Lettre à M. Pierre Joffroy, auteur de L’Espion de Dieu. La passion de Kurt Gerstein
(au sujet de sa lettre du 11 janvier envoyée au Monde, au Monde juif…)
Vous m’adressez une lettre insultante. C’est votre affaire. Je vous répondrai courtoisement comme c’est, je pense, mon droit.
Vous prenez au sérieux ce que vous appelez le « témoignage » de Kurt Gerstein. Le malheur est que dans votre livre de 1969 vous avez reproduit une toute petite partie de ce « témoignage » écrit et que vous n’en avez pas recherché toute les parties constituantes (les « compléments », par exemple, et surtout, des « brouillons » en français, qui sont tout à fait édifiants). Encore faut-il préciser que cette toute petite partie, vous ne l’avez pas lue. C’est ce que démontre, d’une part, votre livre et, d’autre part, ce que vous m’avez révélé de vos méthodes de travail lors d’une conversation téléphonique que je vais me permettre de vous remettre en mémoire. J’ai consigné sur une fiche la substance de notre conversation. C’est le 14 juin 1974 au soir que je vous ai appelé au téléphone à votre domicile. J’ai noté : « Embarras spectaculaire. Total bafouillage. Incapable de me dire de quoi ce texte (p. 283 sqq.) est la reproduction. N’avait pas noté que, p. 284, cela faisait 60.000 morts par jour. Répond que ce n’était pas forcément tous les jours. (Or Gerstein dit bien « par jour » dans deux cas et « maximum par jour » dans un autre cas). N’avait pas noté que 700-800 (gazables entassés) sur 25 m2 = 28 à 32 personnes par m2. Répond qu’on les entassait et qu’on jetait des enfants par-dessus. Je lui fais remarquer : 1m80 de hauteur. Lui, n’avait noté que vingt-cinq millions (de cadavres) : « chiffre un peu exagéré peut-être. » M’affirme que le livre de Friedländer, c’est un livre de Poliakov sur lequel Friedländer n’a travaillé que quelque quatre ou cinq semaines. Ne s’est pas arrêté à ces détails qui semblent tant m’intéresser. Garde une confiance entière. Prépare un roman qui me surprendra beaucoup plus (« apocalyptique » ?). »
Dans cette conversation, je ne vous avais pas soumis une vingtaine d’autres énormités de cette «confession» ou de ce « témoignage » du seul document RF-350 ou PS-1553. Je ne vous ai pas parlé des fantastiques variations du texte selon qu’il se trouve reproduit par les NMT américains, par le 6e Bureau du QG de la Police d’Israël et, surtout, par les différentes moutures mises au point par Léon Poliakov dans Bréviaire de la haine (regardez de près les différentes éditions d’après les dates d’achevé d’imprimer), comme dans Le Monde juif (les stupéfiants remakes du numéro de janvier-mars 1964), dans La Terre retrouvée (1er avril 1964), les versions transformées de Heydecker et Leeb, celles de Rothfels ou de Schoenberner (car les textes en allemand ont subi les mêmes traitements), etc.
Je vous renvoie aux magistrales analyses de Paul Rassinier. Je vous renvoie à la thèse d’Olga Wormser-Migot, notamment page II, note 1, et à la page 426 : « nous arrivons difficilement, pour notre part, à admettre l’authenticité intégrale de la confession de Kurt Gerstein – ou la véracité de tous ses éléments. » Je vous renvoie même aux efforts désespérés que fait G. Wellers[1] pour tenter de répliquer à Paul Rassinier : l’ingénieur Kurt Gerstein était « troublé », « profondément et violemment frappé » par ce qu’il a vu en 1942 ; il est « resté au comble de l’émotion » trois ans après en rédigeant son rapport pour les polices française ou américaine. Il en oubliait sa table de multiplication ou même d’addition : 5×4 = 25 ; 3+3 = 2+2 ; 25 × 1,9 = 45. Il en imaginait un enfant de quatre ans offrant un petit morceau de ficelle consécutivement à trois mille personnes sagement alignées ; lui, le spécialiste de l’acide cyanhydrique, il en débitait sur la question de pures incongruités : juifs de Theresienstadt tués par l’acide au plein vent des fossés : « Pour empêcher ce conseil diabolique, je déclarais impossible cette méthode… » mais on les tue ; « La méthode pour tuer les enfants était de leur tenir sous le nez un tampon à l’acide prussique. »
Mais j’en viens au grief que vous me faites. Pour vous, je « prétends » qu’on a «suicidé» Gerstein et je m’appuie pour dire cela sur une réflexion – rapportée par vous – d’un médecin-légiste sur le rapport d’expertise établi en 1945 par le professeur Piedelièvre. Désolé. Il fallait me citer correctement. J’ai fait suivre «suicidé» d’un point d’interrogation placé entre parenthèses : (?). Je ne « prétends » pas détenir la vérité sur la mort de Gerstein. Je dis : je doute fortement de la thèse officielle du suicide. Et pourquoi ce doute ? À cause du rapport de Piedelièvre. Cette sommité de la médecine légale aurait rédigé un rapport sans aucune valeur scientifique. Vous osez dire que le médecin-légiste qui a critiqué ce rapport l’a fait «d’un point de vue strictement formel» (souligné par vous) : « pas assez long, pas assez précis, manque de détails significatifs. » Désolé là encore. Ce médecin critique le rapport sur le fond et sur la forme, et cela dans les termes les plus sévères. Vous auriez dû me citer ses propres paroles que vous reproduisez à la page 262 de votre livre : « Ne me faites pas rire ! Ça, un rapport ! Je vais vous en montrer, moi, des rapports. Tenez ! Ça comporte dix, quinze pages quand c’est fait sérieusement… Votre expert ne parle même pas de l’état des poumons. N’indique pas si le mort est blanc ou bleu. Aucune mention de l’existence ou non d’ecchymoses autour du sillon de pendaison. Pas un mot sur la nature du nœud. Des rapports comme ça ne veulent strictement rien dire. » (Souligné par moi).
Pour ma part, je souhaiterais que le débat sur le « génocide » se poursuive sans injures ni insultes.
22 janvier 1979