Le milliard des juifs… ou du maréchal Pétain?
Le 31 janvier sur France 2, aux informations de 20 h, une journaliste enquêtant sur la spoliation des juifs pendant la guerre a montré, document à l’appui, que les Allemands avaient en particulier infligé aux juifs de France une amende de un milliard de francs, somme qu’il convenait, selon elle, de restituer aux juifs d’aujourd’hui.
Il est exact qu’en décembre 1941, à la suite d’une série d’attentats qui auraient impliqué, parmi d’autres, des résistants juifs, les Allemands avaient imposé une amende de ce montant à l’Union générale des Israélites de France (UGIF). Alarmés, André Baur (UGIF-Nord) et Raymond-Raoul Lambert (UGIF-Sud) s’étaient immédiatement tournés vers les autorités de Vichy avec lesquelles ils entretenaient, ainsi que le grand rabbinat et le Consistoire central des Israélites de France, d’excellentes relations. Aussitôt, avec l’autorisation du maréchal Pétain, Xavier Vallat, Commissaire général aux questions juives, avait pris l’engagement – qu’il devait tenir – de faire verser cet argent à l’UGIF par le Syndicat des banques. Mais il ne fallait rien révéler aux Allemands. X. Vallat eut l’idée d’un stratagème. Mais écoutons R.-R. Lambert lui-même nous expliquer ce stratagème : « Confidentiellement [X. Vallat] nous confie que le gouvernement français avancera cette somme à l’UGIF de Paris et, pour obéir et se couvrir, saisira les immeubles juifs en territoire occupé, en prenant sur eux une hypothèque remboursable dans quatre-vingt-dix-neuf ans (soit en l’an 2040). D’ici là… dit-il. » Et le même R.-R. Lambert, qui appelle X. Vallat son « ami » et parle de sa «sincérité», qualifie le procédé de « joli et très important ».[1]
Six ans plus tard, lors de son procès, X. Vallat fera d’étonnantes révélations sur le sujet des biens juifs, sur les subventions accordées par le maréchal Pétain à des organisations juives et, en passant, il évoquera l’affaire du milliard.[2]
Serge Klarsfeld, qui a souvent parlé de cette fameuse amende, ne me semble jamais avoir précisé qu’elle avait été, en fait, versée par les banques françaises avec la caution du maréchal Pétain ; en tout cas, sauf erreur de ma part, il n’en souffle pas mot dans les 959 pages de son Vichy-Auschwitz.
L’historien américain Richard Cohen dit qu’en fin de compte l’UGIF, grâce à son «habileté dans le domaine financier», parvint à ne rembourser qu’un quart de la somme ; les historiens américain et canadien Paxton et Marrus parlent d’un remboursement à hauteur de trois cents millions.
Au sujet de la coopération avec l’Allemagne des organisations et des institutions juives, aussi bien en France que dans le reste de l’Europe, on lira les ouvrages de Richard Cohen ainsi que les livres que Maurice Rajsfus a consacré aux « juifs bruns » ou à ce qu’il appelle « une véritable internationale juive de la collaboration ».[3] À la différence des autres Français incriminés pour faits de collaboration avec l’ennemi, les responsables juifs qui survivront à la guerre échapperont à l’Épuration et bénéficieront du privilège de passer devant des « tribunaux d’honneur », qui les acquitteront tous. Ces tribunaux étaient placés sous l’égide de Léon Meiss qui, en janvier 1944, en pleine occupation, devint le premier président du tout nouveau CRIF. On pourra aussi se reporter à une étude de Robert Faurisson : L’affaire de “juifs bruns”.[4]
NB : Dans sa récente interview par Paul Amar, Maurice Papon a rappelé en une phrase qu’au camp de Drancy une haute personnalité juive participait au « tri » des juifs pour Auschwitz. Il s’agit d’une allusion à Robert Blum qui signait ses notes, y compris celles relatives à la préparation des convois de déportation : « Le lieutenant-colonel Blum, commandant le camp de Drancy ». Dans son livre sur Drancy, M. Rajsfus lui consacre tout un chapitre.[5] Le 2 février, dans son émission « Arrêt sur image » (La Cinq, 12 h 30 – 13 h 30), Daniel Schneidermann a demandé à Paul Amar: « Pourquoi n’avez-vous pas coupé au montage [cette phrase de M. Papon] ? »
31 janvier 1997