Pour qui ne croirait pas aux chambres à gaz : la prison !
Une proposition de loi Laurent Fabius – Georges Sarre du 2 avril 1988 tend expressément à « combattre les thèses révisionnistes » ; elle prévoit contre les Français qui ne croient pas aux chambres à gaz et au génocide une peine d’emprisonnement d’un mois à un an, une amende de deux mille à trois cent mille francs et les frais afférents de publication judiciaire forcée. Jacques Chirac vient de se rallier au principe d’une telle loi.
L’année même du bicentenaire de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, on s’apprête à embastiller des Français pour cause de blasphème.
Laurent Fabius a prononcé son allocution en présence d’Harlem Désir, de Mmes Ahrweiler et Maxwell, de rabbins et de nombreuses personnalités juives. Les débats étaient organisés par l’association des « Enfants de la Mémoire » censée représenter les « enfants de la troisième génération » après Auschwitz (la deuxième génération étant représentée par l’organisation de Serge Klarsfeld : « Fils et Filles des Déportés juifs de France »). L. Fabius a commencé par déclarer que, dans la vie politique, on oscillait nécessairement entre l’oubli et la mémoire. L’oubli peut être nécessaire ; parfois, l’amnistie s’impose ; par exemple, l’Édit de Nantes recommandait à propos des dissensions du passé « que nul n’en parle plus entre les Français ». Mais, selon L. Fabius, il ne peut en être de même pour la seconde guerre mondiale et, en particulier, pour les souffrances des juifs. Là, il faut se souvenir, ne rien oublier, parler, servir la Mémoire :
Il faut laisser ouverte la plaie de la Shoah pour qu’elle serve à la Mémoire.
L. Fabius a dit qu’il avait personnellement proposé une loi contre les « négateurs » des chambres à gaz et de l’Holocauste. Cette loi est nécessaire parce que les «verrous» sont en train de sauter sous nos yeux. Il a ajouté qu’il connaissait les objections à cette loi mais que ces objections devaient céder. Aux applaudissements de la salle, il a affirmé qu’il ne s’agissait pas de proscrire une opinion – car cela n’avait rien à voir avec une opinion – mais un mensonge. Il a conclu : « Le Parlement doit se faire Mémoire ».
Le cas de J. Chirac est intéressant. En novembre 1987, dans une interview avec des journalistes de L’Arche, mensuel juif, il avait confié qu’à titre personnel il ne croyait pas « qu’il faille aller jusqu’à transformer la négation du génocide en délit passible de sanctions pénales, car cela pourrait s’apparenter au délit d’opinion ».[1]
Seize mois plus tard, son sentiment a changé. Pourquoi ?
Le 20 septembre 1987 Charles Pasqua, alors ministre de l’Intérieur, avait annoncé que, s’il ne dépendait que de lui, « le professeur Faurisson irait en prison » (Le Figaro, 21 septembre 1987, p. 7). À la même époque Claude Malhuret, secrétaire d’État aux droits de l’homme dans le même gouvernement, travaillait depuis quelques mois « sur la possibilité d’inclure dans le code pénal un article réprimant les fauteurs du révisionnisme qui contestent la réalité de l’Holocauste ».[2] Le 10 février 1989, lors d’une rencontre fortuite à Vichy, je lui demandais personnellement compte de cette initiative ; il me répondait à deux reprises : « C’est pas moi [sic], c’est Pasqua ! » et il se défendait d’avoir voulu une répression quelconque du révisionnisme. Sur les partisans et les adversaires d’une « lex Faurissonia », c’est-à-dire d’une loi à l’allemande visant les révisionnistes, on consultera les Annales d’Histoire Révisionniste.[3]
Il est possible que cette loi soit adoptée.
