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Lettre à Maître Éric Delcroix

Lettre non confidentielle à verser aux débats

LICA et tous autres contre Faurisson

Cher Maître,

La décision en est donc prise : nous ne communiquerons au tribunal et à la partie adverse que mon livre intitulé Mémoire en défense et quelques pièces qui sont en rapport étroit avec nos conclusions. Vous m’avez dit qu’il valait mieux renoncer à communiquer, d’une part, le gros recueil photocopique ou photographique que j’avais constitué et, d’autre part, mon étude minutieuse de toutes les pièces, prises une à une, qu’avait déposées la partie adverse.

Vous me dites qu’après communication aux adversaires le contenu du recueil ne pourrait être protégé contre des divulgations partielles et tendancieuses de documents que j’y ai insérés et sur lesquels je n’ai évidemment pas de propriété intellectuelle.

Je tiendrais cependant à ce que le tribunal puisse se faire une idée à la fois de mon recueil et de mes remarques sur les pièces déposées par la partie adverse.

Mon recueil, pour commencer par lui, constitue un ensemble de cinq cents pages environ de photographies et de documents qui sont en grande partie inédits.

– La première partie de ce recueil contient des plans d’Auschwitz et de Birkenau que, depuis trente-cinq ans, on s’est bien gardé de publier alors qu’ils concernent pourtant les fameux crématoires-« chambres à gaz ».

– La deuxième partie groupe des documents techniques venant d’Auschwitz et qui sont en bien meilleur état que ceux déposés par la partie adverse ; il groupe aussi une centaine de photographies d’Auschwitz d’origine soit soviétique, soit polonaise, soit américaine ; on y voit en particulier des photographies de femmes ou d’enfants, de vieux ou de vieilles qu’on n’aurait normalement pas dû trouver vivants et même bien vivants à la libération du camp en janvier 1945.

– La troisième partie concerne encore Auschwitz et comprend quatre types de publications, d’origine surtout polonaise ; on y fait d’étonnantes découvertes sur le camp et, en particulier, sur les femmes ayant accouché à Auschwitz ou sur les enfants qui y sont nés, sur le sort ultérieur des unes et des autres, sur les installations hospitalières à Auschwitz et à Birkenau, sur les désinfections, etc.

– La quatrième partie intéresse Majdanek et quelques autres « camps et lieux d’extermination ». On peut y voir quatre ensembles photographiques différents sur «la» ou « les » « chambres à gaz » de Majdanek, selon que sur ce point l’on accorde foi ou bien à Olga Wormser-Migot, ou bien à Léon Poliakov, ou bien à un ouvrage officiel autrefois publié par le musée, ou bien, enfin, à ce qu’on montre au touriste d’aujourd’hui.

– Le cinquième ensemble concerne la « chambre à gaz » du Struthof.

– Le sixième ensemble traite du Zyklon-gaz cyanhydrique.

– Le septième, intitulé « Divers », comporte de nombreuses pièces édifiantes et en particulier le résultat de l’enquête menée par le Comité d’histoire de la deuxième guerre mondiale sur le nombre des déportés de France raciaux et non raciaux ; ce résultat est tenu caché depuis décembre 1973 ; M. Pierre Vidal-Naquet vient d’oser écrire :

Faurisson présente (VHVP, p. 98 et 115) comme inaccessibles les résultats du Comité d’histoire de la seconde guerre mondiale sur le nombre total des déportés non raciaux. On les trouvera tout simplement dans J.-P. Azéma, De Munich à la Libération, Seuil, 1979 p. 189 : soixante-trois mille déportés dont quarante et un mille résistants, estimation évidemment inférieure à celles qui avaient cours jadis.[1]  

