Procès Papon : le professeur Michel Bergès découvre la réalité de la vie des juifs sous l’occupation
Sous le titre de La Vérité n’intéressait personne, Maurice Papon et le professeur Michel Bergès viennent de publier leurs entretiens sur ce qu’ils appellent « un procès contre la mémoire » (éd. François-Xavier de Guibert, 358 p.).
Ces entretiens fourmillent de révélations sur la personnalité de M. Papon, sur la conduite du procès et sur l’existence de documents délibérément écartés à la fois par les juges de la cour d’assises, par le ministère public, par les parties civiles et même par l’avocat principal de l’accusé: le trop complaisant Jean-Marc Varaut.
Je ne retiendrai ici qu’une seule de ces révélations.[1] Elle concerne la découverte par Michel Bergès des archives de Joseph Cohen, Grand Rabbin de Bordeaux pendant l’occupation allemande.
Le revirement de Michel Bergès
Historien, professeur de sciences politiques à l’université Montesquieu (Bordeaux IV), fin connaisseur des arcanes administratives et policières, Michel Bergès travaillait sur l’histoire de Bordeaux pendant l’Occupation jusqu’au jour où il lui fut donné de découvrir quelques documents de la préfecture de la Gironde qui lui parurent mettre gravement en cause à la fois Maurice Sabatier, qui avait été préfet régional de Bordeaux, et son secrétaire général, Maurice Papon. Le professeur eut alors tôt fait de se muer en un véritable procureur instruisant à charge le dossier de M. Papon. Ancien sympathisant communiste, il s’associa au juif communiste Michel Slitinsky dans la chasse au prétendu « collabo ».
Soudain, à la surprise générale et non sans susciter une vive réprobation, en particulier de la part des juifs, M. Bergès se mit à plaider la cause de l’accusé.
Le revirement parut inexplicable et, à l’époque du procès, l’intéressé lui-même ne fournit pas de claire explication sur les motifs d’une telle métamorphose. Il se décide à le faire dans ce livre dont l’achevé d’imprimer date d’octobre 1999.
La découverte des archives
du Grand Rabbin Cohen
Il faut attendre les toutes dernières pages de La Vérité n’intéressait personne pour trouver le mot de l’énigme. À la p. 322, on lit en effet sous la plume de l’historien :
Ma découverte des archives du Grand Rabbin, en janvier 1991, fut pour moi un électrochoc.
Il est clair que, jusqu’en janvier 1991, M. Bergès croyait encore à la version, devenue officielle, de l’histoire de la seconde guerre mondiale, version selon laquelle les nationaux-socialistes s’étaient acharnés pendant la guerre à pourchasser, traquer, débusquer, interner, déporter, exterminer tous les juifs d’Europe occupée.[2] En ouvrant les archives du Grand Rabbin Joseph Cohen, un autre monde était subitement apparu au professeur : celui de juifs qui, certes, pouvaient vivre dans l’angoisse mais qui, pour beaucoup d’entre eux, vaquaient à leurs occupations professionnelles, commerciales, confessionnelles et parfois entretenaient des rapports de confiance avec les autorités du gouvernement de Vichy et même, fût-ce sans doute à contrecœur, des relations ouvertes avec les autorités allemandes. Mis à part les cas de représailles, souvent aveugles, les juifs qui observaient les ordonnances allemandes ou les directives de « Vichy » ne risquaient pas l’arrestation et pouvaient fréquenter leurs synagogues dans lesquelles continuaient d’officier leurs rabbins.[3]
Au sujet de ces archives, pour lui soudain si révélatrices, le professeur écrit :
Elles révélaient une autre réalité faisant s’écrouler la suspicion systématique que j’avais à l’encontre de l’équipe préfectorale (en montrant clairement les relations de confiance du chef de la communauté israélite avec le service de Pierre Garat [chef du service des affaires juives de la préfecture de la Gironde], le préfet Sabatier et l’intendant de police Duchon), [et] force me fut de reconnaître que le dossier était plus complexe que je ne l’imaginais au début. Mes découvertes ultérieures dans les archives m’ont confirmé dans cette position précautionneuse (p. 322). (Soulignements de R.F.)
