuse auprès de prisonniers de toutes les catégories et a-t-elle conclu à l’inexistence, passée et présente, de ces chambres à gaz que la radio anglaise situait à Auschwitz-Birkenau ?

Les déportés sont morts de faim, de froid, de maladies, d’épidémies, de mauvais traitements. Ils ont parfois été exécutés par armes à feu ou par pendaison. Ils ont parfois été victimes des bombardements alliés. Ils ont été décimés par d’incessants transferts. À toutes ces horreurs faut-il ajouter celle, bien plus abominable et parfaitement démoniaque, des chambres à gaz ? Je l’ai cru. Je ne le crois plus guère. Mais le doute n’interdit pas la recherche. Au contraire.

1er août 1974

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[1] R. Höss, Le Commandant d’Auschwitz parle…, Julliard, Paris 1959, p. 288. 
[2] Hefte von Auschwitz n° 13, Musée d’Etat d’Auschwitz, 1971.

[Publié dans Vérité historique ou vérité politique ?, La Vieille Taupe, Paris 1980, p. 63. Le Monde avait publié, sous la plume de Mme Charlotte Delbo, un article qui reprenait la lettre circulaire publiée par Le Canard enchaîné, passant outre au refus du professeur Faurisson de la voir publier dans ces conditions (11-12 août 1974). Le Monde n’a pas publié la lettre ci-dessus.– NdÉ]