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Jean Bricmont affirme sa croyance en la Shoah mais s’oppose à la censure du révisionnisme (qu’il appelle “négationnisme”)

Jean Bricmont vient de publier un ouvrage intitulé La République des censeurs (176 p., éditions L’Herne, 22, rue Mazarine, 75006 Paris, 15 €).

A première vue on pourrait croire qu’à sa façon l’auteur remet passablement en cause la thèse orthodoxe de la Shoah. Il n’en est rien. Pour commencer, sans vraiment s’expliquer sur les motifs d’une telle décision (p. 55), il a choisi, pour désigner Rassinier, Faurisson, Zündel, Rudolf, Sylvia Stolz (qu’il écrit Stoltz) et d’autres encore, le terme dénigrant de « négationnistes ». De ce barbarisme qui réduit ces gens au statut de simples négateurs, il est redevable à Henry Rousso, un adversaire déclaré des révisionnistes (p. 55, note 74) ; soit dit en passant, H. Rousso, en 2007, a reconnu, lors du procès Faurisson/Badinter, qu’il n’avait pas lu ceux-là mêmes qu’il affublait de ce nom.

J. Bricmont est contre la loi Gayssot pour la raison que celle-ci a « de nombreux effets indirects désastreux. Elle est totalement contre-productive » (p. 61). Il constate que certaines personnes rejettent « l’instrumentalisation » qui est parfois faite « de la shoah » (mot qu’il écrit avec une minuscule) au profit de causes impopulaires comme les guerres prétendument humanitaires ou la sécurité d’Israël. Il ajoute que ces personnes, dépassant le simple rejet, sont conduites « au scepticisme » au sujet de la « réalité » de ladite « shoah », ce qui, pour lui, est «regrettable» (sic). Il trouve choquant « de faire une loi qui a pour résultat certain d’augmenter les doutes à l’égard de la réalité de la shoah » (re-sic) (p. 122-123). Il parle donc à deux reprises et sans ambiguïté de ce qu’il appelle « la réalité de la shoah ». Par conséquent, on constate qu’il ne remet pas en cause l’histoire orthodoxe ou officielle. D’ailleurs, il dit expressément que son but est «très différent» de celui des « négationnistes » ; il écrit : « le but poursuivi ici est très différent du leur : il s’agit de critiquer des textes de loi, non de remettre en cause l’histoire » (p. 61). En un passage assez confus, il me reproche d’avoir parlé de « victoires du révisionnisme » à propos des graves concessions qu’au fil du temps les révisionnistes ont arrachées à leurs adversaires ; pour Jean Bricmont,  «c’est certainement abusif» et « revient à donner des verges pour se faire battre » (p. 104-105).

Au sujet de l’affaire de l’évêque Richard Williamson, il cite en l’approuvant l’avertissement d’un Franco Cardini : « […] gardez-vous bien, parce que ceci est vrai: vous pouvez l’appeler comme vous voulez, désormais le “révisionnisme-négationnisme” est en train d’ouvrir une brèche en catimini ; le nombre de personnes qui, sans oser l’admettre, sont impressionnées et troublées ne cesse de croître. Le nombre de ceux qui, en public, affirment une chose et, en privé, soutiennent exactement le contraire est en train de croître aussi. »

Plus loin Franco Cardini ajoute : « Je crois que le “révisionnisme” et le “négationnisme” sont des tigres de papier. […] Il existe pourtant un seul moyen d’effacer le révisionnisme et le négationnisme en empêchant leurs adeptes de se donner des airs de victimes de la vérité. C’est de contester rationnellement et paisiblement leurs thèses, les réfuter, les détruire ; et ainsi discréditer définitivement ceux qui  s’en font les hérauts. […] Cela est la seule manière d’effacer à jamais les calomniateurs de la Shoah. Israël et le monde juif ont tout intérêt à imposer cette confrontation, qui serait, aussi pour les médias de masse, un spectacle formidable. Qu’est-ce que nous attendons? » Et Jean Bricmont d’ajouter : « Bonne question ! »

Assurément notre homme est contre la censure mais il reste un défenseur de la cause shoatique. Du moins est-ce ainsi qu’il se présente. Nous cache-t-il son jeu, par crainte de « donner des verges pour se faire battre » ?

En tout cas, il le sait mais il se garde bien de le dire : les révisionnistes, pour leur part, ne cessent de réclamer un débat public avec la partie adverse. Ils ont le meilleur des motifs pour proposer un tel débat : partout où une controverse publique s’est vraiment ouverte, par exemple à l’occasion de procès où ils ont eu toute latitude de développer leurs arguments, les révisionnistes l’ont emporté haut la main. Tel a été le cas notamment à Toronto lors des deux longs procès intentés à Ernst Zündel en 1985 (pendant sept semaines) et en 1988 (pendant plus de quatre mois). En 1985, la presse n’a pu cacher sa stupéfaction devant le haut degré de préparation et la qualité scientifique de la défense ainsi que devant l’effondrement du Number One des historiens et du Number One des témoins de l’accusation ; l’historien n’était autre que le professeur Raul Hilberg, auteur de The Destruction of the European Jews, et le témoin était Rudolf Vrba, le fameux rescapé d’Auschwitz. Pour le second procès, celui de 1988, la presse canadienne allait obéir à la consigne de ne plus se faire l’écho des débats ; Hilberg, pour sa part, refusait de comparaître à nouveau, vu sa déconfiture de 1985, et les révisionnistes allaient, sur le plan historique et scientifique, marquer en 1988 encore plus de points qu’en 1985. Pour tout détail on consultera le magistral compte rendu rédigé par l’avocate canadienne Barbara Kulaszka : Did Six Million Really Die ? Report of the Evidence in the Canadian “False News” Trial of Ernst Zündel, 1988, Samisdat Publishers Ltd, Toronto, 1992, viii-564 pages sur double colonne. Puis, pour en finir avec l’irréductible Zündel, le gouvernement canadien s’était vu contraint d’instituer un tout nouveau genre de tribunal (dit « des droits de l’homme ») devant lequel « la vérité n’est pas un moyen de défense » (sic) (« Truth is no defence ») : imagine-t-on plus manifeste aveu d’impuissance devant la force de l’argumentation révisionniste ? C’est depuis cette époque des années 1990 que la situation n’a cessé de se gâter pour les tenants de la thèse de «l’Holocauste» ou de « la Shoah ». Aujourd’hui, les historiens se font de plus en plus rares qui cherchent des preuves scientifiques à substituer aux « preuves » qu’il leur a fallu, sous la pression révisionniste, jeter «aux poubelles de l’histoire» (l’expression a été celle d’un Jean-Claude Pressac, terrassé par sa défaite en 1995). Leur succèdent depuis plusieurs lustres toutes sortes d’histrions, d’artistes, d’acteurs, de clowns, de cinéastes, de propagandistes, de publicistes ou de religionnaires. Et d’inquisiteurs.

Jean Bricmont aurait pu nous décrire cet extraordinaire changement de décor et d’époque. Il aurait pu en tirer le meilleur des arguments possibles contre ce qu’il appelle « la République des censeurs ». Il a choisi d’observer une prudence excessive et de donner à entendre que, sur le fond, il se rangeait malgré tout dans le camp de l’histoire officielle. Voilà qui est tout à fait « regrettable ».

Au moins mes critiques pourront-elles lui servir de caution auprès de nos censeurs professionnels si jamais ces derniers lui cherchaient noise pour avoir stigmatisé, parfois avec chaleur, ce qu’il appelle « la République des censeurs ».

12 février 2014

Article paru dans Rivarol, 21 février 2014, p. 2