Nazisme : Le choc de Shoah

Les nazis ont failli réussir à effacer les traces les plus terribles du génocide : il n’existe aucune photographie des chambres à gaz et les cadavres sont partis en fumée. Mais il reste des témoins. Pendant dix ans, avec passion, Claude Lanzmann a recherché les survivants du massacre et les bourreaux embourgeoisés. Il les a fait parler, leur a fait revivre l’horreur devant sa caméra. Au total : trois cent cinquante heures de tournage. Cette semaine, dans deux salles parisiennes : un film de neuf heures et demie, d’une force inouïe. Catherine David et Claude Roy l’ont vu.[1] 
 
Sept mois après nous avoir présenté une « photographie » de « chambre à gaz », le magazine de Jean Daniel déclare : « il n’existe aucune photographie des chambres à gaz ». Il ne nous dit pas ce qu’il faut penser des photographies de chambres à gaz qu’on nous a présentées à des millions d’exemplaires pendant quarante ans, y compris dans France-Observateur ou Le Nouvel Observateur. Il ne nous dit pas non plus ce qu’il faut penser des chambres à gaz « en état d’origine » ou à l’état de ruines que des millions de personnes ont visitées et visitent encore au Struthof (Alsace), à Dachau (RFA), à Mauthausen ou à Hartheim (Autriche), à Majdanek (!) ou à Auschwitz ou à Birkenau (Pologne)… Il ne nous parle pas des milliers d’autopsies pratiquées sur des cadavres et qui n’ont révélé aucune mort par gaz. Quant à Shoah, « film sans documents et seulement avec des témoignages », c’est bien un film fait «avec du rien».[2]
 
26 avril 1985

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[1] Le Nouvel Observateur, 26 avril 1985, p. 33, présentant Shoah, film de Claude Lanzmann.
[2] Id., p. 74.