Premières notes sur le jugement Schir
Ce 3 janvier la 6e chambre (presse) du tribunal de grande instance de Lyon, présidée par Fernand Schir, a lourdement condamné Georges Theil pour avoir déclaré que les prétendues chambres à gaz nazies n’ont, en fait, jamais existé ni même pu exister. Le texte du jugement s’étend sur 48 pages.
Le résumé de ma propre déposition occupe environ 2 pages ½ (p. 10-13). Il est consternant. On m’y prête un propos absurde que je n’ai jamais pu tenir, on m’y fait parler d’acide cyanurique (sic), on y estropie des noms que j’ai donnés et, surtout, l’on y omet tout ce que j’avais dit d’important pour la défense du prévenu.
Sachant que, comme d’habitude, il n’y aurait pas de transcription sténographique des propos tenus tout au long du procès, j’avais demandé à deux personnes distinctes de noter tout ce qui se dirait. La greffière, elle, semble avoir, la plupart du temps, bayé aux corneilles. Toutefois, à un moment donné, le président Schir, rouge de colère, lui a enjoint de porter au plumitif (registre sur lequel sont simplement mentionnés les principaux faits de l’audience) certaines parties de mon témoignage qui, à son avis, risquaient de tomber sous le coup de la loi. J’ai alors ralenti le débit pour faciliter la tâche de la malheureuse, mais je crains que cela n’ait servi à rien.
À la page 11 du jugement on lit ceci :
« Le témoin [Faurisson] a déclaré notamment : […] Chacun sait que les nazis ont éliminé toutes les preuves et les témoins ».
Or, dans ma déposition, j’avais clairement attribué cette réflexion à son auteur, qui n’était autre que Simone Veil. J’en avais rapporté les termes exacts : « Chacun sait que les nazis ont détruit ces chambres à gaz et supprimé systématiquement tous les témoins. » (France-Soir Magazine, 7 mai 1983, p. 47). En guise de commentaire, j’avais ajouté qu’à ce compte on était en droit de s’interroger sur la valeur des preuves et des témoignages que d’autres que S. Veil s’obstinent, depuis soixante ans, à invoquer contre les révisionnistes. Je rappelle ici que, lors de mon procès de 1979-1983, Robert Badinter et les associations juives s’étaient montrés incapables de fournir ne fût-ce qu’une preuve ou qu’un témoignage de l’existence des prétendues chambres à gaz nazies. Me Jouanneau en avait pleuré d’impuissance. De cette incapacité de mes adversaires mais aussi, par ailleurs, du sérieux de mes recherches sur ce qu’elle appelait « le problème des chambres à gaz », la cour d’appel de Paris avait conclu, le 26 avril 1983, que tout le monde avait le droit de contester l’existence de ces chambres à gaz. C’est pourquoi, une dizaine de jours après la décision de la cour d’appel, S. Veil avait, comme on le voit, improvisé cette explication.
Sans vouloir dénigrer le rédacteur du jugement, je dirais que sa pensée est confuse et son expression, boursouflée. Après l’audience du 29 novembre Me Delcroix, invoquant une toute récente déclaration du président de la République et la pétition des 19 historiens en faveur de la liberté de recherche historique, avait sollicité une réouverture des débats. Le tribunal lui a rétorqué qu’« une telle mesure ne [peut] être justifiée par la seule “mousse” médiatique agitant actuellement la “logosphère”» (p. 18). Les mots de « mousse » et de « logosphère » apparaissent entre guillemets. On voit par là que, pour nos juges, une « mousse » peut « agiter » quelque chose. Cette mousse-là est même capable d’agiter une « sphère ». Mieux : elle va jusqu’à agiter la « logosphère », c’est-à-dire la parole considérée comme un milieu pour l’homme. L’on sait que Me Bafouillet, avocat du sapeur Camember, ne craignait pas de « faire rougir les cheveux blancs » des membres du tribunal ; gageons qu’il eût apprécié cette mousse qui agite une parole. En d’autres pages du jugement on jargonne ou bien on parle latin quand on ne cite pas Péguy, Camus ou, c’est un comble, la journaliste communiste Marie-Paule Vaillant-Couturier qui, dans son témoignage devant le tribunal de Nuremberg, avait accumulé outrances et inventions au point d’en embarrasser jusqu’à Edgar Faure, procureur général adjoint de la délégation française (Mémoires II, Plon, Paris 1984, p. 36).
Me Delcroix m’apprend qu’il va, sans tarder, réclamer au tribunal une copie des notes de la greffière.
14 janvier 2006