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Les tricheries de L’Album d’Auschwitz

L’Album d’Auschwitz, présenté et commenté par Serge Klarsfeld, Anne Freyer et Jean-Claude Pressac, vient d’être édité aux éditions du Seuil.

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Ainsi qu’il le reconnaît lui-même, c’est sous la pression exercée par les auteurs révisionnistes que M. Serge Klarsfeld s’est décidé à produire des documents qui jusqu’à maintenant nous étaient, pour la plupart, encore cachés.

L’Album d’Auschwitz rassemble notamment cent quatre-vingt-huit photos prises par un Allemand en 1944 au camp d’Auschwitz-Birkenau. Toutes ces photos auraient dû être publiées dès leur découverte, en 1945. Mais, par leur caractère d’authenticité, elles contredisaient gravement le mythe naissant d’Auschwitz. Enfin publiées, ces photos sont malheureusement accompagnées de commentaires destinés à faire croire au lecteur que ce qu’il voit, ce ne sont pas les simples réalités d’Auschwitz mais des scènes toutes plus atroces les unes que les autres. Le pathos incantatoire des commentaires atteint de telles proportions que le rapprochement entre ce que nous montrent ces photos et ce qu’on nous adjure d’y voir provoque l’ébahissement. En fin de compte, le résultat obtenu est à l’opposé de celui auquel aspiraient les commentateurs.

Ainsi S. Klarsfeld, A. Freyer et J.-C. Pressac desservent-ils dans cet ouvrage la cause des victimes de la déportation.

Ils la desservent également par nombre de tricheries, dont voici un exemple :

– Pour essayer de nous faire croire que la route prise par les déportés finissait aux crématoires II et III (avec leurs prétendues chambres à gaz homicides), ces trois auteurs ont tronqué le plan du camp d’Auschwitz-Birkenau. En réalité, la route se poursuivait vers le grand centre de douches et de désinfection : le « Zentral Sauna ». Ainsi qu’on le verra ci-après, nous avons marqué de flèches les deux coupures pratiquées abusivement et nous présentons le véritable plan du camp, tel qu’il apparaît dans tous les ouvrages de référence.[1]

Une étude de cet album (édition américaine de 1981 et édition française de 1983) sera publiée par La Vieille Taupe, ainsi qu’un examen de l’ouvrage suivant qui, lui aussi, montre le désarroi des tenants de la thèse exterminationniste :

– Eugen Kogon, Hermann Langbein, Adalbert Rückerl et tous autres, NS-Massentötungen durch Giftgas (Gazages en masse sous le régime national-socialiste).

Très curieusement, un historien français semble vouloir réactualiser une œuvre de base de toutes les bibliographies exterminationnistes, qui a été publiée en 1947 sous le titre De l’université aux camps de concentration. Témoignages strasbourgeoisOn imagine mal qu’en 1983 on puisse encore accorder crédit aux extravagances de cet ouvrage publié au lendemain de la guerre.

Les révélations de L’Album d’Auschwitz (édition française)

 L’Album d’Auschwitz avait paru en 1980 sous la présentation suivante :

The Auschwitz Album, A Book Based Upon an Album Discovered by a Concentration Camp Survivor, Lili Meier, text by Peter Hellman, Random House, New York, VII-167 p. (188 photos).

A la fin de 1983 a paru une adaptation française de cet ouvrage :

L’Album d’Auschwitz, D’après un album découvert par Lili Meier, survivante du camp de concentration, texte de Peter Hellman, traduit de l’américain par Guy Casaril. Edition française établie et complétée par Anne Freyer et Jean-Claude Pressac, Editions du Seuil, Paris, 224 p.

Cette adaptation comporte un « Avertissement pour l’édition française » (p. 39-40) signé de Serge Klarsfeld, un « Plan d’Auschwitz » (p. 41-43), les cent quatre-vingt-huit photos de l’édition américaine, comptées, par erreur, cent quatre-vingt-neuf, et classées, non dans l’ordre du document originel mais, sans que le lecteur en soit prévenu, dans un ordre personnel à Jean-Claude Pressac et au prix de manipulations ; l’ensemble se termine par une annexe sur les crématoires de Birkenau (p. 207-221).

Les cent quatre-vingt-huit photos de Birkenau, principal camp annexe d’Auschwitz, ont été prises par un photographe de l’armée allemande en 1944. Elles ont été découvertes en 1945. Elles auraient dû être aussitôt publiées en raison de leur exceptionnelle valeur documentaire. Ce ne sont pas des photos de propagande. Si elles avaient été publiées au moment de leur découverte, elles auraient tué dans l’œuf le mythe d’Auschwitz et de ses prétendues chambres à gaz homicides. L’original était détenu par une certaine Lili Jacob, originaire de Ruthénie subcarpatique, émigrée aux Etats-Unis, établie à Miami sous le nom de Lili Meier. Le musée juif de Prague détenait des copies de ces photos depuis 1946. De 1946 à 1979, certaines de ces photos – moins de la moitié – ont été publiées ici ou là. Dès 1964, il était devenu évident que Lili Meier possédait un lot de photographies documentaires sur Auschwitz. Ces photos, ou du moins certaines d’entre elles, avaient été apportées par Lili Meier elle-même au procès de Francfort pour prouver que tel ou tel accusé SS se trouvait bien sur la rampe de Birkenau à l’arrivée de convois de déportés. Il devenait dès lors impossible de ne pas publier le fameux album.[2] Cependant, l’affaire était si délicate qu’on ne s’y résolvait pas. En 1980, Serge Klarsfeld s’inquiète. Les assauts des historiens révisionnistes se multiplient. Le premier d’entre eux, l’Américain Arthur Robert Butz, avait écrit qu’il existait des documents sur Auschwitz qu’on ne voulait pas révéler au grand public. Butz avait particulièrement en vue des photos de reconnaissance aérienne détenues par la CIA. C’était en 1976. Trois ans plus tard la CIA se décidait à publier ces photos. J’en parlerai plus loin. S. Klarsfeld, de son côté, allait trouver Lili Meier à Miami et il obtenait d’elle qu’elle fît don de l’album à l’Etat d’Israël. L’album se trouve aujourd’hui au « Yad Vashem » de Jérusalem (Institut et Monument de l’Holocauste).

1. Les trois éditions de l’album

S. Klarsfeld commençait, nous dit-il, par éditer en 1980 une « reproduction scrupuleuse de l’album ».[3] Cette édition à tirage limité était, selon ses propres termes, « destinée aux principales bibliothèques universitaires et publiques du monde entier. »

En 1981 paraissait l’édition américaine à l’intention du grand public. Un problème épineux surgissait : celui de la présentation et du commentaire de photos qui allaient provoquer un choc, tant celles-ci venaient en contradiction avec les fantastiques légendes créées autour d’Auschwitz et de Birkenau. Il convenait également d’expliquer pourquoi on avait attendu trente-cinq ans pour révéler aux chercheurs et au public ces cent quatre-vingt-huit photos. La solution fut typique des médias américains. On créa un énorme tapage publicitaire autour de la personne de Lili Meier. Lili avait découvert l’album en 1945 dans des circonstances où elle avait vu un signe de la Providence. La rencontre de Serge Klarsfeld et de Lili ne semblait avoir été possible, elle aussi, que par un dessein de la Providence. L’« introduction » écrite par Peter Hellman et son «épilogue» appartiennent à ce type d’histoire pieuse et édifiante qu’on rencontre toujours en pareil cas. J’y renvoie le lecteur. Quant aux photos elles-mêmes, elles étaient accompagnées d’un tel flot de généralités pathétiques, de digressions bouleversantes, de développements emphatiques, que le lecteur, l’œil embué et la tête pleine de récits d’atrocités, ne pouvait plus, selon toute probabilité, simplement voir ce que les photos lui donnaient à voir. Tout le monde sait qu’il y a parfois une grande distance entre une photo et sa légende. Ici, la distance est sidérale.

