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Lettre à Jean Legastelois à propos d’un entretien avec August von Kageneck

Robert FAURISSON
10, Rue de Normandie
03200 Vichy

à Jean LEGASTELOIS
Plein jour
3-5, Rue Bayard
75008 Paris

Monsieur,

Dans votre éditorial de novembre, vous présentez l’entretien de l’un de vos journalistes avec August von Kageneck qui, en 1941, à 18 ans, était lieutenant de chars dans la Wehrmacht et qui, aujourd’hui, a environ 76 ans. Vous demandez à vos lecteurs : « M’écrirez-vous ce que vous avez pensé de cette rencontre ? »

C’est bien volontiers que je vais vous dire ce que j’en ai pensé, et que je vous demande de transmettre à l’intéressé avec qui j’ai été autrefois en correspondance.

Chez M. von Kageneck, la vieillesse aura renforcé un trait de caractère qui, on le voit par le contenu de cet entretien, existait déjà dans sa jeunesse : la forfanterie naïve accompagnée du désir d’être dans l’air du temps et de complaire à qui tient le fouet (paternel ou autre).

Pendant la guerre, un jour, dans une lettre envoyée à ses parents, il écrit : « Nous sommes dans de très durs combats avec les Russes. Devant la multiplication des actes de sabotage auxquels l’ennemi se livre pour retarder notre progression, j’ai dû faire fusiller tous nos prisonniers. »

Aujourd’hui, il reconnaît, dit-il, avoir menti sur ce dernier point. Et il vaut la peine d’écouter, un à un, les termes de son aveu : « Je sais que je ne l’ai pas fait. J’étais très jeune, “à peine sec derrière les oreilles”, comme on dit dans mon pays. Il fallait en rajouter, pour être plus crédible, plus admiré, là-bas à la maison. C’était dans l’air du temps. J’étais un guerrier engagé dans une croisade. »

Où voit-on, aujourd’hui, que M. von Kageneck ait, si peu que ce fût, changé de comportement?

Aujourd’hui, il est « dans l’air du temps » ; il s’est engagé «dans une autre croisade» pour être « plus admiré » ici et maintenant ; et, « pour être plus crédible” » [sic], il lui faut « en rajouter » !

A. von Kageneck dénigre ceux qu’il convient de dénigrer, c’est-à-dire ceux, parmi bien d’autres de ses concitoyens, qui portaient l’uniforme noir des tankistes allemands. Il se rue aux pieds de ses actuels seigneurs et maîtres. Il dénonce les crimes de la Wehrmacht qui « a été un instrument de génocide, l’outil efficace et consentant de l’holocauste [des juifs]. » Il ajoute : « Cette armée, que j’aimais sans aucun état d’âme, a participé au plus monstrueux crime de l’Histoire. J’ai été un instrument d’Hitler. Abusé comme tant d’autres. Et je vivrai avec “ça” jusqu’à ma mort. »

C’est ainsi que celui qui se dit « né dans une famille aristocratique » et fils d’un «général de l’armée impériale, aide de camp du Kaiser», celui à qui, dans son enfance, on faisait faire la prière du soir, à genoux, près de son lit et auquel sa gouvernante ordonnait (sic) un examen de conscience, celui-là, aujourd’hui, participe à des voyages « de réconciliation » avec des juifs sur les hauts lieux des crimes allemands, où l’on pleure dans les bras des juifs en leur demandant pardon, un pardon que, nous dit-on, lesdits juifs veulent bien lui accorder.

Le plus intéressant est qu’en tant d’années d’une guerre conduite sur le front russe contre soldats, partisans et terroristes communistes, M. von Kageneck n’ait commis ni vu commettre aucun crime ni par les SS ni par la Wehrmacht. Il déclare : « Non, je n’ai fusillé personne. Je n’ai pas non plus commandé de peloton d’exécution. Je n’ai même pas assisté à une quelconque “action”. »

Il a, paraît-il, entendu un caporal raconter un jour un massacre de juifs à la suite de la prise de Tarnopol en Ukraine : « [Sous une tente], les hommes faisaient cercle autour de lui. Ce qu’il racontait était ahurissant. » Et M. von Kageneck ne se souvient pas de sa propre « réaction » à l’écoute de ce récit.

En fait d’atrocités allemandes, nous voilà donc réduits à ce qu’un témoin – M. von Kageneck – , qui ne fait pas mystère de sa partialité, dit qu’un caporal a dit. Ce caporal est anonyme. On veut bien croire que « les hommes faisaient cercle autour de lui » et que le récit était « ahurissant » mais, précisément, le fait que cet humble caporal soit devenu, en la circonstance, la vedette du jour et le fait qu’il ait intéressé soldats et officiers allemands par un récit « ahurissant » ne tendraient-ils pas à prouver le contraire de ce que M. von Kageneck veut ici nous faire croire ? Si l’armée allemande avait été coutumière de telles horreurs ou si les troupes allemandes avait été au moins préparées à commettre de pareilles atrocités, comment l’auditoire de l’anonyme caporal aurait-il pu à ce point trouver de l’intérêt à un récit qualifié, par M. von Kageneck lui-même, d’«ahurissant» ? Des sortes de professionnels du crime peuvent-ils être intéressés, « ahuris » par un récit de ce qu’ils font, nous dit-on, par routine, quotidiennement ?

Je n’« ordonne » pas à August von Kageneck de faire son examen de conscience mais je l’invite à devenir adulte et à réfléchir. Le militaire, disait Céline, est un enfant, sauf quand il tue.

Bien à vous,
R. Faurisson

6 novembre 1998