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L’avanie du juge Grellier

« Vous allez changer de ton pour me parler ! 
– Certainement pas ! » 
 
Le 22 février, à la XVIIe chambre, Robert Faurisson ne s’est pas laissé intimider par le juge Grellier. Ce dernier, piqué au vif par une série de répliques d’une cinglante précision, est entré dans une vive colère. « Partez ! » a-t-il dit à l’universitaire qui témoignait à la barre. 
 
Grondements, éclats de voix et protestations de la salle, qui était comble. « Grellier, vous avez peur ! » lança le professeur à l’adresse du juge. 
 
La réponse ne tarda pas. « Gardes, faites évacuer la salle ! » Sur ces mots, le juge et ses deux assesseurs quittaient précipitamment la XVIIe chambre, le dos courbé comme sous l’orage, tandis que lentement, très lentement, les gardes procédaient à l’évacuation de la salle.
 
La phrase de soixante mots
 
Les inculpés, ce jour-là, étaient Roland Gaucher et François Brigneau. La LICRA les assignait pour « diffamation raciale » en raison d’un article écrit par F. Brigneau et publié dans National-Hebdo (15 février 1990). A la rubrique intitulée « Journal d’un homme libre » et sous le titre « Le long calvaire du professeur Faurisson », F. Brigneau rappelait les multiples condamnations judiciaires de l’universitaire lyonnais et, à titre d’exemple, une condamnation à verser la somme de trois millions six cent mille francs (trois cent soixante millions de centimes) pour avoir, en 1980, prononcé à Europe n° 1 une phrase de soixante mots, cent fois reproduite depuis, y compris tout récemment dans Le Droit de vivre [1]. Après une mise en garde à l’auditeur («Attention : aucun des mots que vous allez entendre ne m’est inspiré par une sympathie ou une antipathie politique»), R. Faurisson résumait ainsi la conclusion de ses travaux :
 
Les prétendues chambres à gaz hitlériennes et le prétendu génocide des juifs forment un seul et même mensonge historique qui a permis une gigantesque escroquerie politico-financière dont les principaux bénéficiaires sont l’État d’Israël et le sionisme international et dont les principales victimes sont le peuple allemand – mais non pas ses dirigeants – et le peuple palestinien tout entier. 
 
F. Brigneau avait reproduit cette phrase à de menues différences près. Le juge voulait faire valoir que reproduire cette phrase déjà condamnée équivalait, sauf pour un journaliste rapportant les faits, à une récidive. Faurisson lui fit remarquer que, depuis sa condamnation de 1981, heureusement très atténuée en 1982, il avait constaté de profonds changements sur le sujet dans les décisions de justice datant respectivement de 1983, de 1987 et de 1989. « La justice est fluctuante ! » fut la réponse du juge.
 
Dessinez-moi une chambre à gaz !
 
L’audition du témoin Faurisson avait mal commencé. Claude Grellier, fidèle à ses habitudes de juge d’instruction, menait un véritable interrogatoire de cabinet, sur un ton agressif. Il en aurait fallu plus pour démonter un universitaire qui, rompu aux joutes de prétoire sur le révisionnisme, s’attachait à confondre son interrogateur sur des points d’histoire, de droit ou de simple vocabulaire. M. Faurisson notait que, dans tous les procès intentés aux révisionnistes, les magistrats fondaient leur attitude sur un postulat inexprimé qui pourrait se formuler ainsi : « Les chambres à gaz ont existé. » Mais sur quoi ce postulat était-il fondé? demandait-il. Et d’ajouter : «Pourquoi croyez-vous aux chambres à gaz hitlériennes ? Pour commencer, qu’est-ce qu’une chambre à gaz hitlérienne ? Décrivez-m’en une. Dessinez-m’en une. Le professeur que je suis infligerait, je le crains, un zéro pointé à la copie que vous me remettriez sur le sujet. Comment pouvez-vous nous imposer de croire en une réalité physique dont vous ne pouvez pas nous fournir la moindre représentation matérielle?»
 
Malgré les obstructions du juge, M. Faurisson entreprenait alors une démonstration sur «l’impossibilité physique et chimique des chambres à gaz hitlériennes».
 
Désigner les juges par leur nom
 
Le juge voulut l’interroger sur les condamnations en 1981 et 1982 de la « phrase de soixante mots ». Faurisson cita ces décisions de justice et quelques autres aussi. Imprudence fatale, il se mit à désigner par leur nom les magistrats auteurs de ces décisions contradictoires. Le juge protesta : les décisions de justice étant collectives et constituant le fait de la justice tout entière, il était « inepte » de lier le nom d’un magistrat à une décision quelle qu’elle fût. Sans doute Grellier craignait-il de s’entendre nommer à propos d’un jugement où, en 1989, il avait estimé que cette phrase ne comportait aucun appel clair à la discrimination à l’égard des juifs [2].
 
De part et d’autre, le ton monta. Me Jouanneau, avocat de la LICRA, se portant au secours du juge, lança : « Mais qui préside ici ? » C’est à ce moment qu’animé de la plus vive colère Grellier demanda au professeur de changer de ton et, sur le refus de ce dernier, interrompit le témoin, ordonna l’évacuation de la salle et battit en retraite.
 
Après la suspension de séance, devant un Grellier encore manifestement sous l’effet de ses tribulations, Me B. Jouanneau intervint pour la LICRA et Mes Wallerand de Saint-Just et Éric Delcroix plaidèrent pour les inculpés. 
 
Jugement au 22 mars.
 
Vérité officielle
 
Les 21 et 22 mars, à 13 h 30, R. Faurisson passera en jugement, à la même XVIIe chambre, pour infraction aux dispositions antirévisionnistes de la loi Fabius-Gayssot punissant d’un mois à un an d’emprisonnement et de deux mille à trois cent mille francs d’amende quiconque se permet de «contester» l’existence des « crimes contre l’humanité » tels que définis par la charte du tribunal de Nuremberg. Dans une interview du Choc du mois de septembre 1990, le professeur faisait savoir qu’il refusait de s’incliner devant cette loi parue au Journal officiel de la République française le 14 juillet 1990, sous la signature de François Mitterrand.
 
25 février 1991

 

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[1] Le Droit de vivre, n° 550, avril-mai 1990, p. 12.
[2] « Ces accusations profondément antisémites et contestables, qui expriment une conviction, tentent de jeter le trouble dans l’esprit du lecteur et de discréditer la […] communauté [juive] ; mais elles ne comportent aucun appel clair, explicite et direct soit à la discrimination, soit à la violence, soit à la haine à l’égard des juifs » (Jugement Guionnet, 12 octobre 1989).