L’affaire aurait dû réussir et pourtant elle échoua. The Auschwitz Album, au bout de quelque temps, ne fit plus parler de lui.

Les Français se mirent à la besogne. S. Klarsfeld publiait deux ans plus tard l’édition française. Cette fois-ci, les Américains étaient dépassés dans leur propre domaine. On retouchait leur texte, sans le dire au lecteur. On bouleversait l’ordre original des photos pour que celles-ci s’adaptent mieux au récit mythique selon lequel les victimes s’éloignaient progressivement du quai d’arrivée à Birkenau pour aller s’engouffrer dans les chambres à gaz, tout au bout du camp de la mort. En même temps, on cherchait à battre les révisionnistes sur leur propre terrain et on allait, à son tour, se montrer soucieux d’exactitude topographique et de minutie matérielle. En réalité, ainsi qu’on le verra plus loin, on falsifiait le plan de Birkenau de la façon la plus tangible et on accumulait subterfuges et supercheries, le tout en un français à peine compréhensible et dans la confusion mentale. S. Klarsfeld n’est pas ici en cause mais seulement le collaborateur qu’il s’est choisi : un certain Jean-Claude Pressac, pharmacien de son état, ancien collaborateur de G. Wellers, dont G. Wellers lui-même avait fini par se débarrasser.

2. La légende de Birkenau

Auschwitz était une sorte de plaque tournante de la déportation. Il y avait d’abord le camp principal d’Auschwitz, appelé aussi Auschwitz-I. Il y avait ensuite l’annexe de Birkenau, appelée aussi Auschwitz-II. Auschwitz-III était constitué par environ quarante sous-camps. Les déportés parvenus à Birkenau étaient répartis dans tous ces camps. Beaucoup de déportés aussi ne faisaient que passer par Birkenau ; après quelques jours, ils étaient envoyés dans des camps d’Allemagne occidentale. Le camp lui-même de Birkenau était en grande partie occupé par des gens inaptes au travail pour différentes raisons (âge, santé, etc.). En 1942, la mortalité y fut effrayante à cause d’une longue épidémie de typhus. A partir de mars-juin 1943 allaient entrer en fonction à Birkenau quatre crématoires. Il y avait, d’autre part, à Birkenau un « secteur hôpital » pour les détenus. Les vêtements étaient désinfectés dans des chambres à gaz dont certaines fonctionnaient au Zyklon B (insecticide très puissant, d’usage en Allemagne et à l’étranger à des fins civiles ou militaires).

La légende de Birkenau a fait un amalgame de tous ces éléments : morts en grand nombre, gaz et chambres à gaz, hôpital et crématoires. Birkenau passe pour avoir été le haut lieu de l’extermination des juifs en chambres à gaz. Comme pour toutes les légendes de cette sorte, il y a eu des tâtonnements. Au moment même de la libération du camp par les Soviétiques (27 janvier 1945), la Pravda avait parlé d’Auschwitz et de Birkenau comme d’un camp d’extermination principalement par… l’électricité ! Dans la Pravda du 2 février 1945 (p. 4) paraissait un télégramme du correspondant de guerre Boris Polevoï où l’on pouvait lire ces mots sous le titre: « Le combinat de la mort à Auschwitz » :

[Les Allemands] ont fait sauter et ont annihilé les traces de la chaîne électrique où des centaines de personnes étaient simultanément tuées par un courant électrique ; les cadavres tombaient sur une bande lentement mue par une chaîne et avançaient ainsi vers un four vertical [haut fourneau ?] ; ils étaient réduits en cendres ; les os étaient laminés et, une fois pulvérisés, on les utilisait pour l’amendement des champs. Les appareils mobiles spéciaux pour la mise à mort des enfants sont emmenés derrière le front. Les chambres à gaz fixes situées dans la partie orientale du camp étaient reconstruites ; [les Allemands leur ont] ajouté des tourelles et des ornements architecturaux pour qu’elles aient l’air de garages inoffensifs.

La commission d’enquête soviétique abandonna aussi bien la thèse de la « chaîne électrique » que celle des « chambres à gaz à tourelles ». Pour soutenir qu’il y avait eu des gazages homicides, il lui fallut bien désigner un lieu ; elle jeta son dévolu sur une resserre à boîtes de Zyklon B située à l’ouest du camp. Une allusion est faite à cette « erreur » à la page 146 de L’Album. Plus tard, la commission changea d’avis et décida que les chambres à gaz se trouvaient dans les bâtiments des crématoires. Tout le monde s’accorda sur cette thèse et, depuis 1945, nous ne faisons qu’entériner une invention tardive de la propagande soviétique.

La légende de Birkenau veut que les gazages homicides aient atteint leur point culminant avec l’arrivée des juifs hongrois au milieu de l’année 1944. D’après cette légende, ces juifs parvenaient à Birkenau dans un état de délabrement total. Les wagons à bestiaux (les Allemands utilisaient ce type de wagons pour le transport de leurs troupes, de leurs réfugiés et même de leurs grands blessés) étaient pleins à craquer. Partout, dit-on, il y avait des cadavres. Les Allemands, dit-on, ouvraient les portes avec brutalité et en hurlant. Leurs chiens aboyaient et se jetaient sur les juifs. On matraquait les nouveaux arrivants pour les extirper de leurs wagons ou on les abattait à coups de feu. Sur la rampe de Birkenau régnaient, dit-on, cohue et terreur sans nom. Les arrivants étaient sauvagement séparés en deux groupes : d’un côté, les hommes, les femmes et les adolescents aptes à travailler, et, de l’autre côté, les vieillards, les enfants ainsi que les hommes et les femmes jugés inaptes à travailler ; ceux-là étaient expédiés vers les chambres à gaz homicides. Birkenau offrait une image de l’enfer, un enfer pire que celui de Dante. Les gigantesques cheminées des crématoires, nuit et jour, crachaient feu et flammes ainsi que de longues et épaisses fumées noires, visibles des kilomètres à la ronde. L’air était empesté par l’odeur des charniers ou par celle des cadavres qu’on brûlait soit dans les fours crématoires, soit sur des bûchers de plein air.

3. Publiées en 1979, les photos aériennes de 1943-1945 infligent un premier démenti à la légende d’Auschwitz et de Birkenau

Ainsi que je l’ai dit plus haut, la CIA (qui avait succédé à l’OSS) se décidait à publier les photos aériennes d’Auschwitz et de Birkenau que les Américains détenaient depuis la guerre. Ces photos infligeaient à la légende le plus implacable démenti.

