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Le Monde, journal oblique (suite)

Le Monde mérite sa réputation de tartuferie. Récemment, il faisait compliment à l’avocat Gérard Boulanger de ce que ses deux livres sur Maurice Papon étaient « à l’image de leur auteur […] non dénués d’une salutaire mauvaise foi ».[1]  
 
« Une salutaire mauvaise foi » : telle pourrait être la devise du journal. 
 
Son médiateur, Thomas Ferenczi, est préposé à la censure du courrier qu’il reçoit. Ses chroniques sont lourdes et sentencieuses et ses pratiques se signalent par leur malhonnêteté. Suceur de réglisse, le faux dévôt s’emploie à nous cacher les seins que nous ne saurions voir. Il est payé pour cela. 
 
Dans une même livraison de son journal, il monte d’abord en chaire pour demander : « Le premier article de la charte des journalistes français ne déclare-t-il pas qu’un journaliste digne de ce nom tient “les accusations sans preuves” pour l’une des plus graves fautes professionnelles ? »[2] Succulente question de la part d’un journaliste qui n’a qu’à se lire ou à lire ses confrères pour constater que Le Monde fait de l’accusation sans preuve son pain quotidien. 
 
Puis, T. Ferenczi, qui ne manque pas de souffle, publie trois lettres signées respectivement Brunschwig, Hayem et Emerich pour porter contre l’Allemagne la plus atroce des accusations : celle d’avoir eu une politique d’extermination physique des juifs, notamment par le moyen d’abattoirs chimiques appelés « chambres à gaz ».

Brunschwig rapporte qu’un jour, en 1942 ou 1943, un garçon de son âge (treize, quatorze ans ?) lui aurait dit : « Toi, tu finiras en savonnette. » Voilà, estime-t-il, qui laisse à penser qu’à l’époque on devait bien savoir que la déportation des juifs « se terminait dans l’extermination et dans l’horreur », entendez par là : dans les chambres à gaz. Le raisonnement de Brunschwig, passant de la savonnette à l’abattoir, est si hardi qu’on se demande comment T. Ferenczi a pu juger bon de le reproduire.
 
Hayem, lui, laisse entendre que l’angoisse des juifs était telle qu’elle ne pouvait s’expliquer que par la connaissance instinctive de l’existence d’une mise à mort dans des conditions matérielles atroces. Là encore le raisonnement ne manque pas de hardiesse.
 
Quant à Émerich, il invoque le témoignage d’Anne Frank qui, dans son journal, écrit : « La radio anglaise parle de chambres à gaz. »
 
T. Ferenczi pris la main dans le sac
 
Dans les trois lettres, le médiateur du Monde avait pratiqué des coups de ciseaux. Le procédé n’a rien de répréhensible aussi longtemps que la pensée des auteurs n’est pas dénaturée ou qu’un point d’importance n’est pas omis à dessein.
 
Or, le premier des trois auteurs de ces lettres, Jacques Brunschwig, ancien professeur de philosophie à la Sorbonne, écrivait, dès le 21 octobre, « à ses amis et à quelques autres » pour se plaindre de T. Ferenczi. Il écrivait en propres termes :
 

Pour votre information, je me permets de vous envoyer le texte complet de ma lettre au Monde, qui a subi quelques coupures que je regrette, pour des raisons que vous comprendrez aisément. Je crois aussi que le médiateur aurait mieux fait de ne pas publier la lettre d’un autre lecteur [Michel Émerich, de St-Germain-en-Laye], qui s’appuie uniquement sur le Journal d’Anne Frank, document dont le caractère suspect a été malheureusement assez bien démontré par l’infect Faurisson.

 

 
Parmi les passages que J. Brunschwig reproche justement à T. Ferenczi d’avoir supprimés figurent quelques lignes, d’importance capitale, sur le mythe du « savon juif ». Voici ces lignes :
 

Je range aujourd’hui cette anecdote dans le rayon de ce qu’on pourrait appeler les « bobards vrais ». Il semble, en effet, d’après les historiens les plus sérieux, que cette histoire de transformation des restes humains en savon relève de la légende.

 

 
En rappelant ce point d’histoire, J. Brunschwig manifestait un souci de vérité qui, manifestement, est apparu à T. Ferenczi fâcheux ou oiseux. Alors, le médiateur du Monde a pris ses ciseaux, il a coupé, il a amputé, ce qui lui a permis d’apporter sa contribution au maintien du mythe du savon juif. 
 
Si l’on fait le compte des preuves de l’existence des chambres à gaz nazies, on trouve en tout et pour tout dans ces trois lettres, sans tenir compte du traitement spécial que leur a fait subir le médiateur du Monde :
 
1. une histoire de savonnette, fondée sur un mythe ;
2. une spéculation de nature artistique ;
3. un « document [au] caractère suspect » (pour ne pas dire une supercherie littéraire).
  
31 octobre 1997

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[1] J.-A. Fralon, « Gérard Boulanger, avocat des parties civiles : un combat de seize ans mené au nom du “malheur des juifs” », Le Monde, 9 octobre 1997, p. 10.
[2] Le Monde, 19-20 octobre 1997, p. 13.