Entretien accordé à Marie-Paule Mémy

– Robert Faurisson, la presse a beaucoup parlé de vous, mais vous-même avez fort peu parlé. Avez-vous refusé des interviews ?

– Oui, j’ai refusé des interviews. J’ai dit que mon principe était d’accorder des interviews écrites.

– Pourquoi cela ? 

– Parce que je ne voulais pas que ma pensée soit déformée.

– Comment vous, professeur de lettres, avez-vous été amené à vous intéresser à l’histoire, et particulièrement à cette période-là de l’histoire ?

– Dans mes recherches littéraires, j’ai toujours été intéressé par la recherche du sens et du contresens, du vrai et du faux. Je ne saurais pas très bien vous dire pourquoi cette période-là précisément m’a intéressé. Je crois que j’avais vocation à enquêter un jour sur ce qui, pour moi, se révèle être le plus gros mensonge de l’époque moderne. Si vous avez ce côté Sherlock Holmes, il est difficile de ne pas apercevoir cette énormité à vos côtés. Le génocide des juifs est quelque chose qui ne tient pas debout. Attention, je dis bien génocide. Ce mot n’est pas à confondre avec massacre. Ouvrez les yeux, et regardez autour de vous. Voyez, parmi vous, vos amis juifs. Ils sont plus nombreux qu’avant la guerre. Ce simple fait vous amène à douter que Hitler, qui a occupé la France pendant quatre ans, ait pu procéder à une élimination systématique des juifs. La question se pose déjà.

– Mais cela ne suffit pas ! Comment se fait-il que l’on n’arrive pas à évaluer de manière assez précise le nombre de juifs déportés qui ont péri dans les camps de concentration ?

– Je vais répondre à votre question. Mais je reviens à mon point de départ. En un premier temps, constatez le nombre de gens qui sont en France et qui sont bel et bien vivants. Mme Simone Veil est allée à Auschwitz ; on a dit d’ailleurs qu’elle avait été gazée sous le nom de Simone Jacob. Vous pouvez prendre Simon Wiesenthal qui vous dit froidement avoir fait treize camps de la mort; vous pouvez prendre Samuel Pisar ; vous pouvez prendre toutes les associations d’anciens déportés. Alors, d’abord, avant qu’on aille chercher les chiffres, voyons bien que, s’il y a eu politique d’extermination que les Allemands auraient voulu mener en France pendant quatre ans, comment expliquez-vous déjà… On ne peut pas dire qu’il n’y ait pas un problème.

– Pour le nombre maintenant. M. Klarsfeld,[1] lui, dit qu’il y a eu un quart des juifs installés en France qui ont été déportés, pendant toute la guerre.

– Il comprend là-dedans les juifs de nationalité française, les juifs étrangers et les juifs apatrides. Quand vous prenez le tout, un quart ont été déportés. Encore une fois, comment se fait-il que les Allemands, entreprenant une formidable politique d’extermination, ayant eu quatre ans devant eux, aient déporté un quart des juifs ?

Là, vient la question intéressante : combien ont survécu à la déportation ? Je dis que c’est une honte qu’on ne soit pas en mesure de nous donner un chiffre.

Il est inadmissible qu’en 1983 on ne soit pas capable de nous donner ces chiffres, et inadmissible que, pour la France en particulier, le Comité d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale ait pu nous cacher les chiffres auxquels ses enquêteurs étaient parvenus, en décembre 1973, au bout d’une enquête qui avait duré vingt ans. Ce sont des chiffres qui ne cadrent pas du tout avec ceux de M. Klarsfeld. Ces chiffres se trouvent dans un bulletin confidentiel. On peut maintenant le consulter à la Bibliothèque nationale, je vous le signale. Ce qui est amusant, c’est qu’il y est écrit : « Attention, à ne pas diffuser ». C’est indiqué. Peu à peu, ces chiffres ont circulé dans un milieu extrêmement restreint.[2] La distance entre les spécialistes et le grand public est effrayante. Les gens ne voient pas ; ils ne sont pas entraînés, d’ailleurs, à distinguer le vrai du faux.

Certains s’imaginent que la différence entre eux et moi, c’est que, moi, je serais un nazi, ou un fou ou un homme amoureux du paradoxe, tandis qu’eux seraient moraux, seraient dans le juste, et dans le vrai, etc. Mais non ! La différence, c’est que moi je travaille et eux ne travaillent pas. Ils ne travaillent pas, pour une bonne raison, c’est qu’ils n’ont pas besoin de travailler. Parce que, pour eux, la vérité, elle est trouvée. Moi, je la cherche.

– A propos de la révision de 1960, les historiens sont-ils d’accord ?

– Eh bien, oui ! Et puis, tant mieux. Cette révision de 1960 peut se résumer de la façon suivante : il n’y a eu, en fin de compte, aucune chambre à gaz homicide sur tout le territoire de l’Ancien Reich, c’est-à-dire dans l’Allemagne dans ses frontières de 1937.