Au cours de trente-deux missions aériennes au-dessus du complexe d’Auschwitz et en particulier au-dessus de la zone industrielle de Monowitz, les Alliés avaient eu tout loisir d’examiner toute la région. Leurs missions de reconnaissance s’intéressaient très particulièrement aux feux, aux fumées et aux vapeurs. Il s’agissait de savoir l’étendue des dégâts provoqués par un bombardement : feux d’incendies, fumées d’usines ayant repris leur activité, fumées de locomotives. Des photos aériennes, d’une remarquable netteté, avaient été prises en août et septembre 1944, qui montraient, en particulier, les quatre crématoires de Birkenau comme des crématoires ordinaires. Nulle trace de fumée, ce qui ne veut pas forcément dire que ces crématoires ne fonctionnaient pas du tout à ce moment-là. Nulle trace de foules humaines faisant la queue pour pénétrer dans les prétendues chambres à gaz de ces crématoires. Aux alentours des bâtiments, le terrain était très visible et, notamment, un jardin bien dessiné : nulle trace là encore de terrains qui auraient été bouleversés par le piétinement quotidien de milliers de gens en attente de la mort. Nulle trace de bûchers en plein air.

4. Les photos de L’Album confirment ce démenti

Je prendrai ici pour référence l’édition américaine de L’Album parce que son classement des photos semble reproduire le classement de l’album original.

À cet ensemble de cent quatre-vingt-huit photos (sans compter celles qui ont été perdues et peut-être celles qu’on n’a pas voulu nous montrer), le photographe allemand a donné pour titre : « Umsiedlung der Juden aus Ungarn » (Transplantation des juifs de Hongrie). Le titre peut surprendre, mais les Allemands utilisaient le mot de « transplantation » parce que, dans leur esprit, ainsi que l’attestent des textes officiels, l’internement des juifs dans des camps de concentration ou dans des camps de transfert était une solution provisoire : après la guerre, les juifs seraient refoulés à l’Est dans une zone à coloniser (le premier projet étudié avait été celui d’une colonie juive à Madagascar). Les cent quatre-vingt-huit photos concernent donc des juifs, venus de Hongrie par force et arrivant à Birkenau. On les voit en train de descendre des wagons ou déjà descendus sur la rampe. Dans l’ensemble, ils paraissent fatigués ou moroses ou anxieux ; certains n’ont pas cet air-là et ils se parlent, sourient ou se hèlent de loin. Dans le flot on aperçoit des soldats et des officiers allemands ainsi que des internés à tenue rayée. Les Allemands portent bonnet de police ou casquette ; on n’aperçoit qu’un seul casque. Les « tenue rayée » sont de corpulence normale. Les attitudes et les gestes des Allemands n’ont rien de brutal, de méprisant ou d’hostile ; certains de leurs gestes sont même attentionnés. Il n’y a ni chiens de garde, ni armes braquées. Les bagages sont embarqués dans des camions. Il n’y a aucun signe de précipitation et même tout semble se faire avec une certaine lenteur. Puis, les gens sont rangés en deux groupes mais non pas selon leur aptitude ou non au travail. D’un côté se trouvent les femmes, quel que soit leur âge, avec les enfants et, de l’autre côté, les hommes, quel que soit leur âge, avec des garçons d’âge adolescent. Le tri entre les aptes et les inaptes au travail semble donc se faire ensuite à partir de chacun de ces groupes, mais on voit souvent dans un groupe d’aptes au travail des gens qui, par exemple en raison de leur âge, devraient figurer parmi les inaptes, et vice versa. Les colonnes s’ébranlent en différentes directions du camp. Elles ne sont pas encadrées de soldats. Il semble qu’elles suivent par groupes disséminés une direction qu’on leur a indiquée. Par exemple, on a pu dire à ces groupes de femmes et d’enfants de prendre la route qui, longeant une voie de chemin de fer, va jusqu’au terme de cette voie. Ces groupes se dirigent vers la zone des crématoires II et III, mais la route continue ensuite vers le grand « Zentral Sauna », l’établissement des bains-douches. Des groupes d’hommes sont photographiés à la sortie de la douche ; on les voit d’abord en sous-vêtements, puis dans la tenue rayée. Il n’y a aucun accoutrement anormal ou grotesque. Il est manifeste que ces hommes ont eu le temps d’endosser des tenues à leur taille (sauf pour les plus gros). On voit également des groupes de femmes qui, après être passées à la douche, sont en robes uniformes, portent des foulards sur la tête et, sur leur bras, des manteaux. Là encore aucune tenue anormale, quelle que soit la taille de chacune de ces femmes. Ces femmes sont chaussées de différents types de chaussures. Certains groupes ne sont pas coiffés de foulards ; on s’aperçoit alors que ces femmes avaient les cheveux rasés ou coupés très court. Derrière les poteaux et les fils qui séparent le camp des hommes de celui des femmes, on aperçoit des hommes, assis ou debout près de leurs baraquements, et du linge qui sèche : ils regardent un groupe de femmes. On n’aperçoit pour ainsi dire pas d’uniformes allemands dans toutes ces photos prises ailleurs que sur le quai de débarquement et ses alentours. Plusieurs photos montrent des groupes de vieillards, de femmes et d’enfants couchés ou assis sur l’herbe. Tout un ensemble de photos concernent les dépôts des objets et bagages du « camp des effets » (Effektenlager). Ici se trouvent parfois des hommes et des femmes qui s’affairent au rangement au coude à coude. Sur certaines photos on aperçoit les bâtiments des crématoires ; contrairement à ce que dit la légende, ils ne sont nullement dissimulés aux regards ; ce sont des bâtiments comme d’autres. Sur aucune photo de l’album, ni sur aucune photo des annexes de l’édition française spécialement consacrées aux crématoires on ne voit de cheminée de crématoire en train de rejeter de la fumée.

Le photographe allemand, d’une écriture manuscrite, en caractères semi-gothiques, a donné les titres suivants aux différentes parties de cet album :

Arrivée d’un transport ferroviaire – Tri (Aussortierung) – Hommes à l’arrivée – Femmes à l’arrivée – Après le tri, hommes aptes au travail – Femmes aptes au travail – Hommes inaptes au travail – Femmes et enfants inaptes au travail – Après l’épouillage – Affectation au camp de travail – Effets.

La dernière série de photos ne semble pas avoir de titre ; celles-ci nous montrent des vieillards, des femmes et des enfants dans un paysage d’herbe et d’arbres vraisemblablement situé dans la partie ouest du camp.

Si le photographe n’a pas cherché à dissimuler les crématoires, c’est qu’il n’avait aucune raison pour le faire. Supposons, toutefois, un instant que ceux-ci aient eu la fonction criminelle que leur attribue la légende. Alors, de deux choses l’une :

– ou bien le photographe aurait voulu nous les cacher et, en ce cas, il n’aurait dû nous montrer ces crématoires ni de près ni de loin (avec des gens à leur proximité) ;

– ou bien il n’aurait pas voulu nous les cacher et, en ce cas, il aurait photographié ces gens en train de s’engouffrer dans les crématoires.