Exemptions du port de l’étoile jaune
Au nombre des surprises qui assaillirent alors M. Bergès figura, par exemple, le chiffre «stupéfiant en soi», nous confie-t‑il (p. 202), des exemptions du port de l’étoile jaune : 1 181 cas, dont 950 au bénéfice de juifs français et 231 pour des juifs étrangers. À vrai dire, ce chiffre n’est stupéfiant que pour ceux, historiens ou profanes, qui ont fini par ajouter foi, les yeux fermés, aux récits hallucinants dont on nous abreuve sur l’histoire des juifs pendant l’occupation. Rappelons au passage que l’astreinte au port de l’étoile jaune avait été édictée essentiellement pour des raisons de sécurité militaire et que le gouvernement de Vichy s’opposa avec succès à l’extension de cette mesure dans la zone dite libre.
Par sa fuite le Grand Rabbin avait provoqué arrestations et déportations
Contrevenant à une ordonnance allemande, Joseph Cohen avait fait passer l’un de ses enfants de son domicile de Bordeaux, zone militaire, en zone libre (p. 208). Encore une fois, pour des raisons de sécurité militaire, les Allemands ne pouvaient tolérer la libre circulation de personnes entre, d’une part, une zone militaire particulièrement sensible et une zone sur laquelle leur contrôle était limité et par trop indirect.
Aussi, le 16 décembre 1943, Lucien Déhan, délégué français de la police des Questions juives et le sous-lieutenant Erich Mayer, responsable allemand des Affaires juives, vinrent-ils interroger ou interpeller le Grand Rabbin à son domicile. Mais ce dernier, sans doute averti, avait pris la fuite. E. Mayer, estimant que J. Cohen devait se cacher chez d’autres juifs de Bordeaux, décida l’arrestation, de principe, de tous les juifs français de la ville.
[Le Grand Rabbin] devait se trouver caché […] dans une famille bordelaise. Les SS avaient d’ailleurs donné son signalement à la police française. Donc en arrêtant tous les juifs français de Bordeaux, on devait pouvoir le retrouver (p. 214).
Les autorités de la préfecture, y compris M. Papon, avaient pour habitude d’intervenir auprès des Allemands en faveur des victimes d’arrestations et de multiplier les expédients pour contrecarrer autant que possible les effets de la répression. Dans le cas de J. Cohen, les autorités françaises se trouvèrent comme paralysées et prises au piège : elles s’étaient en quelque sorte portées garantes du Grand Rabbin auprès des Allemands.
M. Papon explique comment, pris entre les exigences des Allemands, rendus à l’époque de plus en plus nerveux par le développement du terrorisme et de l’anarchie, et celles du gouvernement de Vichy, de plus en plus soucieux du maintien de l’ordre, la négociation était devenue quasiment impossible :
Les injonctions allemandes étaient plus brutales. Il ne restait plus guère de marge de manœuvre. De plus il est clair que nous étions un peu les garants du Grand Rabbin vis-à-vis des SS. Sa fuite rendait la négociation quasi impossible. Sans compter qu’en téléphonant à Laval, on s’est rendu compte de l’influence de Darnand ! Comment s’en sortir ? Les logiques totalitaires d’asservissement sont toujours inextricables (p. 217).
C’est à tort que M. Papon, dans cette dernière phrase, attribue au totalitarisme une ou des « logique(s) » qu’on retrouve plus simplement dans toute armée et toute police, fût-ce dans un régime démocratique, quand elles ont en charge le maintien de l’ordre en temps de guerre ; on a vu cette même « logique » s’exercer plus tard, sans l’excuse de la guerre, dans l’Allemagne occupée par les forces alliées.
