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Le révisionnisme du président iranien

La presse française, en particulier le journal Le Monde sous la signature d’Antoine Jacob (30 mai, p. 6), a largement édulcoré le contenu d’un entretien accordé à Téhéran, ce 22 mai, par le président iranien à trois journalistes allemands. Cet entretien a été publié dans Der Spiegel du 29 mai, p. 22-28. On en lira ci-dessous, dans une traduction française, trois extraits particulièrement significatifs et tout à fait embarrassants pour les tenants de la religion de « l’Holocauste ». On constatera à quel point le président iranien maîtrise son sujet.

 

Entretien avec Der Spiegel

“Nous sommes résolus”

 

Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad sur l’Holocauste, l’avenir de l’État d’Israël, les fautes des États-Unis en Irak et la revendication par Téhéran de l’énergie nucléaire

Premier extrait sur « l’Holocauste »

Der Spiegel : Il y a eu une grande indignation en Allemagne quand on a appris que vous viendriez peut-être au championnat du monde de football. Cela vous a-t-il surpris ?

– AHMADINEJAD : Non, ce n’est pas important ; je n’ai pas du tout compris comment c’est arrivé. Cela n’avait aucun sens pour moi. Je ne peux comprendre toute cette agitation.

Der Spiegel : Elle provient de vos remarques sur l’Holocauste. Le fait que le président iranien nie le meurtre systématique des juifs par les Allemands provoque inévitablement de l’indignation.

– AHMADINEJAD : Je ne vois pas bien le rapport.

Der Spiegel : D’abord, vous faites vos commentaires sur l’Holocauste. Puis on annonce que vous allez peut-être vous rendre en Allemagne : cela déclenche une agitation. Alors, étiez-vous donc surpris ?

– AHMADINEJAD : Non, pas du tout, parce que le réseau du sionisme est très actif dans le monde entier, y compris en Europe ; je n’ai donc pas été étonné. Nous nous adressions au peuple allemand. Nous n’avons rien à faire avec les sionistes.

Der Spiegel : Nier la réalité de l’Holocauste est passible de sanctions en Allemagne. Vous est-il indifférent qu’un mouvement d’indignation vous frappe en retour ?

– AHMADINEJAD : Je sais que le Spiegel est un magazine renommé. Mais je ne sais pas s’il vous est possible de publier la vérité au sujet de l’Holocauste. Êtes-vous autorisé à tout écrire là-dessus ?

Der Spiegel : Nous sommes, bien sûr, autorisés à écrire sur les acquis de la recherche historique de ces soixante dernières années. À notre point de vue, il n’y a aucun doute sur le fait que les Allemands, malheureusement, portent la responsabilité du meurtre de six millions de juifs.

– AHMADINEJAD : Hé bien donc, nous venons d’ouvrir là une discussion tout à fait concrète. Nous posons deux questions très claires. La première est : l’Holocauste a-t-il réellement eu lieu ? Vous répondez à cette question par l’affirmative. La seconde question est alors la suivante : à qui la faute ? La réponse à cette question est à trouver en Europe et non en Palestine. C’est parfaitement clair : si l’Holocauste a eu lieu en Europe, on doit pareillement trouver la réponse en Europe. En revanche, si l’Holocauste n’a pas eu lieu, pourquoi alors ce régime d’occupation…

Der Spiegel : … Vous voulez parler de l’État d’Israël…

– AHMADINEJAD : … a-t-il pris place ? Pourquoi les pays européens s’astreignent-ils à défendre ce régime ? Permettez-moi de soulever encore un autre point. Nous pensons que, si un événement historique est conforme à la réalité, cette réalité viendra d’autant plus au grand jour qu’on multipliera les recherches et les débats à son sujet.

Der Spiegel : C’est ce qui se fait depuis longtemps en Allemagne.

– AHMADINEJAD : Nous ne voulons pas confirmer ou nier l’existence de l’Holocauste. Nous nous opposons à tout type de crime contre quelque peuple que ce soit. Mais nous voulons savoir si ce crime a effectivement eu lieu ou non. Si oui, alors ce sont ceux qui en sont responsables qui doivent être punis, et non les Palestiniens. Pourquoi ne permet-on pas de conduire des recherches sur un fait qui s’est produit il y a soixante ans ? Après tout, d’autres événements historiques, dont certains remontent à des milliers d’années, font l’objet de libres recherches, et même les gouvernements soutiennent ces dernières.

