(Molière, Courteline et Kafka à la XVIIe chambre)
Le Choc du mois de septembre 1990 (directeur responsable : Patrice Boizeau) avait publié deux textes :
– Premier texte (p. 5-7) : « Contre l’inquisition cosmopolite, contre l’oppression, contre l’imposture, refusons le bâillon », de François Brigneau ;
– Second texte (p. 9) : « Entretien avec le professeur Faurisson : les historiens révisionnistes hors-la-loi » ; propos recueillis par Catherine Barnay.
Trois plaintes s’ensuivaient :
Première plainte (citation contre R. Faurisson du 29 octobre 1990). L’Amicale des déportés du camp de Buna-Monowitz (responsable : Georges Wellers) portait plainte contre P. Boizeau, R. Faurisson et les Éditions Choc (mais non contre C. Barnay) pour « contestation de crimes contre l’humanité » dans le second texte;
Deuxième plainte (citation contre R. Faurisson ce même 29 octobre 1990). La LICRA (responsable: Jean Pierre-Bloch) et, à titre personnel, Jean Pierre-Bloch lui-même portaient plainte contre P. Boizeau, F. Brigneau et les Éditions Choc (mais non contre C. Barnay) pour « diffamation raciale », pour «provocation raciale» et pour « diffamation contre un particulier » dans le premier texte ; la LICRA portait également plainte contre P. Boizeau, R. Faurisson et les Éditions Choc (mais non contre C. Barnay) pour « diffamation raciale » dans le second texte;
Troisième plainte (citation contre R. Faurisson le 7 décembre 1990). Le ministère public (Marc Domingo) portait plainte contre P. Boizeau, F. Brigneau et les Éditions Choc pour « diffamation raciale » et « provocation raciale » dans le premier texte ; il portait également plainte contre P. Boizeau, R. Faurisson, C. Barnay et les Éditions Choc pour « diffamation raciale » et pour « contestation de crimes contre l’humanité » dans le second texte.
Ces trois plaintes allaient entraîner trois procès devant la même XVIIe chambre du tribunal correctionnel de Paris. Le premier procès allait être présidé par Claude Grellier et les deux autres procès par Jean-Yves Monfort.
Premier procès : Il a été plaidé les 21 et 22 mars 1991. Référence : P. 90 302 03 25/0. À l’Association des déportés du camp de Buna-Monowitz se sont jointes dix autres associations.
Le 18 avril 1991, les magistrats Claude Grellier, Alain Laporte et Mme Claude Marlier ont condamné P. Boizeau, R. Faurisson et les Éditions Choc à diverses peines financières s’élevant à un total d’environ 427.000 francs dont cent mille avec sursis.
Deuxième procès : Il a été plaidé le 9 avril 1992. Référence : P. 90 302 03 24/1. À la LICRA et à J. Pierre-Bloch s’est jointe la Ligue française pour les droits de l’homme et du citoyen.
Pour le jugement, voyez le troisième procès.
Troisième procès : Il a été plaidé le 10 avril 1992. Référence : P. 90 271 07 80/1. Au ministère public (Gilbert Cervoni) se sont jointes huit associations. Le 15 mai 1992, les magistrats Jean-Yves Monfort, Mme Martine Ract-Madoux et Mme Sylvie Menotti, épouse Hubert, ont décidé de joindre les procédures des deux affaires plaidées le 9 et le 10 avril 1992. Ils ont condamné, à cause du premier texte, P. Boizeau, F. Brigneau et les Éditions Choc à diverses peines financières s’élevant à un total d’environ cent vingt mille francs. Ils ont débouté J. Pierre-Bloch de sa plainte. Ils ont ordonné la suppression par bâtonnement d’une expression employée par Me Éric Delcroix dans les conclusions qu’il avait déposées en faveur des prévenus. Pour le second texte, ils ont décidé le sursis à statuer dans les cas de P. Boizeau, R. Faurisson et C. Barnay en attendant la conclusion de l’appel interjeté contre le jugement de condamnation dans l’affaire de la première plainte (condamnation par C. Grellier du 18 avril 1991).
Le premier procès en appel : Ce procès sera plaidé le 21 et le 28 octobre 1992 à 13 h 30 devant la XIe chambre de la cour d’appel de Paris. L’arrêt sera probablement rendu vers la fin novembre. Jean-Yves Monfort attend cet arrêt pour reprendre la procédure du deuxième et du troisième procès.
Conclusion provisoire
Pour s’en tenir au cas du professeur Faurisson, ce dernier supporte le poids de trois procès là où il ne devrait y avoir qu’un seul procès pour une seule interview. Un adage bien connu du monde judiciaire (Non bis in idem) prononce qu’une personne ne peut être poursuivie deux fois pour le même délit. Or, le professeur est poursuivi trois fois pour le même délit. C’est comme si une personne accusée du vol d’une bicyclette était successivement poursuivie, en trois procès différents, pour le vol du guidon, pour le vol de la roue avant et pour le vol de la roue arrière. Lors du deuxième procès, l’artifice est devenu évident lorsqu’on a vu le président Jean-Yves Monfort essayer de choisir devant tout le monde les passages de l’interview à examiner ce jour-là (pour « diffamation raciale ») et les passages à examiner le lendemain, lors du troisième procès (pour « diffamation raciale » et pour «contestation de crimes contre l’humanité»). Le président opérait ses choix au petit bonheur et sans la moindre conviction comme dans une comédie de Molière ou de Courteline où on chercherait à fabriquer deux procès là où il n’y a de matière que pour un procès.
L’impression d’artifice a été renforcée par le jeu de masques et de rôles auquel se sont livrées les associations, les ligues et le ministère public. On changeait de masques, on échangeait les rôles mais les acteurs restaient les mêmes. Si une association prenait l’initiative d’un procès, aussitôt les autres ligues et associations se portaient en foule au secours de cette association et se joignaient à cette dernière pour réclamer encore plus de condamnations et encore plus d’argent. Puis survenait le ministère public qui exigeait sa livre de chair (cas de la procureuse Édith Dubreuil, enfiévrée de haine). Si, dans tel autre procès, le ministère public (cas du procureur Gilbert Cervoni, surpris en flagrant délit de manipulation de textes) prenait l’initiative, ligues et associations se précipitaient à la curée. Dans ce tohu-bohu où s’entendaient les arguments les plus contradictoires, les juges ont navigué à l’estime.
Au lieu de payer un avocat, le professeur Faurisson est obligé de payer trois avocats ou trois fois le même avocat. Et cela en première instance et, éventuellement, en appel et en cassation. Qui plus est, avec le sursis à statuer, un même procès peut se rejouer à plus d’une reprise. Les frais encourus jusqu’ici sont déjà considérables et les frais à venir – sans compter les condamnations – le seront encore plus.
5 octobre 1992