Comme pour les attentats perpétrés contre les soldats allemands, les inévitables représailles accablèrent des innocents. M. Papon n’encourait aucune responsabilité dans ces représailles. Le seul responsable avait été l’irresponsable Joseph Cohen. Cela, ni Me Varaut au procès, ni M. Papon ou M. Bergès dans ce livre ne l’ont proclamé. Il est des interdits que personne n’ose enfreindre. J.-M. Varaut, M. Papon et M. Bergès ont tous trois un point commun : ils ont reculé devant la perspective de mettre les juifs en cause. Pourtant, ainsi qu’on le verra plus loin, l’intérêt aussi bien de la vérité et de la justice que de la défense de l’accusé aurait exigé une telle mise en cause.
Un honnête compte rendu du juif Frédéric Léon
Frédéric Léon, qui deviendra plus tard membre de la Résistance juive, fut épargné par les Allemands lors des opérations de représailles et, le 10 janvier 1944, il put donc adresser un compte rendu de ces événements dramatiques à Georges Edinger, responsable, à Paris, de la très officielle Union générale des Israélites de France (UGIF). Voici des extraits de sa lettre dont je souligne quelques fragments :
Resté à peu près seul [du personnel] à Bordeaux à m’occuper des pauvres, des malades et infirmes [juifs] qui nous restent, je prends la liberté de vous écrire quoiqu’inconnu de vous, pour vous mettre au courant de la situation qui est faite à nos coreligionnaires. Vous êtes certainement au courant du départ de notre rabbin, départ qui a entraîné des représailles, arrestation du personnel de la maison du Consistoire, ainsi que des vieillards de la maison de retraite et de son personnel au complet. Votre déléguée [de l’UGIF], Mlle Ferreyra, honorée et estimée de tous n’a pu supporter d’envisager la déportation et s’est suicidée devant ceux qui venaient l’arrêter […] et je suis tous les jours harcelé par les pauvres qui demandent quand ils vont pouvoir toucher les secours que Mlle Ferreyra leur distribuait au nom de l’UGIF […]. Il y avait à Bordeaux deux Messieurs qui étaient délégués par l’UGIF pour aider Mlle Ferreyra, mais tous deux se rendant compte que la carte de l’UGIF, loin de les abriter, ne servait en somme qu’à servir d’otage en cas d’histoires causées par les coreligionnaires, ne veulent plus rien entendre et s’en désintéressent […] ; sauf le cas de représailles on n’a jamais arrêté que ceux qui directement ou indirectement n’observaient pas les ordonnances [allemandes] (p. 209-210). (Soulignements de R.F.)
Cette dernière remarque était justifiée et valait pour la France entière. Après la guerre, ainsi que je l’ai dit, les troupes d’occupation des Alliés en Allemagne et en Autriche ne se priveront pas de recourir à des ordonnances identiques et, parfois, à des mesures nettement plus draconiennes (confiscation systématique de l’or, de l’argent, du platine, d’usines, de brevets, d’œuvres d’art ; obligation du port d’un signe distinctif pour des millions d’hommes, de femmes et d’enfants ; gigantesques déportations ou déplacements de populations ; représailles, exécutions sommaires, condamnations judiciaires ou extra-judiciaires des vaincus par les vainqueurs ; régimes politiques imposés, et même constitutions écrites par le vainqueur, millions de livres brûlés, etc.).
