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Chambre à gaz du pénitencier de l’Etat de Maryland à Baltimore (Etats-Unis)*

Chambre à gaz :
Feuille de contrôle de la marche à suivre pour une exécution
 
 
A. – Pour préparer la chambre, [il faut] : 1. Deux (2) jours. 2. Deux (2) opérateurs ; 3. Seize (16) heures de travail.
 
[Pour ce qui suit, la feuille indique qu’il faut pointer chacune des quarante-sept opérations consécutives et en indiquer l’heure.]
 
B. – Chambre prête, [sont à vérifier] : 1. Joints ; 2. Pompes ; 3. Soupapes ; 4. Épurateur (ou barboteur, pour l’acide cyanhydrique à neutraliser) ; 5. Système d’évacuation (du gaz) ; 6. Le tout dans les conditions de marche.
 

C. – Étapes préliminaires : 1. Connecter le réservoir d’ammoniaque ; 2. Préparer le mélange chimique de l’épurateur (3,4 kg de soude caustique ajoutée à 56,7 litres d’eau) ; 3. Remplir l’épurateur ; 4. Mettre en marche le moteur de l’épurateur ; 5. Préparer le mélange d’acide et d’eau pour le générateur de gaz (3 litres d’acide sulfurique et 5 litres d’eau) ; 6. Préparer une solution de soude caustique et la garder dans un seau; 7. Vérifier et tenir prêt le cyanure ; 8. Vérifier la position (ou l’état) pour :

 

      a) le levier de versement, n° 1 (position fermée) ;
b) l’admission d’air frais, n° 2 (position fermée) ;
c) l’admission du mélange acide, n° 3 (position fermée) ;
d) la soupape de purge du creuset du générateur, n° 4 (fermée) ;
e) le conduit de l’épurateur, n° 5 (position fermée) ;
f) la soupape d’ammoniaque sur le réservoir (position fermée) ;
g) les coupelles remplies (eau distillée et 1 % de phénolphtaléine) ;
h) le moteur (en marche) de la pompe de l’épurateur ;
i) le ventilateur (en marche) pour l’évacuation du gaz (de la chambre).
 
D. Étapes de l’ exécution : 1. Placer l’homme sur sa chaise et l’y attacher ; 2. Lui appliquer les bracelets pour électrocardiogramme ; 3. Placer le cyanure sur le générateur fermé ; 4. Fermer hermétiquement la chambre ; 5. Faire du vide dans la chambre (durée : 1’55”) ; 6. Ouvrir la soupape d’admission n° 3 du récipient à mélange acide ; 7. Laisser un intervalle pour l’écoulement de l’acide et pour un compte rendu en provenance de la salle des opérations chimiques ; 8. Fermer la soupape d’admission n° 3 ; 9. Verser la soude du seau de sécurité dans le récipient du mélange acide ; 10. Baisser à fond, en position ouverte, le levier d’écoulement n° 1 qui fait tomber le cyanure dans l’acide ; 11. Émission du gaz – Exécution effectuée.
 
E. Nettoyage de la chambre : 1. Ouvrir la soupape n° 5 (tuyau de l’épurateur) ; 2. Laisser un intervalle de vingt (20) minutes (le gaz se déverse dans l’épurateur) ; 3. Vider le mélange de sécurité dans le générateur en ouvrant la soupape n° 3 ; 4. Ouvrir la soupape n° 4 (quand la soupape n° 4 est ouverte, le gaz d’échappement du générateur et l’eau de nettoyage qui coule du récipient d’acide à travers le générateur sont évacués dans l’égout) ; 5. Arrêter le ventilateur de recirculation d’air; 6. Ouvrir la soupape d’admission de l’ammoniaque, n° 4, à la pression de deux (2) kg (laisser l’ammoniaque circuler pendant deux (2) minutes) ; 7. Fermer la soupape d’admission de l’ammoniaque, n° 4 ; 8. Les coupelles doivent indiquer la teneur en ammoniaque (elles doivent virer du rose au pourpre pour en marquer la circulation) ; 9. Débloquer la soupape n° 2 (admission d’air frais – air seulement dans la chambre) ; 10. Ouvrir graduellement la soupape n° 2 (mettre deux (2) minutes pour l’ouvrir à fond) ; 11. Laisser ouverte la soupape n° 2 de vingt (20) à trente (30) minutes ; 12. Ouvrir la porte de la chambre ; 13. Passer au jet d’eau ; 14. Vider la chambre (enlever le corps).
 
15 juillet 1958, révisé le 22 octobre 1975, SEH : fh.
 
 
Remarques de R. Faurisson sur ce document :
 
J’ai visité cette chambre à gaz en septembre 1979 et je m’en suis fait expliquer le fonctionnement. Les responsables du pénitencier m’ont dit que «gazer un homme, c’est très compliqué, parce que c’est dangereux». Les chambres à gaz d’aujourd’hui ne diffèrent pas essentiellement des chambres à gaz mises au point vers 1936-1938 après des années de tâtonnements. Les premiers Américains qui ont eu l’idée de ce mode d’exécution avaient pensé que rien ne serait plus facile et plus humain que d’endormir le condamné avec un gaz qui finirait par le tuer. C’est quand ils ont voulu passer aux actes que les Américains se sont rendu compte des redoutables difficultés d’une telle exécution. La première exécution a eu lieu en 1924. Elle a présenté de tels dangers pour l’entourage que l’idée des chambres à gaz a failli être abandonnée. Le document qu’on a lu n’est qu’une simple feuille de contrôle de quarante-sept opérations. Certaines de ces opérations sont élémentaires mais d’autres sont délicates. Voici, par exemple, ce que signifie la quarante-septième et dernière opération (vider la chambre, enlever le corps) : le médecin et deux assistants doivent entrer dans la chambre avec un masque à gaz, un tablier de caoutchouc, des gants de caoutchouc ; le médecin secoue la chevelure du mort pour en chasser autant que possible les molécules d’acide cyanhydrique que les fumées d’ammoniaque et le système de ventilateurs orientables n’ont pas pu neutraliser ; les deux assistants doivent laver le corps avec un jet ; ils doivent apporter un grand soin à ce travail ; ils doivent notamment laver la bouche, toutes les ouvertures du corps et ils ne doivent surtout pas oublier les plis des bras et des genoux.
 
Non ! Vraiment, gazer son prochain sans se gazer soi-même n’est pas une sinécure. Vraisemblablement, les récits de gazage à Auschwitz ne sont, à l’origine, qu’un sinistre ragot de prison.
 
11 février 1980
 
 
Chambre à gaz du pénitencier de Baltimore (Maryland, États-Unis). Participent directement à l’exécution du condamné un médecin, installé dans une cabine proche de la chambre à gaz, et, dans une autre cabine, deux opérateurs. Le document qu’on va lire résume très succinctement le travail des opérateurs. Le médecin, de son côté, doit posséder lui aussi son propre résumé. Tout cela n’est-il pas trop compliqué, trop sophistiqué, trop marqué par le souci de la perfection? La réponse est : non. L’emploi de l’acide cyanhydrique exige toutes ces précautions. Il est impossible de faire moins. [NdA]
 
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[Publié dans Serge Thion, Vérité Historique ou Vérité Politique ?, La Vieille Taupe, Paris 1980, p. 301-309, avec les huit photos et leurs légendes reproduites ci-après]