5. Les manipulations et les supercheries de l’édition française

Le lecteur français est prévenu à la page 40 que : « Les passages entre crochets, le plan d’Auschwitz et l’Annexe constituent les additifs apportés à l’édition française ». Pour le reste, il s’imagine avoir affaire à l’édition américaine, elle-même supposée conforme à l’album original pour le principal, c’est-à-dire pour les photos, rangées en douze parties : onze parties avec onze titres en allemand (écriture semi-gothique) et une partie finale intitulée par l’éditeur américain «Birkenau» et par l’éditeur français « Le Birkenwald ».

Or, sans en souffler mot au lecteur, Jean-Claude Pressac a agi comme un pharmacien qui aurait trafiqué étiquettes, flacons et contenu respectif de chaque flacon, tout cela non sans commettre deux faux en écriture.

Sur les onze étiquettes originales en allemand, il en a conservé seulement neuf, qu’il a traduites honnêtement. Puis, il a bouleversé l’ordre original des parties (ou des flacons) : un ordre qui reflétait une progression logique des événements du camp de Birkenau pour les nouveaux arrivants. Il y a substitué un ordre donnant à entendre que, pour la plupart de ces gens, le sort qui les attendait était celui de la chambre à gaz homicide. Il a également changé le nombre des photos de chacun des groupes et il a procédé à des transferts de photos d’un groupe à un tout autre groupe.

Il a réservé un traitement tout particulier à deux groupes de photos :

– le groupe n° 7 intitulé Nicht mehr einsatzfähige Männer (Hommes inaptes), comprenant vingt et une photos (n° 80 à n° 95) ;

– le groupe n° 8 intitulé Nicht mehr einsatzfähige Frauen u. Kinder (Femmes et enfants inaptes), comprenant quatorze photos (n° 112 à 125).

Jean-Claude Pressac a froidement supprimé le groupe n° 7 et il a rétabli le compte des groupes en utilisant à deux reprises l’intitulé du groupe n° 8. Ainsi a-t-il en fin de compte présenté (après forgerie) les deux groupes suivants :

– le groupe n° 10 intitulé Nicht mehr einsatzfähige Frauen u. Kinder, ce qui signifie «Femmes et enfants inaptes» mais qu’il a eu l’aplomb de traduire par « Hommes, femmes et enfants inaptes vers les crématoires II et III » ; ce groupe contient chez lui dix-huit photos (n° 136 à n° 153) ;

– le groupe n° 11 intitulé de la même façon que le groupe précédent mais, cette fois-ci, avec la traduction « Hommes, femmes et enfants inaptes vers les crématoires IV et V » ; ce groupe contient chez lui vingt photos (n° 154 à n° 173).

Ce n’est bien sûr qu’au prix d’un montage photographique malhonnête qu’on a pu ainsi reproduire deux fois une formule que l’Allemand n’avait utilisée qu’une fois.[4]

La plus spectaculaire supercherie de Jean-Claude Pressac se situe aux pages 42 et 43 de l’ouvrage. Le plan de Birkenau a tout simplement été tronqué pour nous faire croire que les personnes (notamment les femmes et les enfants) photographiées le long de la voie de chemin de fer sur une route conduisant à l’ouest aboutissaient à un cul-de-sac avec, sur leur gauche, le crématoire II et, sur leur droite, le crématoire III. En réalité, il n’y avait pas de cul-de-sac. La route se poursuivait au-delà. Elle conduisait à l’établissement de bains-douches. Pour nous faire croire à l’existence de ce cul-de-sac, Jean-Claude Pressac n’a pas reproduit le tracé de cette route tel qu’il figure sur tous les plans de Birkenau, y compris dans les brochures-guides éditées par les Polonais. Il a coupé la route juste après les crématoires et juste avant l’établissement de bains-douches. Autrement dit, tous les gens qu’il nous montre «sur la route de ces crématoires» et voués au gazage et à la mort étaient en fait sur la route des douches.

Le plan est dépourvu d’échelle, ce qui permet à l’imagination des lecteurs, fouettée par un commentaire ad hoc, d’imaginer de formidables dimensions aux bâtiments de mort ou à leurs cheminées.

Autre supercherie : à proximité du crématoire III et même tout contre la cour de ce crématoire se trouvait un « Sportplatz » avec son terrain de football pour les internés. Afin de n’avoir pas à mentionner ce point et afin de nous dissimuler que les joueurs de football et les spectateurs avaient une vue directe sur ce crématoire dans la cour duquel ils pouvaient aller rechercher le ballon, J.-C. Pressac a laissé un blanc. Et ce blanc, il l’a rempli avec les mots « Secteur hôpital » qui désignent un groupe de bâtiments situé à droite et qui, effectivement, est l’hôpital des détenus.

Je reparlerai de supercheries à propos des témoignages invoqués.

6. Les photos ne sont pas analysées

Les photos ne sont pas analysées. Il y a parfois une ébauche d’analyse mais le plus souvent les photos ne servent que de prétextes à de pures divagations. L’observation subit d’étranges défaillances et il en découle de graves conséquences. J.-C. Pressac édifie, par exemple, toute une théorie sur la présence d’un second photographe allemand. Il croit découvrir ce photographe sur la photo n° 17 ; il le dit «reconnaissable à son appareil plaqué au niveau du ceinturon» ; en réalité, le soldat a simplement replié son bras gauche sur sa poitrine. L’erreur est répétée en note 3 de la page 12 et en note 1 de la page 30. L’analyse de la photo que J.-C. Pressac a placée à la fin du recueil comme étant la plus terrible témoigne, là encore, d’une sorte d’éclipse des facultés mentales de l’analyste. Il écrit :

Cette photo est unique, terrible et à verser au dossier de l’extermination des Juifs comme preuve à charge.[5]

La photo représente au fond un crématoire, bien visible, sans même une haie de protection ; à gauche, deux soldats en bonnet de police et peut-être un troisième soldat ; à droite, un autre soldat en bonnet de police se dirige d’un pas paisible vers l’avant d’un camion. Il y a des arbres. Aucun des soldats ne prête attention à une scène qui se déroule au premier plan et que le photographe a captée. Il y a là trois juifs à chapeaux ; deux sont âgés et le troisième est dans la force de l’âge ; au centre une très grosse femme à fichu paraît se disputer avec au moins l’un des deux juifs de gauche ; celui de droite soutient la femme et semble vouloir l’emmener de là. Voici une partie du commentaire de cette photo :

Le sentier sur lequel cette femme refuse d’avancer aboutit devant la porte d’entrée du crématoire-V, donnant sur le vestiaire et les chambres à gaz. Si les trois hommes qui l’entraînent ne semblent pas se douter du sort qui les attend, elle sait que le bâtiment dont elle se détourne, ce bâtiment en briques rouges, au toit noir, avec ses deux cheminées hautes de seize mètres, est devenu la négation de la vie et pue la mort.