La lettre de Broszat était faite de telle sorte qu’elle entretenait un doute, parce qu’elle disait : «Des gazages ont eu lieu, avant tout en quelques points choisis de Pologne.» Tout est dans ce avant tout. Moi, je l’interprète de la façon suivante :

Broszat n’a pas osé parler franchement. Ça a été une bombe, cette affaire-là. Pour la première fois, il a parlé du « problème compliqué des chambres à gaz ».

– Mais sur quels faits, quelles preuves, M. Broszat fonde-t-il ses affirmations ? Il n’a pas suffi d’une lettre, quand même, pour convaincre des historiens…, pour rendre nuls de nombreux témoignages et aveux sur lesquels étaient fondée cette certitude ?

– C’est une question que je pose depuis des années, et c’est pour cela qu’on n’ose pas m’affronter dans un débat public. Ma question continuelle est celle-ci, elle est capitale : « Enfin, M. Broszat, vous vous êtes contenté d’une lettre pour annoncer une nouvelle aussi grave? Quels sont vos critères? Quels sont vos critères pour dire “Là, il y a eu une chambre à gaz et, plus loin, il n’y a pas eu de chambre à gaz” ? “Là, il y a eu gazage homicide et, là, il n’y a pas eu gazage homicide”? Comment faites-vous pour distinguer ? » Jamais M. Broszat n’a répondu à cette question.

– Mais des historiens de France auraient été convaincus de cette manière-là ?

– C’est comme dans les croyances religieuses. Peu à peu, sans que le pape ait donné le feu vert, on a fini par considérer que certains miracles pouvaient bien ne pas en être. On liquide un certain nombre de choses comme ça, lentement, par une forme d’assentiment général. Il ne faut pas vous scandaliser ; dans la vie c’est une chose très courante. Ecoutez, je vous recommande de poser simplement deux questions, à n’importe quel institut officiel et reconnu : « Existe-t-il des expertises techniques établissant que tel ou tel local ait servi de chambre à gaz ? Existe-t-il des rapports d’autopsie établissant que tel cadavre est celui d’un détenu tué par gazage ? ». Moi, je peux vous donner tout de suite la réponse. La réponse est qu’on ne possède aucune expertise.

– Avant vous, d’autres auteurs se sont intéressés à la question des chambres à gaz. C’est par exemple le cas d’Olga Wormser-Migot. Pourquoi n’est-elle pas allée plus loin? Existe-t-il, par exemple, des preuves plus solides pour Auschwitz que pour Dachau?

– Je ne suis pas en mesure de vous dire pourquoi Olga Wormser-Migot n’a pas parlé d’Auschwitz par exemple, après avoir déclaré, en donnant ses raisons, pourquoi certaines chambres étaient de l’ordre du mythe. Auschwitz se trouve en zone soviétique, enfin, polonaise. Les possibilités d’enquête sont bien plus réduites que pour Dachau, par exemple. Mme Wormser-Migot s’est attaquée aux petits miracles, elle n’a pas osé s’attaquer aux gros. Ou bien peut-être a-t-elle pensé que c’était un vrai miracle. Toujours est-il qu’après avoir écrit ce qu’elle a écrit elle a eu les pires ennuis. Dans cette affaire-là, il faut avoir les nerfs solides, ou bien ce n’est pas la peine de vous y engager. Elle a craqué, littéralement. Elle me l’a dit.

– Vous niez le génocide des juifs. Qu’entendez-vous par là ?

– Il faut bien voir le sens de ce mot. Je n’ai jamais dit qu’il n’y avait pas eu de massacres de juifs, qu’on n’avait pas persécuté les juifs, qu’il n’y avait pas eu de ghettos, etc.

On va reprendre le terme de « massacres ». Un génocide, c’est un massacre, planifié, pour obtenir l’extermination d’une race. Le juif est la victime spécifique d’un type de massacre spécifique. Il est la victime d’un type de massacre qui est sans précédent. Un massacre planifié, industriel, scientifique. D’où l’importance capitale de la chambre à gaz qui est une arme industrielle, scientifique et spécifique.

Le terme de génocide est apparu dans un livre publié en 1944 par un juif polonais établi aux Etats-Unis. Par abus du terme, on a parlé du génocide des Indiens, du génocide des Arméniens. Il s’agit là, en fait, de massacres dont il est difficile de prouver qu’ils aient fait partie d’un programme et qu’on ait conçu pour eux une arme spécifique.

Jamais aucun ordre, aucune directive n’ont été donnés de tuer des juifs. La meilleure preuve, ce sont tous les procès, depuis quarante ans. Quand, dans tous ces procès, on a dit aux accusés : «Tant de juifs ont été tués dans le camp où vous étiez !», jamais un accusé n’a pu répondre : « C’était parce qu’il y avait un ordre ! »

– Même si Hitler, ou Himmler, ou un autre dirigeant n’ont pas ordonné explicitement ce que l’on appelle « la solution finale », est-ce que la machine nazie n’a pas pu se mettre en marche toute seule ?

