Sur un conflit avec Le Progrès de Lyon
Le Progrès, 30 juin 1979, p. 3 :
M. Faurisson débouté dans une procédure contre Le Progrès
M. Robert Faurisson, professeur à l’université de Lyon-II, qui réfute notamment l’existence des chambres à gaz durant la seconde guerre mondiale, vient d’être débouté dans une procédure engagée contre Le Progrès de Lyon, pour « refus du droit de réponse ».
M. Faurisson avait demandé au tribunal de police de Lyon de déclarer la société éditrice du Progrès coupable de la contravention de refus d’insertion prévue par la loi du 29 juillet 1881. Il demandait à répondre à un article du quotidien publié le 18 novembre 1978, sous le titre : « L’université de Lyon-II rejette les affirmations scandaleuses de M. Faurisson. »
Dans la procédure introduite par son avocat, Me Daniel Burdeyron, M. Faurisson reprochait notamment aux journalistes du Progrès « leur collusion depuis trente-cinq ans avec les milieux officiels et officieux, pour travestir la vérité historique sur l’existence des chambres à gaz ».
Pour sa part, le Progrès s’était refusé à publier le texte du professeur, estimant qu’il ne pouvait se transformer en « tribune pour des thèses qui voudraient réduire les atrocités nazies à un mythe ».
Le tribunal a débouté M. Faurisson, considérant que sa lettre au Progrès «contenait des affirmations contraires aux bonnes mœurs et à l’ordre moral». [Note de Faurisson : C’est exact. Le juge (Mme Baluze–Frachet) précise même par exemple : – « Attendu que les chambres à gaz ont existé, et que le simple fait de vouloir faire insérer dans un quotidien un article dont l’auteur se pose la question de leur existence porte atteinte au respect des bonnes mœurs.»]
M. Faurisson, selon son avocat, a l’intention de faire appel.
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Le 17, puis, à nouveau, le 18 novembre 1978, Robert Faurisson, maître de conférences à l’université Lyon-II, est vivement pris à partie par le journal Le Progrès de Lyon. Il envoie une lettre au journal en « droit de réponse ». Le journal refuse de publier sa lettre. R. Faurisson saisit la justice. Le jugement est rendu le 27 juin 1979 par le tribunal de police de Lyon. Le juge (unique) est Mme Baluze-Frachet. R. Faurisson est débouté. Dans son numéro du 30 juin 1979, le journal résume ainsi l’affaire : « Le tribunal a débouté M. Faurisson considérant que sa lettre au Progrès “contenait des affirmations contraires aux bonnes mœurs et à l’ordre moral”. » Ce résumé est exact. Le professeur est accusé de porter atteinte aux bonnes mœurs, c’est-à-dire à « l’ensemble des règles morales auxquelles la société ne permet pas qu’il soit dérogé ». Il porte aussi atteinte à « l’ordre moral », qui n’est pas à confondre avec « l’ordre public ». Il faut sans doute remonter au temps du Second Empire et à la législation en vigueur vers 1850 en France pour trouver mention de cet « ordre moral ». Les poursuites entamées contre Baudelaire et Flaubert ont dû l’être plus ou moins au nom de cet ordre-là. Au début de la IIIe République, les nostalgiques de la monarchie donnèrent le nom d’« ordre moral » à la politique conservatrice définie par le duc de Broglie, le 26 mai 1873, et qui devait préparer la restauration de la monarchie. Appuyée sur l’Église, elle entraîna des mesures antirépublicaines (destitution de fonctionnaires républicains, etc.). Cette politique fut celle du maréchal de Mac-Mahon. Bref, « ordre moral » ne désigne plus, depuis longtemps, qu’une politique totalement réactionnaire ou rétrograde. On ne se vante plus guère d’être un défenseur de l’« ordre » et encore moins de « l’ordre moral ». Mme Baluze-Frachet reproche au professeur les deux phrases suivantes :
1. – […] quatorze ans de réflexion et quatre ans d’une enquête minutieuse [ … ] m’ont conduit à déclarer le 29 janvier 1978 aux participants d’un colloque d’historiens qui s’est tenu à Lyon que les massacres en prétendues « chambres à gaz » sont un mensonge historique ;
2. – […] La question est de savoir s’il est vrai ou s’il est faux que les « chambres à gaz » hitlériennes ont existé réellement.
Mme le juge déclare : « Ces dires sont contraires aux bonnes mœurs ». Elle ajoute : « … il est constant que des millions de personnes, plus particulièrement juives, sont mortes dans les camps concentrationnaires nazis, victimes de différentes “machines à tuer”, dont les chambres à gaz. » Mme le juge poursuit : « Les chambres à gaz ont existé et […] le simple fait de vouloir faire insérer dans un quotidien un article dont l’auteur se pose la question de leur existence porte atteinte aux bonnes mœurs. »
Mme le juge va encore beaucoup plus loin. Elle reproche au professeur d’avoir porté atteinte à «l’honneur des membres du gouvernement, et principalement à son chef». Ce chef est M. Raymond Barre, dont le fief électoral se situe à Lyon.
Qu’a fait Robert Faurisson pour porter atteinte à l’honneur d’aussi estimables personnes ?
La réponse est donnée par Mme le juge. R. Faurisson, à qui ses collègues historiens se permettaient de faire la morale, leur rappelait deux choses :
a) Ils avaient, de leur propre aveu, obtenu de la presse locale et, en particulier, du Progrès de Lyon qu’on fasse silence sur les déclarations de R. Faurisson au colloque de Lyon de janvier 1978 ;
b) ils savaient tous parfaitement que le Comité d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale (de MM. Henri Michel et Claude Lévy), comité directement rattaché au premier ministre, chef du gouvernement, cachait depuis cinq ans le nombre véritable des véritables déportés de France.
R. Faurisson avait donc écrit à la meute de ses détracteurs et donneurs de leçons de morale : « Je traite de lâches ceux qui affectent d’ignorer cette pure et simple rétention de documents. » Il avait ajouté à l’adresse du journal qui joignait sa voix à celles des détracteurs (et qui, depuis trente-cinq ans, entretenait ses lecteurs d’une histoire mythique de la dernière guerre) le reproche suivant : « Je vous reproche un silence et une collusion avec toutes sortes de pouvoirs officiels ou officieux depuis trente-cinq ans. »
R. Faurisson avait aussi rappelé que le comité fonctionnait avec l’argent du contribuable et que, si ce comité cachait les résultats de son enquête de vingt ans, c’était, du propre aveu de M. Henri Michel, pour « éviter des heurts possibles avec certaines associations de déportés[1] » et parce que la publication de ces résultats «risquerait de susciter des réflexions désobligeantes pour les déportés[2] ». À aucun moment, R. Faurisson ne parlait de « membres du gouvernement » (au pluriel). Il écrivait seulement : « Ce comité officiel est directement rattaché au premier ministre. » Cette précision figure constamment et en gros caractères sur les publications du comité en question.
Mme le juge, pour terminer, stigmatise, d’une façon générale, dans la lettre du professeur ce qu’elle appelle « les passages contraires à l’ordre moral » : ces passages qu’elle a cités et commentés.