Un aspect du Chancelier Helmut Schmidt
L’ancien chancelier social-démocrate Helmut Schmidt, décédé hier, nous est aujourd’hui généralement présenté comme un esprit indépendant et courageux mais, de son vivant, comme toute haute personnalité allemande, il manifestait une complète soumission à la loi des vainqueurs de 1945 et pratiquait avec ferveur cette auto-flagellation que le grand vaincu aime trop souvent, depuis soixante-dix ans, à s’imposer en public.
Lieutenant de la Wehrmacht durant la Seconde guerre mondiale, en dépit du fait que l’un de ses grands-pères était d’origine juive (voy. Le dilemme des juifs de la Wehrmacht. Un historien américain estime qu’ils étaient 1200 dans l’armée d’Hitler) H. Schmidt manquait rarement une occasion après la guerre de dénoncer les habituelles « horreurs nazies » et, pour autant que je sache, s’abstenait de rappeler les réelles abominations commises par les démocraties et leur grand allié soviétique.
Dans sa livraison du 11 novembre 2015, le journal La Montagne évoque son souvenir aux pages 4 et 29. À la page 4, figure une anecdote qui en dit long sur la manière dont il est possible de transformer du tout au tout une page particulièrement atroce de l’histoire de la Seconde guerre mondiale. Venu à Clermont-Ferrand, en janvier 1998 à l’invitation de Valéry Giscard, dit d’Estaing (?), H. Schmidt avait donné une conférence à la fin de laquelle « une lycéenne clermontoise, citant Goethe, lui avait demandé s’il avait su demeurer attaché à ses rêves de jeunesse ». Selon le journal, H. Schmidt avait répondu : « Mademoiselle, je vais vous décevoir… Quand j’avais votre âge, je n’avais pas de rêve, mais des cauchemars, tellement j’étais convaincu que les nazis allaient réduire l’Allemagne en cendres ».
On a bien lu. Pour notre homme, si l’Allemagne de l’Anno Zero (la formule se retrouve dans le titre d’un film de Roberto Rossellini) a été réduite en cendres dans ses grandes villes, c’est de la faute des vaincus et non des vainqueurs. Certes on peut toujours penser que c’est par la faute du vaincu que l’Allemagne a été conduite à l’apocalypse mais le fait est là et les paroles sont là : à cette jeune fille le vieil homme est allé raconter que ce sont les nazis qui ont réduit son pays en cendres !
Ce « grand Allemand » avait poussé la « Realpolitik » jusqu’à demander le renforcement et non l’allègement de l’occupation de son pays par l’armée américaine. À la page 29 de son article de ce jour, La Montagne écrit, en effet : « À l’apogée de sa “Realpolitik” – politique pragmatique reléguant au second plan les considérations idéologiques et morales – [H. Schmidt] obt[enait] un renforcement des forces nucléaires américaines en RFA malgré les manifestations de centaines de milliers d’Allemands ». De la même façon, au XXIe siècle, ses successeurs offriront à l’État d’Israël, soit gratis, soit à bas prix, tout un lot de sous-marins, extrêmement coûteux à produire, conçus pour être dotés d’un armement nucléaire.
Il y a trente-cinq ans, en décembre 1980, j’avais, pour ma part, évoqué la figure de ce « grand Allemand » dans un récit intitulé Le chancelier Schmidt décide de révéler au peuple allemand le mensonge des chambres à gaz et du génocide. Récit de politique-fiction en trois actes.
11 novembre 2015