“L’affaire Toben” vue par Voltaire
Pour l’historien, le sociologue ou le juriste, le cas du révisionniste australien Fredrick Toben est des plus simples et des plus instructifs. Il est aussi, à la fois, affligeant et divertissant.
Un jour, mû par la curiosité, cet Australien d’origine allemande quitta les antipodes pour se porter en Europe afin d’y consulter un Français, auteur de la formule : « No holes, no “Holocaust” ». Puis, il se rendit en Pologne, à Auschwitz, où il constata de visu qu’en l’absence effective de ces « holes » (trous, orifices) dans le toit effondré d’une prétendue chambre à gaz homicide il y avait lieu de douter que de tels abattoirs chimiques eussent jamais existé en cet endroit, véritable centre de l’«Holocauste». Enfin, pérégrinant en Germanie, il y fit part de ses doutes et demanda des explications, ce qui, incontinent, lui valut de se retrouver en prison.
Voltaire eût aimé cette sorte d’« affaire Calas » (en moins tragique). Il aurait pu s’en inspirer pour écrire un conte intitulé Le Roi nu ou l’Imposture. On se plaît à imaginer que, comme dans une pièce classique du théâtre français, le récit se fût développé en cinq temps.
En un premier temps, notre héros, qui habite l’autre hémisphère, s’entend raconter qu’un certain roi d’Europe, cher aux juifs et donc aux Allemands d’aujourd’hui, passe aux yeux de sa cour pour être revêtu d’habits extraordinaires alors qu’en réalité il serait tout simplement nu ; à prix d’or, d’ingénieux filous auraient fait semblant de lui confectionner les habits les plus rares. En un deuxième temps, notre Australien, moderne Huron, se rend donc en Europe et là, muni de quelques conseils sur la façon de mener son enquête, il veut aller y voir de près ; une fois rendu sur place, il a l’impression que ledit roi pourrait bien en effet être nu. En un troisième temps, il se met à poser la question autour de lui, allant jusqu’à souffler aux courtisans : « Votre roi ne serait-il pas nu ? » Faute de réponse satisfaisante, il s’avise, en un quatrième temps, d’aller en Germanie pour y consulter un homme de l’art ; ce dernier, allemand à coup sûr et peut-être juif, avait, par toute la terre, la réputation de si bien connaître la solution de l’énigme qu’il ne souffrait pas qu’on donnât une autre réponse que la sienne. Ce personnage, procureur à la mine tourmentée, invite le sceptique à revenir le voir le lendemain pour obtenir sa réponse. Ce que notre Australien ne manque pas de faire. Là, dans le cabinet du procureur, en présence d’un inconnu, on le prie de répéter sa question. Ce qu’il fait. Et c’est ainsi qu’en un cinquième et dernier temps, l’homme aux questions se retrouve derrière les barreaux d’une geôle allemande.
Dans la réalité de l’affaire Toben, le procureur se nommait Heiko Klein, l’inconnu était un homme de basse police et la geôle fut, pour sept mois, celle de Mannheim.
La suite aurait également inspiré Voltaire. Elle éclaire d’un jour cru le fonctionnement actuel de la justice allemande et le comportement qu’adopte toute une partie des démocraties du monde occidental dès lors que le plus sacré de leurs tabous, celui de l’« Holocauste », leur semble en péril.
Extrait de sa prison, F. Toben, menottes aux poignets et sous bonne garde, fut conduit dans l’enceinte d’un tribunal. Mais, vu la gravité de son cas, il n’eut droit qu’à un simulacre de procès. Un avocat lui fut certes accordé mais à ce dernier les magistrats firent comprendre qu’il avait intérêt à se taire s’il ne voulait pas rejoindre son client en prison. L’avocat se tut et F. Toben fut condamné à la peine accomplie et à une forte amende, puis, le jour suivant, remis en liberté sous caution.
En Australie, les autorités se gardèrent d’intervenir en faveur de la victime. Elles ne furent pas loin d’applaudir à la décision des juges allemands et, selon toute vraisemblance, envièrent la liberté d’action de ces derniers.
Dans le reste du monde occidental, on se mit peu ou prou au diapason de l’Allemagne et de l’Australie. Les « élites » en place se turent ou approuvèrent. Personne, chez ces gens-là, ne s’avisa de crier au scandale. Nulle pétition en faveur de l’hérétique, nulle manifestation. Amnesty International jugea naturel et normal qu’un intellectuel, un universitaire se trouvât ainsi traité. En effet, précisément parce qu’il était un professeur, beaucoup estimaient sans doute que F. Toben aurait dû savoir qu’il est des questions qui heurtent la décence.