Der Spiegel : Monsieur le Président, si vous permettez, l’Holocauste a eu lieu, il y a eu des camps de concentration, des documents sur l’extermination des juifs, un grand nombre de recherches ont été réalisées et il n’y a pas le moindre doute sur l’Holocauste ainsi que sur le fait, – et nous le regrettons amèrement, – que les Allemands en sont responsables. Si nous pouvions ajouter un point : le sort des Palestiniens est une tout autre question, qui nous ramène au présent.

– AHMADINEJAD : Non, non, les origines du conflit palestinien doivent être recherchées dans l’histoire. L’Holocauste et la Palestine sont deux sujets directement liés l’un à l’autre. Et si l’Holocauste a bien eu lieu, alors vous devriez permettre à des groupes impartiaux du monde entier de faire des recherches à ce sujet. Pourquoi restreignez-vous ces recherches à un certain groupe ? Je ne parle naturellement pas de vous mais des gouvernements européens.

Der Spiegel : Maintenez-vous que l’Holocauste n’est qu’un « mythe » ?

– AHMADINEJAD : Je n’accepte quelque chose comme vérité que si j’en suis vraiment convaincu.

Der Spiegel : Même si tous les spécialistes occidentaux n’émettent aucun doute au sujet de l’Holocauste ?

– AHMADINEJAD : Mais il existe deux points de vue à ce sujet en Europe. Un groupe de spécialistes ou de personnes, la plupart avec des motivations politiques, disent que l’Holocauste a eu lieu. Puis il y a le groupe de ces spécialistes qui représentent la position contraire et qui, à cause de cela, ont été, pour la plupart, emprisonnés. Par conséquent, un groupe impartial doit être formé pour enquêter et rendre un avis sur ce très important sujet. Car la clarification de cette question contribuera à la résolution de problèmes mondiaux. Sous le prétexte de l’Holocauste, une polarisation très forte s’est mise en place dans le monde et des fronts se sont formés. Il serait donc très bon qu’un groupe international impartial examine cette affaire afin de la tirer au clair une bonne fois pour toutes. Normalement, les gouvernements encouragent et soutiennent le travail de chercheurs sur des événements historiques et ne les jettent pas en prison.

Der Spiegel : À qui faites-vous référence? De quels chercheurs parlez-vous ?

– AHMADINEJAD : Vous savez cela mieux que moi ; vous en avez la liste. Ce sont des gens originaires d’Angleterre, d’Allemagne, de France et d’Australie.

Der Spiegel : Vous parlez probablement, par exemple, de l’Anglais David Irving, du Germano-Canadien Ernst Zündel, qui est jugé actuellement à Mannheim, et du Français Georges Theil, qui, tous autant qu’ils sont, nient l’Holocauste.

– AHMADINEJAD : Le simple fait que mes déclarations aient provoqué des protestations aussi vives, bien que je ne sois pas européen, et aussi le fait que j’aie été comparé à certaines personnes de l’histoire allemande [Adolf Hitler], montrent à quel point l’atmosphère est, pour les chercheurs, conflictuelle dans votre pays. Ici, en Iran, il n’y pas d’inquiétude à avoir.

Der Spiegel : Si nous avons ce débat historique avec vous, c’est pour une raison tout à fait actuelle : contestez-vous le droit à l’existence d’Israël ?

– AHMADINEJAD : Ecoutez, mes idées sont très claires. Nous disons que, si l’Holocauste a eu lieu, alors l’Europe doit en tirer les conséquences et ce n’est pas la Palestine qui doit en payer le prix. S’il n’a pas eu lieu, alors les juifs doivent retourner là d’où ils sont venus. Je pense qu’aujourd’hui le peuple allemand est, lui aussi, prisonnier de l’Holocauste. Soixante millions de gens sont tombés pendant la deuxième guerre mondiale ; la deuxième guerre mondiale a été un crime gigantesque. Tout cela, nous le condamnons ; nous sommes contre les effusions de sang, que le crime soit commis contre un musulman ou contre un chrétien ou un juif. Mais la question est : pourquoi, parmi ces soixante millions de victimes, seuls les juifs sont-ils au centre de l’attention ?

Der Spiegel : Ce n’est pas le cas. Tous les peuples pleurent les victimes qu’a coûtées la deuxième guerre mondiale, les Allemands, les Russes, les Polonais et les autres aussi. Mais nous, en tant qu’Allemands, nous ne pouvons nous décharger d’une culpabilité spéciale, c’est-à-dire celle du meurtre systématique des juifs. Mais peut-être devrions-nous maintenant passer au sujet suivant.