Un professeur candide et relativement courageux
Si je me suis limité à l’étude d’un seul aspect de ces entretiens de M. Papon avec le professeur M. Bergès, c’est que cet aspect, comparé à bien d’autres révélations du même ouvrage, me paraît essentiel. D’abord, il nous remet en mémoire ce qu’a réellement été, pendant les années de l’Occupation, la situation des juifs de France, que ceux-ci eussent été nationaux, assimilés, étrangers ou apatrides ; à ce point de vue, il contribue à faire litière de certains mythes de la propagande juive. Ensuite, il nous permet de prendre la mesure du degré de sidération où, plus d’un demi-siècle après les événements, sont parvenus des chercheurs de bonne foi comme M. Bergès; deviennent également apparentes la lenteur et les hésitations de ces chercheurs à retrouver les réflexes élémentaires de l’historien. À M. Bergès il aura fallu un « électrochoc » pour s’éveiller. Que n’avait-il lu les auteurs révisionnistes ! Il se serait épargné un long sommeil. Puis, une fois éveillé, s’il s’était inspiré du comportement de certains révisionnistes devant les tribunaux, il n’aurait pas «précautionneusement» ou frileusement rétabli la vérité des faits ; il aurait parlé haut. Il aurait, par exemple, souligné le caractère irresponsable du Grand Rabbin Cohen en particulier et, en général, de certains de ses « coreligionnaires », comme le dit Frédéric Léon.[4]
Un accusé innocent et trop respectueux
L’innocence de M. Papon « crève l’écran ». On sort de la lecture de cet ouvrage comme laminé par un appareil démonstratif des plus puissants. Il est évident que, respectueux de l’ordre établi comme pouvait l’être un haut fonctionnaire de l’époque, l’homme, pendant toute la guerre, n’a pas cessé, pour autant, de multiplier les entorses à son devoir d’état afin de venir en aide aux juifs. Je déplore que, trop bien élevé dans le respect des institutions, des bons usages et de la pure civilité, il s’en soit remis à un avocat, Jean-Marc Varaut, qui était plein de complaisance pour les tabous du siècle, pour ses confrères juifs ainsi que pour les photographes et le monde médiatique. J’avais conseillé à M. Papon d’axer sa défense non pas sur une ligne révisionniste – c’était trop lui demander – mais sur «les juifs bruns». Je lui avais indiqué les voies à suivre pour exiger l’ouverture complète des archives de l’UGIF, du Grand Rabbinat de France, du Consistoire central, de l’Aumônerie générale israélite, des Éclaireurs israélites de France, de la Fédération des sociétés juives de France, de l’American Joint Distribution Committee (organisme juif qui, avec l’autorisation des Allemands, avait ses représentants dans toute l’Europe occupée et distribuait de l’argent aux juifs !) et du camp de Drancy (avec son administration juive qui effectuait notamment le tri des « déportables » pour constituer les convois), et tout cela pour les années 1940-1944. Pour le coup, les juges de M. Papon, les parties civiles, les avocats juifs auraient subi un formidable « électrochoc », à coup sûr encore plus électrisant pour eux que ne l’avaient été, pour M. Bergès, les seules archives du Grand Rabbin de Bordeaux lues dans le secret d’un cabinet de travail. J’avais prévenu M. Papon que, dans ces archives-là, il découvrirait, du côté des instances juives, mille exemples de «collaboration», de « coopération » et de «recherches de compromis», plus ou moins forcées, avec le gouvernement de Vichy ou les Allemands. Au fond, les responsables juifs de France n’ont pas fait exception. Ils ont, eux aussi, manœuvré, louvoyé, donné pour recevoir, pratiqué la politique du moindre mal, navigué à l’estime tout comme la plupart des représentants de l’État français, en particulier Philippe Pétain, Pierre Laval et les membres du corps préfectoral. J’avais également conseillé à M. Papon d’exiger l’ouverture des archives du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) afin de rendre public le dossier de ces scandaleux procès à huis clos où, après la guerre, des juifs accusés de collaboration avaient bénéficié du privilège de passer devant des « tribunaux d’honneur » uniquement composés de leurs coreligionnaires : tous les accusés avaient été acquittés ! J’avais même précisé à M. Papon que ses propres avocats auraient la tâche facile : il leur suffirait de reprendre mot pour mot, au bénéfice de leur client, les arguments employés par les juifs, aussi bien par les juifs qui, accusés, présentaient leur défense que par les juges israélites de ces tribunaux d’exception désireux de justifier leurs verdicts d’acquittement. On aurait alors constaté que les juifs n’avaient pas de leçons de conduite à donner aux