Ce pathos ne saurait nous cacher ceci : il n’y a pas de sentier et on ne saurait prédire la direction que pourrait prendre tel ou tel personnage ; on ne nous dit rien de la présence et de l’indifférence ou de l’inattention des soldats allemands ; comment la femme saurait-elle qu’on va la gazer et comment les hommes ignoreraient-ils qu’on va les gazer ? Enfin et surtout, il est manifeste que la femme ne cherche pas à se détacher de l’homme de droite ou à lui résister : de sa main gauche elle enserre la main de cet homme.

Un exemple caractéristique du procédé de commentaire des photos est fourni par la photo de deux garçons tout juste descendus du train et derrière lesquels on aperçoit un petit garçon souriant et des personnes qui semblent en conversation.[6] Il s’agit de deux beaux enfants à la mine triste ou soucieuse ; l’un d’eux paraît sur le point de pleurer. Le commentateur américain écrit :

Cette photo rappelle le récit d’un témoin oculaire du matraquage et du gazage de près de deux mille jeunes garçons à l’installation de mort n° 2 en octobre 1944.

Le commentateur français, censé traduire le texte américain, écrit :

Cette photo ne manque pas de rappeler le récit d’un témoin oculaire du matraquage et de l’envoi dans la chambre à gaz du crématoire-III de plus de six cents jeunes garçons en octobre 1944 – le 20 croit-on.

Le reste du commentaire américain est fou et digne de la littérature de sex-shop de Bernard Mark, directeur de l’Institut historique juif de Varsovie. Le commentaire français traduit le commentaire américain mais en introduisant de savoureuses corrections sur l’origine du témoignage. Quand une photo se révèle gênante pour le mythe des continuelles atrocités allemandes, le commentaire essaie de faire le contrepoids par un récit hystérique. La photo n° 89 dans l’édition française (n° 35 dans l’édition américaine) montre deux troupiers allemands dont l’attitude à l’endroit de femmes et d’enfants descendus du train semble témoigner de compréhension et d’humanité. Deux autres Allemands se trouvent sur la droite dont l’attitude n’appelle pas de commentaire particulier. C’est alors que le commentateur se déchaîne. « Sur la droite, dit-il, on aperçoit tel SS qui a été jugé au procès de Francfort » (1963-1965). C’était un monstre :

On le craignait pour son habileté à prendre une vie d’un seul coup de la main sur une artère.

Le témoin Simon Gotland avait rapporté à son propos une histoire abominable se terminant par ces mots :

Puis, il lança le nouveau-né au loin d’un coup de pied, « comme un ballon de football ».

Le juge demanda au témoin Gotland s’il pouvait jurer cela en conscience. La réponse vaut la peine d’être rapportée ; elle éclaire d’un jour cru la valeur générale des témoignages de ce genre. Simon Gotland répondit :

Je peux jurer en toute bonne foi que la scène était cent fois plus horrible que ce que j’ai décrit.

Autrement dit, son témoignage n’en était pas un.

Dans L’Album d’Auschwitz, le commentateur ajoute que Simon Gotland était humain et généreux. Il se garde bien d’ajouter que, pour le tribunal allemand, pourtant si prêt à accueillir les pires insanités, Simon Gotland a été considéré comme un menteur. Sa déposition à la barre différait trop de ce qu’il avait dit auparavant dans un procès-verbal de témoignage.[7] Il y a donc ici, comme en beaucoup d’autres endroits de cet ouvrage, usage délibéré d’un faux témoignage. Pourquoi se gêner ? Il n’existe, à ma connaissance, depuis 1945, aucune poursuite pour faux témoignage de gens qui, par ailleurs, ont été qualifiés de faux témoins par un tribunal ; cela dans les procès où des Allemands de la période nazie ont été accusés. Contre un nazi, on bénéficie de la part des tribunaux du privilège de pouvoir lancer n’importe quelle accusation en toute impunité.

A la page 98, on cite le témoignage d’une Soviétique interrogée à Nuremberg. L’interrogateur – on ne le dit pas ici – était l’avocat général soviétique Smirnov. La Soviétique avait déclaré à Nuremberg que chaque jour on lui amenait à l’entrepôt où elle travaillait « des centaines, parfois des milliers » de voitures d’enfants.[8] Nos commentateurs, trouvant la ficelle un peu grosse, lui font dire : « Souvent une centaine, parfois beaucoup plus. »

7. Les trois grands – faux – témoins de J.-C. Pressac

J.-C. Pressac cite quelquefois le témoignage dit « du Dr Nyiszli ». Il y a beau temps que Paul Rassinier a démontré le faux. Les trois grands témoins de J.-C. Pressac sont d’une part Leib Langfus et Zalman Lewental et, d’autre part, Filip Müller. Le lecteur français peut se faire une idée de la valeur de ces témoignages en se reportant à l’ouvrage suivant : Ber(nard) Mark, Des Voix dans la nuit. Ce livre a été traduit et adapté du yiddish ; son titre original est : Meggillat AuschwitzL’avertissement nous dit que l’ouvrage fut écrit par Ber Mark, en yiddish, en 1965. Ce dernier était depuis 1949 directeur de l’Institut historique juif de Varsovie. Il est mort en 1966. En 1962, son compatriote et coreligionnaire Michel Borwicz, devenu citoyen français après la guerre, a laissé entendre que le professeur Ber(nard) Mark pouvait être un fabricateur de manuscrits.[9] Dans Des Voix dans la nuit, Ber(nard) Mark présente six manuscrits miraculeusement découverts à Birkenau. Ils sont attribués par lui à un Zalman Gradowski, à un « Auteur inconnu » (devenu, on ne sait trop comment, Leib Langfus) et à un Zalman Lewental. Le mot de « miracle » s’impose. Par exemple, pour trouver le manuscrit de Lewental, on n’a pas eu à remuer beaucoup de terre. On a creusé le sol et juste à l’endroit creusé on a découvert une boîte métallique qui contenait le manuscrit. C’est ce que l’on peut déduire de la photo publiée par les Polonais en 1972 dans le « cahier spécial » consacré à ces découvertes ; voyez à la page 135 la photo du haut : un petit trou et, au fond de ce petit trou, la boîte miraculeuse.[10]

Premier grand témoin de J.-C. Pressac : l’Auteur inconnu, devenu Leib Langfus

De cet auteur inconnu on nous présente moins de vingt pages qu’on a intitulées, d’après leur contenu, de la façon suivante : 1) Dans l’horreur des atrocités – Journal I ; 2) Sadisme ; 3) Journal II ; 4) Les six cents garçons (il faudrait ajouter : «nus»); 5) Les 3 000 (femmes) nues. À la page 247, voici le récit d’une action qui se déroule dans une chambre à gaz. Le témoin ne nous dit pas où il se trouvait pour observer une telle scène édifiante qui se termine aux accents de l’Internationale. Une jeune Polonaise nue adresse aux victimes nues une harangue qui se termine par: « À bas la barbarie, incarnée par l’Allemagne hitlérienne ! Vive la Pologne ! »

Puis, elle s’adresse aux membres du Sonderkommando, non pour les invectiver mais pour leur demander de raconter plus tard que les victimes sont allées au-devant de la mort « avec une grande fierté et en parfaite conscience ». Puis, dans la chambre à gaz, les Polonais vont s’agenouiller sur le sol « dans une pose impressionnante » (sic) et ils vont réciter solennellement une prière. Ensuite, ils se lèveront et chanteront en chœur l’hymne polonais. Les juifs entonnent la Hatikva en même temps que les Polonais chantent l’hymne polonais. Le lecteur pourrait croire que la différence à la fois des langues et des musiques va créer une cacophonie. Pas du tout. Au contraire. Les deux hymnes se confondent harmonieusement :

L’horrible destin commun a mêlé dans ce lieu maudit les accents lyriques de ces deux hymnes différents. Chaque peuple exprimait avec ardeur ses derniers sentiments et son espoir dans l’avenir glorieux de sa race. Puis, tous deux chantèrent l’Internationale. Entre-temps arriva la voiture de la Croix-Rouge, on lança le gaz dans le bunker. Les condamnés exhalèrent leur vie par le chant et par l’extase, dans un rêve de fraternité et de reconstruction du monde.