– AHMADINEJAD : Non, j’ai une question pour vous. Quelle sorte de rôle les jeunes d’aujourd’hui ont-ils joué dans la deuxième guerre mondiale ?

Der Spiegel : Aucun.

– AHMADINEJAD : Pourquoi devraient-ils éprouver des sentiments de culpabilité envers les sionistes ? Pourquoi devraient-ils, de leur poche, en payer le prix aux sionistes ? Si des gens ont commis des crimes dans le passé, alors ils auraient dû être jugés il y a soixante ans. Un point, c’est tout ! Pourquoi le peuple allemand doit-il être humilié aujourd’hui parce qu’au cours de l’histoire un groupe de gens a commis des crimes au nom des Allemands ?

Der Spiegel : Le peuple allemand d’aujourd’hui ne peut plus rien y faire. Mais il y a une sorte de honte collective pour ces actes commis au nom de l’Allemagne par nos pères et nos grands-pères.

– AHMADINEJAD : Comment une personne qui n’était pas même née à l’époque peut-elle être considérée comme responsable en droit ?

Der Spiegel : Pas en droit mais moralement.

– AHMADINEJAD: Pourquoi inflige-t-on un tel fardeau au peuple allemand ? Le peuple allemand ne porte aujourd’hui aucune responsabilité. Pourquoi le peuple allemand n’a-t-il pas le droit de se défendre ? Pourquoi mettre ainsi en l’accent sur les crimes d’un groupe au lieu, bien plutôt, de mettre en relief le grand héritage culturel allemand ? Pourquoi les Allemands n’auraient-ils pas le droit d’exprimer librement leur opinion ?

Der Spiegel : Monsieur le Président, nous sommes bien conscients que l’histoire de l’Allemagne ne se résume pas aux douze années du Troisième Reich. Néanmoins, nous devons accepter que des crimes horribles ont été commis au nom de l’Allemagne. Cela nous l’admettons, et c’est une grande réalisation des Allemands dans l’histoire d’après-guerre que d’avoir affronté leur passé de manière critique.

– AHMADINEJAD : Êtes-vous prêts à dire aussi cela au peuple allemand ?

Der Spiegel : Oh oui, nous le faisons.

– AHMADINEJAD : Accepteriez-vous alors qu’un groupe neutre demande au peuple allemand s’il partage votre opinion ? Aucun peuple n’accepte sa propre humiliation.

Der Spiegel : Dans notre pays toutes les questions sont autorisées. Mais, bien sûr, il y a des radicaux de droite en Allemagne qui se montrent non pas seulement antisémites, mais aussi xénophobes, et nous les considérons effectivement comme un danger.

– AHMADINEJAD : J’ai une question à vous poser : combien de temps cela va-t-il durer ? Combien de temps encore, croyez-vous, le peuple allemand doit-il être l’otage des sionistes ? Quand cela va-t-il se terminer : dans vingt, cinquante, mille ans ?

Der Spiegel : Nous ne pouvons parler qu’en notre nom. Le Spiegel n’est l’otage de personne ; le Spiegel ne s’occupe pas seulement du passé de l’Allemagne et des crimes des Allemands. Dans le conflit palestinien, ce n’est aucunement sans le critiquer que nous sommes du côté d’Israël. Mais il est un point auquel nous voulons nous tenir fermement : nous sommes critiques, nous sommes indépendants, mais nous n’allons pas tolérer, en tout cas pas sans protestations, que le droit à l’existence de l’État d’Israël, où vivent un grand nombre de survivants de l’Holocauste, soit mis en question.

– AHMADINEJAD : C’est précisément là ce que nous disons. Pourquoi devriez-vous vous sentir obligés à l’endroit des sionistes ? S’il y a vraiment eu un Holocauste, Israël doit se situer en Europe et non en Palestine.

Der Spiegel : Voulez-vous à nouveau déplacer tout un peuple soixante ans après la fin de la guerre ?

– AHMADINEJAD : Cinq millions de Palestiniens sont sans patrie depuis soixante ans. C’est étonnant : depuis soixante ans vous versez des réparations pour l’Holocauste et vous devrez encore payer pendant cent ans. Mais pourquoi le sort des Palestiniens n’est-il pas ici un objet de la discussion ?