Gentils. Pour ne prendre qu’un exemple, les juges de M. Papon, qui devaient bien savoir que «juger, c’est comparer», auraient ainsi appris qu’au chapitre des Français morts en déportation pour cause de résistance (et non pour crimes ou délits de droit commun) il était, dans l’absolu, certainement mort plus de prêtres catholiques ou de pasteurs protestants que de rabbins ou de ministres du culte israélite. Seuls dix-sept rabbins furent déportés ; encore faudrait-il connaître le motif exact de la déportation dans chaque cas. Au sujet du Grand Rabbin Kaplan qui, pendant la guerre, avait entretenu de bonnes relations avec le gouvernement de l’État français et qui, après la guerre, avait eu pour cette raison à essuyer quelques critiques, Simon Schwarzfuchs écrit :
[Il] n’eut aucun mal à reconquérir cette sympathie [dont il bénéficiait de la part de ses coreligionnaires] une fois que ses fidèles furent mieux renseignés sur le rôle qu’il avait joué pendant la guerre. On peut d’ailleurs considérer que les diverses communautés [juives] ne furent pas mécontentes du rôle joué par leurs rabbins pendant l’Occupation : la très grande majorité n’avait pas songé à quitter leur poste pour la Suisse ou l’Espagne, ni même pour la clandestinité. Les services religieux furent régulièrement célébrés partout où le nombre et la disponibilité des fidèles le justifiaient. À Paris la plupart des grandes synagogues étaient restées ouvertes pendant toutes les hostilités. («Les Consistoires : la reconstruction dans l’immédiat après-guerre (1945-1949) », Le Monde juif, septembre-décembre 1996, p. 97). (Soulignements de R.F.)
Une mascarade judiciaire
À la lecture de ce solide ouvrage de M. Papon et de M. Bergès, on constate que la machine judiciaire française mérite sa détestable réputation. Le procès Papon, le plus long procès criminel de notre histoire, aura été une disgrâce pour le président de la cour d’assises (on retiendra à ce propos le nom de Jean-Louis Castagnède), pour ses assesseurs, pour le ministère public, pour les parties civiles et aussi, malheureusement, pour Me Jean-Marc Varaut, avocat principal de M. Papon. On passera sur l’infâme comportement d’autres instances, judiciaires ou extra-judiciaires, et sur la somme de faux témoignages, d’expertises orientées, de silences organisés dont cette mascarade judiciaire, digne des procès d’Épuration politique, s’est montrée si prodigue.
Paradoxalement, c’est dans un ouvrage d’Arno Klarsfeld (La Cour, les nains et le bouffon, Laffont, 1998), l’un des avocats juifs des parties civiles, qu’on trouvera, à supposer qu’il en fût besoin, d’autres révélations sur cette mascarade et sur ceux qui, de chaque côté de la barre et en dehors du prétoire, y participèrent. Seul, Me Francis Vuillemin, l’un des avocats de l’accusé, y tint, et y maintint, un rôle honorable.
Le procès Papon aura été, somme toute, une ignominie de plus dans l’histoire de cette guerre franco-française ou franco-juive commencée il y a quelque soixante ans.[5] À l’instar de tous les procès contre les prétendus « criminels de guerre » nazis, il aura fait fi de principes traditionnels comme la responsabilité individuelle, la non-rétroactivité des lois, la présomption d’innocence et la prescription.
Additif
Le 2 avril 1998, au terme d’un procès de six mois, Maurice Papon, à 87 ans, a été condamné à une peine de dix ans de réclusion criminelle pour « complicité de crimes contre l’humanité » (entendez : de crimes contre les juifs) ainsi qu’à dix ans d’interdiction des droits civiques, civils et de famille ; ses décorations lui ont été retirées. Le fracas médiatique a été si assourdissant et a accrédité tant de mensonges qu’encore aujourd’hui on s’imagine volontiers en France que ce procès a fourni l’occasion de démontrer l’existence des chambres à gaz nazies et la réalité concrète d’un programme nazi d’extermination du peuple juif. Il n’en a rien été. Me Alain Lévy, l’un des avocats les plus acharnés contre M. Papon, vient, à ce point de vue, de ramener les conséquences réelles de ce procès à leurs justes proportions. Lors d’un récent colloque sur le révisionnisme (le « négationnisme », comme il est dit dans le jargon de la Novlangue, chère à Big Brother), il a déclaré :
La Cour a retenu la complicité de crime contre l’humanité mais a acquitté [M. Papon] du chef de complicité d’assassinat. Il a donc été reconnu coupable [seulement] de l’arrestation et de la séquestration de 57 personnes (alors que 1 560 juifs ont été déportés sous sa responsabilité de juin 1942 à mai 1944) mais pas de leur mort (Chérifa Benabdessadok, « Colloque sur le négationnisme », Différences [publication du MRAP], mars 2000, p. 2).