Cet épisode paraît moins réaliste que « réaliste-socialiste ». Il est à noter que, dans le procès que la LICRA m’avait intenté pour « falsification de l’Histoire », figurait ce passage de « l’Auteur inconnu » mais la LICRA avait sauté la phrase mentionnant l’Internationale.

À la seule page 250, on peut lire les phrases suivantes :

[La fillette déshabillant son petit frère et s’adressant à un membre du Sonderkommando] « Va-t’en, assassin juif ! Enlève de mon petit frère ta main qui a trempé dans le sang juif ! C’est moi qui suis à présent sa bonne mère. C’est dans mes bras qu’il mourra avec moi. » À côté se trouve un garçonnet de sept-huit ans, qui s’exclame : « Mais toi aussi tu es juif ! Comment peux-tu gazer des enfants ? Pour rester en vie? Est-ce que la vie parmi cette bande d’assassins t’est plus chère que la mort de tant de victimes ? » […]

[L’adjudant-chef] SS Moll avait l’habitude de disposer quatre hommes, l’un derrière l’autre, et, d’un seul coup de feu de son pistolet, de faire traverser les quatre têtes par la balle.

[L’adjudant] SS Forst se plaçait devant la porte de déshabillage et touchait le sexe de chaque jeune femme qui passait nue pour entrer dans le bunker de gazage. On connaît des SS de tous rangs qui enfonçaient leurs doigts dans les organes des belles jeunes filles.

À la page 252, on lit ceci, du même témoin, à propos de Belzec où il semble également s’être trouvé :

On creusait, par exemple, une fosse étroite et profonde, puis on saisissait chaque jour des Juifs qu’on poussait dedans a raison d’un homme par fosse. Ensuite on forçait chacun des détenus à faire ses besoins sur la tête de la victime. Celui qui refusait recevait des coups de matraque. Cela durait ainsi toute la journée, jusqu’ à ce que les immondices étouffent le malheureux.

Deuxième grand témoin de J.-C. Pressac : Zalman Lewental

Tous ces manuscrits sont censés avoir été retrouvés dans un tel état que par moments le texte n’est pas lisible ; d’où des lacunes et des blancs. Voici deux échantillons du témoignage de Lewental ; l’un est prélevé à la deuxième page de son témoignage et l’autre constitue la phrase finale de son manuscrit :

[…] violaient, les menaçant de couteaux, […] jeunes filles nues, torturées d’une manière affreuse […] leur enfonçant des bâtons dans le rectum jusqu’à ce qu’elles expirent dans des souffrances terribles, avec des douleurs indicibles. Les sadiques assassins forçaient les hommes âgés à violer leurs propres enfants […] les femmes de leur famille […].[11]

Quand vous aurez déterré ce cahier, cela vaut la peine de chercher (encore). Cela a été enfoui au hasard dans plusieurs endroits. Cherchez encore! Vous […] trouverez encore.[12]

Dans cet ouvrage de Ber(nard) Mark le faux pullule. Même les Polonais, dans leur édition, susmentionnée, de ces manuscrits miraculeux n’avaient pas osé reproduire certains passages comme, par exemple, celui concernant les défécations forcées à Belzec. La préface de leur édition est, par ailleurs, très intéressante sur les falsifications opérées par deux collaborateurs du professeur Bernard Mark dans la reproduction des manuscrits en polonais. Ces deux membres de l’Institut historique juif de Varsovie sont Adam Rutkowski et Adam Wein. Adam Rutkowski, après avoir quitté la Pologne, est venu s’établir en France : il a été recruté par le Centre de documentation juive contemporaine de Paris (responsable scientifique : Georges Wellers) et il a publié des études dans la revue Le Monde juif (même responsable).

L’ouvrage de Bernard Mark a été accueilli en France par un concert d’éloges. Les journalistes français ont trouvé que ce recueil de témoignages était d’une vérité criante. Gilles Lambert cite notamment l’épisode de la défécation forcée et il écrit à propos de ce qu’il appelle le « sadisme des nazis » :

Les condamnés sont introduits dans des fosses verticales que les déportés doivent, sous menace de mort, combler de leurs déjections naturelles jusqu’à étouffement de la victime.

La réalité se hisse au niveau de la fiction-cauchemar : on pense à certaines pages hallucinées du Sang du ciel, le livre de Piotr Rawicz qui s’est suicidé récemment.

L’article a paru dans Le Figaro.[13] Voyez, dans le même registre, un article d’Eric Roussel dans Le Monde [14] et un article de Pierre Pachet dans La Quinzaine littéraire.[15]

L’ouvrage était préfacé par Elie Wiesel qui, au même moment, publiait Paroles d’étranger (aux éditions du Seuil – les mêmes qui éditent ici L’Album d’Auschwitz). Elie Wiesel est une sorte de témoin professionnel qui, à son tour, rencontre d’étranges témoins. Parlant de Babi-Yar, il écrit :

Plus tard, j’appris par un témoin que [après une exécution massive de juifs], pendant des mois et des mois, le sol n’avait cessé de trembler ; et que, de temps en temps, des geysers de sang en avaient giclé.[16]

Le troisième, et le meilleur, des grands témoins de J.-C. Pressac : F. Müller

Filip Müller est l’auteur – par nègre allemand interposé (Helmut Freitag) – du livre le plus délirant qu’on ait écrit sur Auschwitz. Le contenu du livre et son caractère extravagant sont bien rendus par le titre qu’on a donné à l’édition française : Trois ans dans une chambre à gaz d’Auschwitz. Le lecteur qui voudrait savoir comment au procès de Francfort Filip Müller est apparu comme un faux témoin, avec quels poncifs et quels procédés de la littérature de sex-shop il a fait écrire son livre qui a obtenu à l’unanimité le prix Bernard Lecache décerné par la LICRA, aura avantage à voir ce que j’ai rapporté de sa vie et de son œuvre dans mon Mémoire en défense contre ceux qui m’accusent de falsifier l’Histoire. Les passages concernant Filip Müller figurent aux pages 256 à 261 et à la page 266 (pour l’épisode où Filip Müller, dans la chambre à gaz où il a voulu mourir, voit soudain se presser autour de lui des jeunes filles nues : « Elles étaient toutes dans la fleur de l’âge ». Celles-ci ne veulent pas qu’il meure ; il doit survivre pour porter témoignage. « Elles m’empoignèrent par les bras et par les jambes et me traînèrent littéralement jusqu’à la porte de la chambre à gaz, malgré ma résistance », etc.).

