Le professeur Faurisson mis à l’épreuve

Dans le célèbre magazine américain Vanity Fairle journaliste Christopher Hitchens consacre un reportage au développement du révisionnisme historique aux États-Unis, en particulier dans les universités. Son article s’intitule Whose History is it ? [À qui appartient cette histoire ?][1]. Désireux de mettre à l’épreuve les auteurs révisionnistes mais constatant que les antirévisionnistes refusent de discuter avec les révisionnistes, il a eu l’idée de ce qu’il appelle une « expérience ». Comme on va le voir, cette expérience l’a amené à confronter, d’une part, deux professeurs antirévisionnistes (Deborah Lipstadt et Christopher Browning) et, d’autre part, un professeur révisionniste (Robert Faurisson) à propos d’une confession de Rudolf Höss au sujet, en particulier, du nombre des morts d’Auschwitz.

Rappelons que R. Höss avait été l’un des trois commandants successifs d’Auschwitz. Fait prisonnier par les Britanniques après la guerre, il avait confessé l’existence de chambres à gaz homicides dans son camp. Il en avait témoigné au procès de Nuremberg le 15 avril 1946. Livré ensuite aux communistes polonais, il avait rédigé des mémoires où il confirmait son témoignage de Nuremberg ; puis, condamné à mort, il avait été pendu à Auschwitz même. La confession, le témoignage et les mémoires de R. Höss ont toujours été tenus par les antirévisionnistes pour la preuve la plus solide de l’extermination des juifs par le gaz dans le camp d’Auschwitz.

Voici, par le journaliste américain, le récit de son expérience :

[Traduction]

[…] [L’Institute for Historical Review (Institut de critique historique) de Californie] est la cible d’un livre récent de Deborah Lipstadt, professeur à Emory University à Atlanta, qui a écrit Denying the Holocaust. The Growing Assault on Truth and Memory [La négation de l’Holocauste : l’attaque grandissante contre la vérité et la mémoire] comme une réplique contre la prolifération de la « négation » dans les débats télévisés, sur les campus universitaires et ailleurs – sans compter, plus récemment, une campagne de tracts au National Holocaust Memorial Museum qui vient de s’ouvrir à Washington.

Deborah Lipstadt refuse tout débat en direct avec les négateurs de l’Holocauste parce qu’elle croit que ceux-ci cherchent à réhabiliter les Nazis ; elle a néanmoins accepté de m’aider pour une expérience. Prenant contact avec l’Institute for Historical Review, je leur demandai de m’envoyer leur meilleur coup. Je transmis celui-ci au professeur Lipstadt et au professeur Christopher Browning de la Pacific Lutheran University, auteur de Ordinary Men [Des hommes ordinaires], rapport d’activité cauchemardesque d’une équipe d’extermination nazie en Pologne pendant la guerre. Les révisionnistes m’envoyèrent un article d’un Français du nom de Robert Faurisson, d’après lequel Rudolf Höss, l’un des commandants d’Auschwitz, aurait été torturé par les Britanniques et aurait ainsi confessé un nombre fantastique et incroyable d’assassinats : « Par la présente, je déclare sous serment que, dans les années 1941 à 1943, sous ma responsabilité de commandant en exercice du camp de concentration d’Auschwitz, deux millions de juifs ont été mis à mort par le gaz et un demi-million par d’autres moyens. » Cette déclaration, spécialement mise en évidence et reproduite, est une pièce importante de l’Holocaust Memorial.

Je me mis alors en rapport avec Lipstadt et Browning et leur demandai leurs réponses, qui furent surprenantes : « Höss a toujours été un témoin très faible et confus », dit Browning, qui avait déposé comme expert dans des procès impliquant Auschwitz. « C’est pour cette raison que les révisionnistes l’utilisent tout le temps, afin d’essayer de discréditer la mémoire d’Auschwitz dans son ensemble. » Et le professeur Lipstadt me signala la page 188 de son livre, et quelle page ! Il y est dit que les histoires de nazis transformant les juifs en savon sont entièrement fausses et il y est aussi dit que, bien qu’à Auschwitz le monument de pierre lui-même indique que le nombre des victimes – juives et non juives – est de quatre millions, le vrai chiffre se situe plutôt entre un million et demi et deux millions. Comme Höss a été le commandant de l’endroit pendant une partie seulement de l’existence du camp, cela signifie que, selon les contre-révisionnistes, un élément important des preuves assemblées par l’Holocaust Memorial n’est pas digne de foi. Une sensation de vertige, s’il en fut.

« Il en va de même avec l’histoire du savon », dit Lipstadt. « Je reçois des protestations de survivants, me disant que je ne devrais pas reconnaître que ce n’est pas vrai, parce que c’est donner des munitions à l’ennemi. Mais seule m’intéresse la découverte de la vérité. » Un concept passé de mode. […][2].

Cette « expérience» d’un journaliste américain conduit à se poser la question suivante : « Si le professeur Faurisson était, comme il le demande depuis 1978, confronté publiquement et directement aux Lipstadt et aux Browning, ne sortirait-il pas à son avantage de pareille mise à l’épreuve ? »

N.B. : A la suite de la publication de cet article de C. Hitchens, l’Institute for Historical Review a tenu à préciser qu’il n’avait pas, de sa propre initiative, choisi d’envoyer au journaliste l’étude de R. Faurisson intitulée : « Comment les Britanniques ont obtenu les aveux de Rudolf Höss » : c’est le journaliste qui, dans l’ensemble des écrits qui lui avaient été envoyés, a choisi cette étude-là pour son «expérience».

31 décembre 1993

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[1] C. Hitchens, « Whose history is it ? » Vanity Fair, décembre 1993, p. 110-117, 118.
[2] Id., p. 117.