On s’étonnera d’abord qu’il ait fallu attendre 1979 pour livrer, bien discrètement, le résultat d’une enquête de vingt ans déjà établi en décembre 1973. On s’étonnera ensuite de ce que M. Azéma ne souffle pas mot du chiffre des raciaux et de ce que M. Vidal-Naquet, bien loin de souligner ce point, l’ait escamoté. Au moins, M. Azéma avait-il l’honnêteté d’écrire : « Soixante-trois mille déportés non raciaux » (souligné par moi). M. Vidal- Naquet, lui, supprime ce « non raciaux » qui aurait éveillé peut-être dans l’esprit du lecteur la question suivante : « Pourquoi ne nous donne-t-on que le chiffre des non raciaux et pas celui des raciaux ? » Je peux donner une réponse à cette question que tout le monde cherche à éviter. Ma réponse est que le Comité en question est parvenu à un chiffre si bas en ce qui concerne les déportés raciaux de France que la révélation de ce chiffre ouvrirait en France et dans le monde entier un formidable débat. Je vais me faire un devoir de révéler ce chiffre si les circonstances m’y contraignent. Au moins le tribunal connaîtra-t-il ainsi une pièce que je m’apprêtais à lui révéler en déposant ce septième ensemble de pièces.

J’en viens aux pièces déposées par la partie adverse. Elles sont consternantes. Tout cela respire l’amateurisme. Peut-être mes adversaires s’imaginent-ils que la différence qui nous sépare est qu’ils sont démocrates tandis que je serais nazi, ou sains d’esprit tandis que je serais fou, ou honnêtes tandis que je serais malhonnête. Qu’ils n’aillent donc pas chercher si loin ! La différence essentielle qui nous sépare est simple : je travaille ; ils ne travaillent pas.

Le fatras qui nous a été remis à preuve de l’existence des « chambres à gaz » et du « génocide » est une honte. Je n’y ai pas découvert l’ombre de l’ombre du commencement d’une preuve de l’existence par exemple d’une seule « chambre à gaz ».

Je vois la partie adverse se débattre pitoyablement dans le dilemme suivant : « Faut-il dire que le crime était un formidable secret ? Ou bien faut-il dire que le crime était un secret de polichinelle ? Faut-il montrer que les Allemands ont bien pris soin d’effacer toute trace accusatrice ? Ou bien ne vaut-il pas mieux déclarer qu’ils ont laissé mille et une preuves du crime? Faut-il prétendre que les Allemands utilisaient un langage « codé » et même « surcodé » ou bien faut-il dire qu’ils s’exprimaient franchement et cyniquement ? Faut-il dire que Himmler recommandait le secret ou bien faut-il dire qu’il donnait l’exemple de la fanfaronnade dans le crime ? On savait tout ou on ne savait rien ? Va-t-on dire que les Allemands, se sentant vaincus, ont fait sauter la « chambre à gaz », mais alors comment expliquer qu’ils aient laissé intactes la « chambre à gaz » d’Auschwitz-I tandis qu’ils faisaient sauter celles d’Auschwitz-II (Birkenau) ? Comment faire entendre qu’ils ont sauvegardé celle du Struthof (en Alsace), celle de Stutthof près de Danzig, toutes celles de Majdanek? Faut-il montrer au tribunal des photographies détaillées de ces fameux instruments du crime retrouvés providentiellement intacts ? Faut-il dire qu’il ne peut y avoir de témoins des massacres en « chambres à gaz » ou bien faut-il dire qu’il y en a eu et laisser ainsi la parole aux Filip Müller, Dov Paisikovic, Martin Gray et autres Jankowski?

On admire la discrétion de la partie adverse en ce qui concerne ces photographies. Elles auraient dû figurer au centre du procès. Elles auraient dû être accompagnées d’autant d’expertises ! De vraies expertises, pas d’expertises factices.