– Que la machine se soit mise en marche toute seule est radicalement impossible dans un état dirigiste, militaire et en guerre. Pour la moindre marchandise, il fallait une autorisation d’achat ; pour la moindre initiative matérielle, un ordre. On veut nous faire croire qu’en pleine Europe, pendant quatre ans, une énorme machinerie a procédé à l’élimination physique d’une population égale à celle de la Suisse, sans que personne n’en ait eu connaissance, ni Churchill, ni Roosevelt, ni Staline, ni le Vatican, ni les Croix-Rouges nationales, ni la Croix-Rouge internationale, ni surtout l’Agence juive installée en Palestine. L’Allemagne et l’Europe étaient devenues transparentes ; tous les codes allemands avaient été déchiffrés depuis longtemps par les Alliés.

– Vous pensez que des milieux sionistes auraient inventé cette rumeur à des fins politiques? afin d’obtenir d’importantes réparations, par exemple ?

– Mais non ! Absolument non ! Il n’y a eu ni conjuration, ni complot. Il y a une rumeur qui naît. Mais on ne sait jamais, ou à peu près jamais, comment naît une rumeur. Un bruit se répand dans un milieu donné ; ou bien il va s’éteindre ou bien il va croître, embellir, prospérer. C’est une série de développements imprévisibles et vous ne pouvez pas savoir, à un moment donné, si une rumeur va servir à quelque chose. Alors non, non, il n’y a pas eu d’exploitation délibérée à l’origine.

– Mais alors, pourquoi un mensonge aussi colossal ?

– En ce moment, ce mensonge nous paraît énorme. Il faudra attendre cinquante ans pour en prendre les dimensions. Je ne veux pas vous choquer si vous croyez en Dieu, mais… voyez-vous une différence avec ça ? Moi, ce qui m’ennuie, c’est que cette religion de l’holocauste a quelque chose de malsain, d’aberrant aussi. Elle pue l’argent et la politique.

– Mais pourquoi les déportés auraient-ils contribué à la propagation de cette rumeur? Pourquoi Germaine Tillion persisterait-elle à affirmer qu’il y avait une chambre à gaz homicide à Ravensbrück ?

– Ah, c’est étonnant ! Cependant, vous êtes bien obligée de constater que Germaine Tillion fait une estimation. Quand vous lui demandez de situer cette chambre, dans le camp, elle ne sait pas vous répondre. Et, attention ! Mme Tillion est ethnologue. C’est un esprit scientifique ! C’est le terrible mystère de la croyance…

– Vous n’avez pas d’autre explication ? Celle-ci vous satisfait ?

– Ça ne me satisfait nullement parce que je ne me l’explique pas. Je n’ai pas d’explication à ce mystère profond de l’homme qui est le désir de croire, envers et contre tout. Et ce phénomène-là, vous pouvez le constater en quantité de domaines. On peut apporter les preuves qu’une chose existe et dire qu’elle n’existe pas, et inversement.

L’holocauste est une religion de la peur. Je suis persuadé qu’un mythe comme celui des chambres à gaz, du génocide, est du domaine de la peur.

C’est terrible pour les juifs qui s’élèvent eux-mêmes dans un repliement malsain et conçoivent les autres comme des monstres. Les nazis sont des hommes, quoi qu’ils aient pu faire. Quel est celui qui osera dire que, dans une situation donnée, il ne va pas faire telle ou telle chose ? Quel est le gros malin qui va me dire : moi, je ne torturerai jamais ? C’est véritablement qu’il manque d’imagination.

29 avril 1983

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[1] S. Klarsfeld, Le Mémorial de la déportation des Juifs de France, Beate et Serge Klarsfeld, Paris 1978.
[2] À propos de ce chiffre : 
– Le manuel d’histoire, classe terminale, coll. Monnier chez Nathan, donne pour la France deux cent mille juifs déportés. 
– Serge Klarsfeld donne soixante-seize mille juifs déportés. 
– Le chiffre du Comité d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale est de 28.162 juifs déportés (les deux principaux responsables sont MM. Henri Michel et Claude Lévy), Bulletin… [confidentiel], janvier et avril 1974.
Le résultat d’ensemble de l’enquête n’a pas été publié, « par crainte d’incidents avec certaines associations de déportés » ou encore « pour éviter les réflexions désobligeantes pour les déportés ».

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[Entretien accordé à Marie-Paule Mémy, in L’Affaire Faurisson (Nuit et Brouillard…), Mémoire de DUT, option journalisme, université de Bordeaux-III, IUT-B, 1983, p. 37-43. Reproduit ici avec quelques légères corrections de l’auteur.]