Déjà vingt ans auparavant
Vingt ans auparavant, j’avais personnellement vécu une expérience comparable à celle de mon collègue australien. Dans les colonnes du Monde, trente-quatre historiens français – dont certains comme Fernand Braudel jouissaient d’une renommée internationale – s’étaient fendus d’une déclaration commune pour me blâmer d’avoir posé une question que la bienséance aurait dû m’interdire de formuler.
J’avais découvert que l’existence et le fonctionnement des prétendues chambres à gaz nazies étaient radicalement impossibles pour des raisons physiques et chimiques accessibles à l’esprit d’un enfant de huit ans. À la fin des années soixante-dix, j’avais donc demandé aux accusateurs de l’Allemagne comment, pour eux, un tel meurtre de masse avait été techniquement possible. La réponse se fit attendre, puis fusa :
Il ne faut pas se demander comment, techniquement, un tel meurtre de masse a été possible. Il a été possible techniquement puisqu’il a eu lieu. Tel est le point de départ obligé de toute enquête historique sur ce sujet. Cette vérité, il nous appartenait de la rappeler simplement : il n’y a pas, il ne peut y avoir de débat sur l’existence des chambres à gaz (Le Monde, 21 février 1979).
J’eus la mauvaise grâce de penser que je venais de remporter là une victoire décisive. Mes adversaires se dérobaient. Ils se révélaient incapables de répliquer à mon argumentation sinon par une pirouette. Pour moi, le mythe des prétendues chambres à gaz nazies venait d’expirer.
Capitulation de Pressac, triomphe de Spielberg
Sur le plan scientifique, ces chambres à gaz retombaient donc au néant. La suite allait le confirmer. De 1979 à 1995, toutes les tentatives pour en démontrer l’existence allaient avorter : les Rückerl et les Langbein, les Hilberg et les Browning, les Klarsfeld et les Pressac, tous allaient essuyer les plus humiliants échecs. Ce n’est pas moi qui le dis mais l’un de leurs plus fervents apôtres, l’historien Jacques Baynac. En 1996, en deux longs articles particulièrement bien informés, ce farouche adversaire des révisionnistes traça, la mort dans l’âme, le bilan des vaines tentatives faites pour prouver l’existence des chambres à gaz nazies (Le Nouveau Quotidien [de Lausanne], 2 et 3 septembre 1996). Sa conclusion : les historiens avaient totalement échoué et, en conséquence, on s’était tourné vers les juges pour faire taire les révisionnistes. En mars 2000, Jean-Claude Pressac fera connaître en quelque sorte sa propre capitulation ; sur ce point on lira le texte d’un «Entretien avec Jean-Claude Pressac» que reproduit, dans son Histoire du négationnisme en France, Valérie Igounet, docteur en histoire et antirévisionniste convaincue (Éditions du Seuil, 2000, p. 613-652). Les deux pages finales de cet entretien sont stupéfiantes ; J.‑C. Pressac y promet les « poubelles de l’histoire »… à l’histoire officielle des camps de concentration ! Censément daté du 15 juin 1995, l’entretien a dû être l’objet de remaniements bien postérieurs à cette date.
Mais, comme on le sait, le plan de la science et celui des grands médias diffèrent sensiblement. Sur ce dernier plan, à défaut du mythe expirant des chambres à gaz nazies, les mythes connexes du génocide et des six millions allaient, eux, bénéficier d’une tonitruante promotion. Hilberg et ses pareils ayant échoué en leur qualité d’historiens, Spielberg, cinéaste à effets spéciaux, a pris la relève et triomphe dans le péplum holocaustique. Aujourd’hui, la version casher de l’histoire de le seconde guerre mondiale a force de loi et d’usage si bien que les méchants « négationnistes » en paraissent anéantis.
Le cas particulier de F. Toben
Pourtant, ces rebelles que sont les révisionnistes restent, pour beaucoup, vivants et bien vivants, en dépit de la répression exercée par la police de la pensée et ses valets de justice ou de presse. Parmi ces révisionnistes figure F. Toben, qui n’a pas eu, à sa sortie de prison, la décence de marquer le moindre repentir ou, comme on dit aujourd’hui, la moindre repentance. Il est à craindre que, pour lui, le roi (des juifs) ne reste définitivement nu. « No holes, no “Holocaust” », ira-t-il répétant à tous les échos, ou bien encore par allusion aux faux habits (« clothes » en anglais) : « No clothes, no “Holocaust”. »
À commencer par l’indomptable Paul Rassinier, bien d’autres révisionnistes que notre Australien ont souffert ou souffrent encore mille tourments. Récemment, l’un d’eux, en Allemagne, a été acculé au suicide. Professeur à Münster, Werner Pfeifenberger s’est donné la mort le 13 mai 2000 après des années d’un épuisant combat contre ses persécuteurs. Le 25 avril 1995, Reinhold Elstner s’était immolé par le feu sur une place de Munich.