À la page 195 de L’Album, J.-C. Pressac s’inspire du témoin Filip Müller pour affirmer que l’adjudant-chef Moll

conçut une série de canaux au fond des tranchées, pour recueillir la graisse qui tombait. Ces canaux s’écoulaient ensuite vers chaque extrémité de la fosse, où la graisse recueillie était versée par-dessus les cadavres comme carburant additionnel. Ces bûchers étaient dissimulés par la profondeur des fosses, des haies de camouflage et des arbres, mais l’odeur et la fumée se remarquaient bien au-delà des limites du camp.

Ce passage est un répertoire d’inepties. Pourquoi cacher ce qui, de toute façon, par l’odeur et la fumée serait devenu un secret de polichinelle ? Comment la graisse pourrait-t-elle tomber des cadavres et rouler en ruisseaux ? Les corps n’étaient pas embrochés à la rôtissoire au-dessus et au centre d’un foyer. Ils étaient entassés dans des fosses « profondes » ; donc la graisse était le premier élément à disparaître consumée. Comment allumer un feu dans une fosse profonde et pratiquer les arrivées d’air indispensables à la combustion ? Comment s’approcher de pareilles fournaises pour aller recueillir dans les profondeurs de la fosse la prétendue graisse ? Comment les haies de camouflages qu’on nous dit par ailleurs être constituées par des branchages de trois mètres de hauteur, découpés aux alentours et repiqués là, auraient-elles pu supporter la chaleur de la fosse ?

À la page 200, les extraits du texte américain traduits par les Français pour leur propre édition ont été l’objet de coupures destinées à supprimer des invraisemblances. On pourra faire la comparaison de tout ce passage avec les trois versions du livre de Müller.[17] On notera que dans ce passage comme dans la totalité des trois livres on a multiplié les ajouts, les coupures, les transformations dans ce témoignage qui, par définition, aurait dû n’avoir qu’une seule forme. Il est à remarquer enfin que Filip Müller a, lui aussi, assisté à une fin glorieuse dans la chambre à gaz. L’hymne entonné cette fois-là était tchèque (Kde domov muj) et peu après lui faisait écho la même Hatikva.[18]

8. La plus belle cornichonnerie de l’école exterminationniste 

J.-C. Pressac risque de passer à la postérité comme l’auteur de la thèse la plus cornichonne qu’on ait jamais exprimée pour soutenir la croyance dans les chambres à gaz hitlériennes. Rappelons qu’il y a, d’un côté, ceux qui disent que ces chambres à gaz homicides ont existé ; on les appelle les exterminationnistes parce qu’ils croient qu’il y a eu une extermination systématique des juifs par cette arme spécifique qu’aurait été la chambre à gaz. De l’autre côté se trouvent les auteurs révisionnistes, qui estiment que la question des chambres à gaz et de l’extermination avait besoin d’être revue et même révisée. Ou bien ces chambres à gaz ont existé ou bien elles n’ont pas existé. Il n’y pas de moyen terme. Si elles ont existé, elles ont constitué une formidable innovation scientifique (nécessitant un ordre venu du plus haut, des crédits spéciaux, des études particulières, un budget de fonctionnement, des instructions sur le plan technique, militaire, administratif, médical, etc.) et ont impliqué un énorme effort concerté, exclusif de toute improvisation. C’est là du moins ce que penserait un homme dont le cerveau fonctionnerait normalement et non pas avec des pannes soudaines et d’étranges arrêts d’électricité mentale. Or, J.-C. Pressac a de ces pannes : c’est ce qui se constate dans sa conversation, dans ses écrits, dans ses raisonnements. Il a inventé la théorie dite du « gazouillage ». Il veut dire que les gazages homicides ont existé sans exister tout à fait. Lorsque Georges Wellers, affolé des progrès réalisés par les auteurs révisionnistes, a cherché précipitamment une parade, il a cru pendant un moment que ce biscornu personnage le tirerait d’affaire. Imprudemment, il lui a ouvert les colonnes de sa revue Le Monde juif. Et c’est ainsi que dans cette vénérable revue du CDJC paraissait un long article inepte et indigeste où J.-C. Pressac soutenait sans rire la thèse suivante :

Quand les Allemands ont conçu dans leurs plans, puis réalisé sur le terrain les quatre crématoires de Birkenau, ce n’était manifestement pas pour en faire un usage homicide ou criminel. Il n’est que de regarder les plans des bâtiments et leurs ruines actuelles pour se rendre à l’évidence : ces bâtiments ne possédaient pas de chambres à gaz homicides, ni un vestiaire pour que les victimes s’y déshabillent. Soudain, à un moment que J.-C. Pressac n’a jamais précisé, des SS fous (qui ne sont pas nommés) ont dû prendre l’initiative de transformer les lieux pour en faire ces fantastiques usines de mort dont nous parlent Leib Langfus, Zalman Lewental et Filip Müller. Mais, convient notre loufoque, il faut bien dire que tout ce qu’ont fait ces fous respire la plus complète improvisation et n’est, somme toute, que du bien mauvais bricolage. Et Jean-Claude Pressac nous livre la clé ultime du mystère : tout cela tenait à ce qu’il appelle « le niveau extrêmement bas des SS affectés au service des crématoires ». Il a soutenu cette thèse dans le n° 107 du Monde juif [19] ; je lui ai consacré une étude intitulée : « Le Mythe des chambres à gaz entre en agonie[20].» À la suite de cette prestation, Georges Wellers se débarrassa de son collaborateur, qui fut recueilli par S. Klarsfeld.

9. L’annexe sur les crématoires II, III, IV et V 

J.-C. Pressac continue dans cette annexe à illustrer sa thèse du « gazouillage ». La première photo qu’il nous présente (le porche d’entrée de Birkenau) n’a pas de référence et ne présente pas d’intérêt. Les six vues extérieures des crématoires n’en offrent pas davantage. Pressac, bien involontairement, les rend amusantes par l’application naïve avec laquelle il a dessiné des flèches directionnelles pour nous montrer où, derrière les murs, se situaient les chambres à gaz homicides. Il sait comme tout le monde qu’à l’intérieur de certaines des pièces qu’il baptise du nom de chambres à gaz homicides il y avait un poêle à charbon. Que peut bien venir faire un poêle dans une pièce où l’on va, paraît-il, emmagasiner des foules humaines pour les tuer avec du Zyklon B ? On se le demande. Même J.-C. Pressac se le demande. Mais sa logique subissant comme bien souvent une étrange éclipse il affirme : « Ce sont quand même des chambres à gaz ! » Plus loin, il s’interroge sur la manière dont le SS pouvait procéder pour avoir, de l’extérieur, accès aux petites fenêtres de ces pièces. Il s’étonne. Il remarque que ces fenêtres ne sont accessibles de l’extérieur que si l’on dispose en dessous d’elles une échelle ou un escabeau. Donc le SS devait venir sur place avec une échelle pour atteindre la fenêtre et déverser son Zyklon. J.-C. Pressac n’a pas l’air, une fois de plus, de soupçonner que voilà une raison de plus de douter que la pièce soit une chambre à gaz homicide. Il a trouvé une solution à tout problème: ces SS fous étaient bêtes, de surcroît. Quand il en vient à examiner le curieux parcours que la foule des victimes aurait à suivre à l’intérieur de ces mêmes crématoires, il trouve le système « aberrant ». On ne saurait mieux juger. Ce parcours giratoire ferait, par exemple, que les victimes passent d’abord par une morgue qui serait en même temps un vestiaire (!) pour aller se faire gazer dans trois petites pièces situées à gauche ; puis les membres du Sonderkommando auraient à pénétrer dans ces pièces et à en tirer les cadavres en prenant le soin de ne pas renverser les poêles à charbon ; ils ramèneraient les cadavres à droite dans la morgue-vestiaire et, pendant que ces cadavres seraient en attente de passer au four crématoire, on ferait entrer les nouvelles victimes qui se fraieraient un chemin au milieu des cadavres. Tout cela est inepte.