Der Spiegel : Les Européens soutiennent activement les Palestiniens car naturellement nous avons aussi une responsabilité historique pour qu’enfin la paix s’installe dans cette région. Mais ne partagez-vous pas cette responsabilité?

– AHMADINEJAD : Oui, mais l’agression, l’occupation et le rappel de l’Holocauste ne conduisent pas à la paix. Ce que nous voulons, c’est une paix durable ; nous devons prendre le problème à la racine. Je suis heureux de constater que vous êtes des gens honnêtes et admettez que vous êtes obligés de soutenir les sionistes.

Der Spiegel : Ce n’est pas ce que nous avons dit, Monsieur le Président.

– AHMADINEJAD : Vous avez dit « Israéliens » [en fait : « Israël »].

Der Spiegel : Monsieur le Président, nous parlons de l’Holocauste parce que nous voulons aborder le sujet d’un éventuel armement nucléaire de l’Iran, raison pour laquelle l’Occident vous considère comme un danger.

– AHMADINEJAD : Certains groupes en Occident aiment à qualifier les choses ou les gens de dangereux. Mais, je vous en prie, vous êtes libres d’en juger comme bon vous semble.

Der Spiegel : La question fondamentale est : voulez-vous des armes nucléaires pour votre pays?

– AHMADINEJAD : Permettez-moi de vous proposer un sujet de discussion : combien de temps croyez-vous que le monde pourra être gouverné par les discours de quelques puissances occidentales ? Chaque fois qu’on a quelque chose contre quelqu’un, alors se donnent libre cours propagande et mensonges, avec diffamations et chantage. Combien de temps cela va-t-il durer ?

Deuxième extrait sur « l’Holocauste »

– AHMADINEJAD : Je crois que ceux qui emprisonnent les gens qui font des recherches sur l’Holocauste préfèrent la guerre à la paix.

Troisième extrait sur « l’Holocauste »

– AHMADINEJAD : Je m’étonne et me demande pourquoi vous adoptez et défendez fanatiquement la position des politiciens européens. Vous êtes un magazine et non un gouvernement. Dire que nous devrions accepter le monde tel qu’il est signifie que les vainqueurs de la deuxième guerre mondiale devront rester des puissances victorieuses pour encore mille ans et que le peuple allemand devra être humilié pour mille ans encore. Pensez-vous que ce soit là de la vraie logique ?

Interview recueillie à Téhéran, le 22 mai 2006, par Stefan Aust, Gerhard Spörl et Dieter Bednarz.

 

Commentaire paru sur le site www.mathaba.net

Le Dr Sahib Mustaqim Bleher, de nationalité allemande, demeure en Angleterre, où il exerce la profession de pilote d’aviation ; il est de confession musulmane. Analysant l’interview du président iranien, il conclut en ces termes :

Si le magazine Der Spiegel ne fait pas l’objet de poursuites, […] les Allemands, qui jusqu’à présent n’avaient pas le droit de discuter de ces questions [de l’Holocauste], devraient pouvoir désormais le faire simplement en citant ce que d’autres auront dit sans y ajouter leur opinion ou leur jugement. Les premières fissures de l’édifice politique et juridique protégeant l’industrie de l’Holocauste de toute critique ont ainsi commencé à apparaître et vont vraisemblablement s’élargir avec le temps.

 

Commentaire des photographies illustrant le texte de l’entretien

Deux photographies du Spiegel sont censées illustrer la réalité de « l’Holocauste ». La première, extraite de ce qu’on appelle L’Album d’Auschwitz, montre le débarquement sur la rampe de Birkenau d’une foule (de juifs hongrois, en 1944). La scène est paisible. On distingue trois soldats et officiers allemands, gantés, sans casques et sans chiens, ainsi qu’une demi-douzaine de détenus en tenue rayée. L’autre photographie montre un tas de chaussures avec la légende : « Chaussures de détenus tués ». Or, en réalité, cette photographie est tout aussi inoffensive que la première : dans l’Europe en guerre et souffrant de disette, on collectait tous les matériaux récupérables : chaussures, vêtements, lunettes,… et on les recyclait dans les ateliers des camps ou d’ailleurs. On collectait même les cheveux coupés pour les utiliser dans l’industrie textile. On retiendra ici que le magazine allemand s’est donc abstenu de nous présenter, comme il arrive trop souvent dans la propagande habituelle, de prétendues chambres à gaz homicides à l’état de « reconstitution » (Auschwitz) ou à l’état de « ruines » (Birkenau).

8 juin 2006