Ce qui distingue l’affaire Toben des autres affaires révisionnistes, c’est la simplicité et la rapidité de son déroulement, et donc sa force démonstrative. On dirait un abrégé, une épure. Ce n’est que l’histoire d’un homme qui, pour avoir fait une banale constatation matérielle, se retrouve en prison. À qui voulait l’entendre, il avait, en fait, tenu le discours suivant : « À Auschwitz-Birkenau on déversait, paraît-il, jour après jour, par quatre orifices, spécialement aménagés dans un plafond de béton armé, une substance mortelle capable de tuer, à chaque fois, des milliers de personnes confinées dans une pièce située sous ce plafond. Comment une telle opération aurait-elle été possible vu que manifestement, ainsi qu’on le constate aujourd’hui, aucun de ces quatre orifices n’a jamais existé ? Certes, le plafond est maintenant en ruines mais, à la surface, on ne distingue aucun vestige de ces orifices et, si on se glisse sous les ruines, on peut voir que le plafond n’a jamais comporté ne fût-ce qu’un seul de ces orifices. Comment expliquez-vous cela ? » On ne lui avait pas répondu. Alors, il était allé trouver un homme qui, par définition, devait connaître la réponse à cette question (ainsi qu’à quelques autres questions de même calibre, matérielles et rudimentaires). Pour toute réponse, ce personnage crut nécessaire de le jeter en prison. Mais, une fois sorti de prison, que fit notre impertinent ? De plus belle, il répéta sa question, mais, cette fois, urbi et orbi.
Histoire édifiante dans sa brièveté et non dépourvue de sel.
Toben en héros “ingénu” de Voltaire
Je le répète : un Français, lecteur de Voltaire, est tenté de voir dans notre Australien une réincarnation, à sa manière, de Candide ou du Huron. Sous la plume de Voltaire, l’ingénuité, vraie ou feinte, de ces deux héros, forgés de toutes pièces, leur avait valu de vivre bien des épreuves mais elle les avait aussi aidés à surmonter l’adversité non sans nous ouvrir d’intéressantes perspectives sur les croyances et les superstitions qu’on trouve au fondement de nos sociétés et de nos institutions. L’histoire de F. Toben (d’origine allemande comme Candide) eût probablement intéressé Voltaire à un autre titre encore, celui de l’exécrable intolérance des juifs et de leurs grands prêtres (voy. Henri Labroue, Voltaire antijuif, Les Documents contemporains, Paris 1942).
Aujourd’hui, en France, les rééditions de certaines œuvres du «patriarche de Ferney» sont expurgées par crainte de déplaire aux juifs. Nul doute que, s’il revenait sur terre, Voltaire serait, à l’instar de Toben, embastillé pour l’impertinence de ses questions. Même la Suisse où, de son vivant, il savait pouvoir trouver refuge, ne manquerait pas aujourd’hui de le jeter aux fers.
(Fin)
Deux notes en dernière page.
Note pour le lecteur étranger : Voltaire (1694–1778) a notamment écrit Candide ou l’Optimisme (conte philosophique,1759), Le Huron ou l’Ingénu (conte satirique, 1767) ainsi que le Dictionnaire philosophique ou la Raison par alphabet (1764). Voltaire intervint dans une série d’affaires judiciaires, comme celle du calviniste Jean Calas, pour dénoncer ce qu’il appelait les crimes de l’intolérance ou de la superstition. Il vécut les vingt dernières années de sa vie à Ferney, près de la frontière suisse.
Note sur une fausse attribution à Voltaire : C’est par erreur qu’on attribue à Voltaire le propos suivant :« Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites mais je défendrai jusqu’à la mort votre droit de le dire. » Parfois le propos s’agrémente d’un «Monsieur l’abbé…». En réalité, dans un livre publié à Londres en 1906, un auteur anglais écrivait au sujet de l’attitude finalement adoptée par Voltaire en cas de désaccord profond avec l’adversaire : « I disapprove of what you say but I will defend to the death your right to say it was his attitude now. » (Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites mais je défendrai jusqu’à la mort votre droit de le dire était à présent son attitude). L’auteur s’appelait Stephen G. Tallentyre (de son vrai nom, Evelyn B. Hall) et le livre s’intitulait : The Friends of Voltaire. Source : Paul F. Boller Jr & John George, They Never Said It : A Book of Fake Quotes, Misquotes, and Misleading Attributions, Oxford University Press, New York et Oxford 1989, p. 124-126. Telles sont, en tout cas, les informations que j’ai puisées dans un article de L’Intermédiaire des chercheurs et curieux (novembre 1993, col. 1157) que m’avait, il y a sept ans, aimablement communiqué le révisionniste belge Pierre Moreau auquel j’avais confié que je n’avais pu trouver cette citation dans les œuvres de Voltaire.
22 août 2000