J.-C. Pressac, qui, ainsi qu’on l’a vu par ailleurs, ne manque pas d’aplomb pour falsifier un plan, ose nous montrer en page 218 un document allemand où figure le mot de Gasskammer (sic: pour Gaskammer). Il laisse croire à son lecteur qu’il s’agit d’une chambre à gaz homicide. Or, il sait bien que cette Gasskammer se retrouve en bien des points des registres de la serrurerie (Schlosserei) d’Auschwitz et que parfois son nom change en Entlausungskammer (chambre d’épouillage) ; quand on regarde la constitution de ces chambres on s’aperçoit qu’elle est la même. D’ailleurs, à la page 156 de L’Album, on lisait :

Chambre à gaz de désinfection avec […] son ventilateur circulaire et sa commande électrique […]. Cette porte étanche comporte un œilleton de sécurité.

Les deux photos finales de L’Album représentent des hommes en civil qui traînent des cadavres uniformément squelettiques (victimes du typhus ?). Dans le fond monte une fumée blanche. Etant donné la couleur de la fumée, il ne peut s’agir d’incinération de corps en plein air. Je croirais plutôt qu’il s’agit de l’un de ces feux de bois vert et de branches que l’on fait pour combattre la puanteur. En tout cas on ne voit pas ce qui permet au commentateur de dire que ces cadavres à la corpulence identique sont des cadavres de gazés.

10. Le mot de la fin : un joyau de J.-C. Pressac

Voici les derniers mots du commentateur :

Certaines informations sur le fonctionnement des crématoires de Birkenau ne peuvent être portées à la connaissance du public. La raison vacille devant des faits qu’on refuse immédiatement parce qu’incroyables. Ils sont explicables par le niveau extrêmement bas des SS affectés au service des crématoires.

« La raison vacille »… « Le niveau extrêmement bas »…

11. Les documents que l’on continue de nous cacher

À la page 30, nous apprenons que les Allemands ont réalisé un film au cours des déportations de Hongrie. À la page 12 (note 2), nous apprenons que depuis 1980 le Yad Vashem (de Jérusalem) possède un album comprenant environ cinq cents photos des réalisations de la Direction des constructions d’Auschwitz et que vingt de ces photos montreraient la construction et l’achèvement des crématoires de Birkenau. À la page 37, il est dit que L’Album contenait, en plus de nos 188 photos, dix pages où étaient présentées soixante-trois photos sur des sujets « comme les camps annexes d’Auschwitz et les visites officielles au camp. » À la page 210, on parle de la possibilité d’existence d’un album détenu par les Soviétiques.

Rien de tout cela ne nous est encore montré parce qu’on ne sait plus comment s’y prendre pour aveugler le lecteur sur le compte de ce que montrent ces photos. En tout cas, le présent album a le mérite de montrer en même temps quelques instantanés de la réalité d’Auschwitz et par quels procédés, à la fois candides et éhontés, il est possible de travestir la vérité des faits.

Dans toutes les écoles de journalisme, quand on voudra montrer à quelles outrances peut conduire la déformation d’une photo par le texte de la légende inventée pour cette photo, on disposera de L’Album d’Auschwitz dans la présentation que les Américains, suivis des Français, ont réussi à lui donner.

[Cette étude s’accompagnait, dans sa forme originale, de trois pages de notes que nous ne reproduisons pas ici — NdE.]

 
1er décembre 1983
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Notes
 
[1] Le cahier photographique qui devait accompagner les quatre volumes d’Écrits révisionnistes (1974-1998) n’a malheureusement jamais paru [NdE].
[2] Lili a déposé devant le tribunal de Francfort le 3 décembre 1964. Son nom était alors Lili Zelmonovic ou Lilly Zelmanovic. Hermann Langbein, dans le livre cité ci-dessous, ose dire que l’album présentait des photos de « gazages » (Vergasungen, p. 150). Quant à Klarsfeld, il prétend avoir découvert Lili au terme d’une enquête difficile et périlleuse. C’est du roman. Le tribunal de Francfort avait l’adresse de la barmaid dès 1964.
[3] P. Hellman et J.-C. Pressac, L’Album d’Auschwitz. D’après un album découvert par Lili Meier, survivante du camp de concentration, Le Seuil, Paris 1983, p. 40.
[4] Voy. p. 165 et 179 de l’édition française.
[5] P. Hellman et J.-C. Pressac, op. cit., p. 204.
[6] Photo n° 52 de l’édition américaine et n° 28 de l’édition française.
[7] H. Langbein, Der Auschwitz-Prozess, Europa Verlag, Vienne 1965, p. 880. 
[8] TMI, VIII, p. 321.
[9] M. Borwicz, « Journaux publiés à titre posthume », Revue d’histoire de la seconde guerre mondiale, janvier 1962, p. 93. 
[10] « Handschriften von Mitgliedern des Sonderkommandos », Sonderheft (I), Verlag Staatliches Auschwitz-Museum, 1972.
[11] P. Hellman et J.-C. Pressac, op. cit., p. 266.
[12] Id., p. 309
[13] Le Figaro, 13-14 novembre 1982, p. 25. 
[14] 26 novembre 1982, p. 23. 
[15] 16 décembre 1982, p. 25. 
[16] E. Wiesel, Paroles d’étranger, Le Seuil, Paris 1982, p. 86.
[17] Version allemande, p. 214 ; version américaine, p. 134 ; version française, p. 182.
[18] P. 151 de Trois ans dans une chambre à gaz d’Auschwitz, Pygmalion, Paris 1980, et p. 142 de L’Album.
[19] J.-C. Pressac, « Les “Krematorien” IV et V de Birkenau et leurs chambres à gaz, construction et fonctionnement », Le Monde juif, n° 107, juillet-septembre 1982.
[20] In R. Faurisson, Réponse à Pierre Vidal-Naquet, 2e édition, p. 67-83, reproduit in Écrits révisionnistes (1974-1998), vol. I, p. 325.