C’est donc essentiellement pour complicité d’arrestation et de séquestration (!) de cinquante-sept juifs, il y a plus de cinquante ans, qu’aujourd’hui un nonagénaire égrotant va probablement mourir dans une prison française.
Me Jean-Marc Varaut dort-il content ?
15 mars 2000
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Notes
[1] Le mot de « révélations » n’est pas pour plaire à M. Bergès mais il me paraît s’imposer ici.
[2] Si, pendant quatre ans, les Allemands et les autorités de Vichy s’étaient livrés à une telle chasse à l’homme, jamais la très grande majorité des juifs de France (français, assimilés, étrangers ou apatrides) n’aurait survécu à l’Occupation. Même une Annette Wieviorka peut écrire aujourd’hui : « Quatre juifs sur cinq ont donc été sauvés » (Auschwitz expliqué à ma fille, Le Seuil, 1999, p. 45). Encore l’historienne s’appuie-t-elle, pour évaluer le nombre des morts en déportation, sur les chiffres de Serge Klarsfeld, chiffres dont j’ai démontré l’exagération.
[3] Dans beaucoup de leurs camps, les juifs étaient bien traités et relativement libres de leurs mouvements ; ils pouvaient même bénéficier de permissions pour se rendre dans la ville la plus proche. Voyez, par exemple, le récent ouvrage de Mouny Estrade-Szwarckopf et Paul Estrade, Un Camp de Juifs oublié : Soudeilles [Corrèze] (1941-1942), éd. Les Monédières, 1999, 246 p. Dans ce camp, il n’y avait « pas de fils barbelés, pas de miradors, pas de sévices corporels, un encadrement sympathique, sans haine, sans réflexions désobligeantes, très compréhensif » et l’attitude de la population était « cordiale et sympathique » (p. 9). Il n’y avait ni gendarmes ni police (p. 39). Il y avait, dans de bien modestes proportions, concerts, théâtre et cabaret (p. 46-48). Des rabbins y officiaient dont un jeune rabbin de Brive qui, après la guerre, « devait finir Grand Rabbin du Canada » (p. 43).
[4] Entre le Grand Rabbin Cohen et les responsables de la préfecture s’était développée une collaboration active et confiante. Pour ne prendre que cet exemple, le Grand Rabbin croyait si peu à ce qui se raconte aujourd’hui sur le sort des enfants juifs qu’ayant recueilli quatre enfants juifs il les restitua à la préfecture et aux Allemands, le moment venu, dans la pensée qu’ils allaient ainsi rejoindre leurs parents (Le Figaro, 20 janvier 1998, p. 32). Rappelons que les Allemands n’ont fini par déporter des enfants que sous la pression des autorités françaises, civiles ou religieuses, désireuses d’éviter la dislocation des familles.
[5] Je renvoie aux quatre volumes de mes Écrits Révisionnistes (1974-1998) sur le procès Papon ainsi que sur le sujet des « juifs bruns » et de «l’internationale juive de la collaboration». Si le temps m’en est donné, je publierai une étude sur les juifs résidant à Vichy au temps de l’État français. On y lira, en particulier, un développement sur l’attentat perpétré une nuit d’août 1941 par de jeunes doriotistes contre la synagogue de Vichy. Cet attentat, qui ne provoqua que quelques dégâts matériels à la façade de ladite synagogue, suscita la réprobation, indignée, des autorités locales et dans la presse française. La police découvrit immédiatement les auteurs et les arrêta. L’un d’entre eux, un jeune pupille de la Nation, mourut des suites de son «tabassage» par la police. Le procès fut instruit et mené avec une remarquable célérité et se conclut, le 12 décembre 1941, par des condamnations à des peines de prison ferme.