Les tenants de la chambre à gaz sont dans une telle impasse qu’ils ne voient plus d’autre recours que dans une répression judiciaire accentuée. Toutes les tactiques et tous les expédients jusqu’ici utilisés pour freiner l’essor du révisionnisme ont échoué: pendant des années, le silence concerté, puis le déferlement de campagnes de presse particulièrement haineuses et violentes qui étaient de véritables appels au meurtre et aux voies de fait, l’assassinat, le vitriolage, les coups et blessures, l’incendie criminel, l’interdiction professionnelle, l’assimilation du révisionnisme à des idéologies d’extrême droite et d’extrême gauche, à l’antisémitisme, au racisme, l’interdiction de tenir la moindre réunion publique en plus de dix ans, une propagande holocaustique forcenée, un matraquage télévisuel délirant, la mise en condition de la jeunesse française par la transformation progressive des manuels d’histoire jusqu’à complète satisfaction des « enseignants amis d’Israël ». Rien n’y a fait : le révisionnisme s’est développé avec la force d’un mouvement naturel de l’esprit qu’aucun obstacle ne peut entraver.
Les procès en cascade ont tourné à la confusion des accusateurs. Pour commencer, on a déployé des trésors de fourberie dans les accusations portées contre les révisionnistes. Procureurs et plaignants, et souvent les magistrats aussi, ont eu l’aplomb de prétendre que le révisionnisme lui-même n’était pas en cause. C’est ainsi que les révisionnistes se sont vu reprocher au gré des circonstances les délits les plus variés : l’atteinte à l’ordre public (et même à l’ordre moral !), la diffamation simple, la diffamation raciale, l’incitation à la haine raciale, le dommage à autrui, l’apologie de crimes de guerre, la propagation de fausses nouvelles, la dégradation de monument public, l’outrage à agent, … Mais, pour finir, les magistrats rendaient hommage à la qualité des travaux révisionnistes sur les chambres à gaz (arrêt du 26 avril 1983) ou autorisaient la mise en doute de l’existence des chambres à gaz et du génocide vu qu’il y avait manifestement là-dessus un «débat public entre historiens» (jugement du 16 décembre 1987).
Sans doute aurait-il mieux valu accéder à la demande insistante des révisionnistes en vue d’obtenir un débat devant le grand public. Peut-être aussi aurait-il fallu procéder à une contre-expertise des locaux désignés à Auschwitz, Birkenau et Majdanek comme « chambres à gaz homicides » pour essayer de répondre à la redoutable expertise de l’ingénieur américain Fred Leuchter déposée devant un tribunal de Toronto le 20 avril 1988 et concluant de façon formelle à l’impossibilité d’existence de telles chambres à gaz en ces lieux…
Il reste aujourd’hui à observer, en France et à l’étranger, la réaction ou l’absence de réaction des milieux intellectuels qui se disent attachés à la liberté d’expression.
On proposera à leur méditation l’article suivant du Monde[4] :
MM. Chirac et Fabius
se prononcent pour l’interdiction
de la propagande « révisionniste »
L’Union des étudiants juifs de France (UEJF) et l’association Les Enfants de la mémoire ont organisé, le jeudi 23 mars, à l’Assemblée nationale un colloque consacré au problème de la transmission du souvenir du Génocide des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, alors que la génération qui a vécu ces événements s’approche du soir de sa vie.
Placé sous le patronage de M. François Mitterrand, ce colloque parrainé notamment par MM. Laurent Fabius, Alain Poher, Jacques Chaban-Delmas et le grand rabbin de France, M. Joseph Sitruk, a été ouvert par une réception à l’Hôtel de Ville de Paris, au cours de laquelle M. Jacques Chirac s’est prononcé pour des mesures législatives permettant de poursuivre et de condamner la littérature dite révisionniste, qui nie la réalité du génocide.
Mme Simone Veil a souligné elle aussi, la nécessité de préserver la mémoire de la Shoah de l’oubli et des tentatives de falsification. Pour M. Jean Pierre-Bloch, dont l’intervention, jeudi, a suscité une vive émotion parmi les jeunes participants au colloque, il faut étendre les dispositions de la loi de 1972 contre le racisme, de telle sorte que « les faussaires puissent être poursuivis et mis au ban de l’opinion publique ». Le président de l’Assemblée nationale, qui a clos les débats, s’est prononcé dans le même sens. M. Fabius a indiqué que les députés socialistes avaient déposé une proposition de loi à cette fin.
30 mai 1989
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[1] L’Arche, p. 46, repris dans Le Monde, 10 novembre 1987, p. 11.
[2] Libération, 16 septembre 1987, p. 4.
[3] AHR, n° 6 (hiver 1988-1989), p. 151-153.
[4] Le Monde, 26-27 mars 1989, p. 18.