Au lieu de cela, nous avons eu droit aux grattages du dossier du commandant Jadin pour le Struthof et à une enquête bâclée de trois… médecins sur le Struthof encore, sans compter l’absence de l’enquête du toxicologue René Fabre. Pour ce qui est d’Auschwitz on a l’indécence d’invoquer contre un professeur français et devant un tribunal français des résultats d’enquêtes staliniennes ! Si un jour un intellectuel français, digne des professeurs français qui soutenaient mordicus Staline dans ses accusations contre les assassins en blouse blanche, venait reprendre à son compte ces ignobles accusations, irait-on demander à un tribunal français de prendre en considération les « expertises » soviétiques ? Idem pour Katyn. Idem pour Vinnitsa. Idem pour le procès d’Arthur London et pour cent autres procès de ce genre où jamais les aveux n’ont bien sûr manqué. Quand le juge d’instruction polonais Jan Sehn a prétendu démontrer l’existence de « chambres à gaz » à Auschwitz et quand il a fini par déclarer qu’il y avait eu à Auschwitz plus de quatre millions de morts (chiffre qu’aujourd’hui les pires exterminationnistes officiels divisent par quatre), sait-on que la Commission nationale soviétique sur Auschwitz avait déjà publié, le 6 mai 1945, une enquête qui concluait à la mort de près de cinq millions d’internés ? L’enquête portait notamment les signatures de l’académicien – quelque peu tricheur – Lyssenko et du métropolite Nicolas qui, lui, avait signé l’enquête déclarant Katyn crime allemand. Il existait à Cracovie un Institut d’expertises judiciaires. Or, jamais cet institut n’a expertisé de « chambre à gaz » !!! Il a expertisé des objets sur lesquels il était normal qu’on découvre des traces de gaz cyanhydrique : cheveux, pièces métalliques (comme de morgues, par exemple). Pendant la guerre, chez tous les coiffeurs d’Europe on récupérait les cheveux coupés pour en faire, par exemple, des pantoufles. Ces cheveux, il fallait bien les désinfecter. Dans ce cas, les Allemands utilisaient pour leur part le Zyklon. N’était-il donc pas normal de trouver des traces de Zyklon B dans une usine silésienne fabriquant des tapis et des feutres ? Il est moins normal d’avoir remis ces cheveux au directeur du musée d’Auschwitz pour les présenter comme une preuve des crimes allemands ! (Voyez pièces n° 6 et 17, communiquées le 9 juillet 1980.) Car – il faut bien le dire ici – les cheveux devant lesquels on demande aux millions de touristes du musée d’Auschwitz de se mettre en émoi viennent au moins en partie d’une usine de feutres et de tapis sise à Kietrz (Haute-Silésie) et ont très bien pu appartenir, notamment, à de blondes Allemandes.

Au lieu d’être matérialiste et de s’intéresser à la matérialité des faits, la partie adverse a dû se contenter de spéculations pseudo-intellectuelles sur des mots allemands auxquels, selon la tradition exterminationniste, elle est allée chercher des significations diaboliques. Dans le film Les Sorcières de Salem on peut voir un juge se livrer à l’évaluation de chacune de ses preuves contre la sorcière ; il compte à peu près ainsi : « un quart de preuve + un quart de preuve + une demi-preuve = une preuve ». Les exterminationnistes procèdent de la même manière et comptent :

– une action spéciale + un traitement spécial + une solution finale = une extermination dans les chambres à gaz.

Chaque terme de l’addition étant soigneusement détaché de son contexte immédiat, il va de soi qu’on peut créer tous les faisceaux de sens que l’on voudra. On affecte d’ignorer que le terme de « spécial » était aussi courant dans la langue militaire ou médicale allemande qu’il l’est dans la langue militaire ou médicale française. Dans les pièces mêmes versées par la partie adverse, on rencontre des « trains spéciaux » pour les travailleurs comme pour les « émigrants » juifs, des baraquements «spéciaux» pour les malades ou pour les nouveaux arrivants, des mesures «spéciales» d’hébergement. D’une façon plus générale, « traitement spécial » n’a que le sens que lui donne son contexte. Il peut s’agir de soins médicaux, de mise en quarantaine pour un convoi qui arrive au camp, de transfert à part et, pour en arriver aux extrêmes, il peut s’agir aussi bien de traitement de faveur que d’exécution. Comme le reconnaît M. Vidal-Naquet lui-même : « Bien entendu, “Sonderbehandlung” (traitement spécial) pouvait aussi avoir un sens parfaitement bénin[2]. » S’il affirme cela, c’est qu’un contexte donné lui permet de l’affirmer. Mais la partie adverse, elle, s’est constamment abstenue de nous fournir un contexte quand elle a traduit «traitement spécial» par extermination de masses entières. Quand elle a voulu montrer que ce mot pouvait signifier que quelques individus étaient « à fusiller », elle a prouvé son interprétation, mais quand il s’est agi pour elle de montrer que le même mot voulait dire « à exécuter » s’agissant de personnes débarquant en masse du train, elle n’a pas essayé de fournir la moindre preuve à l’appui de son interprétation.[3]  

En allemand comme en français, « soigner quelqu’un », lui accorder un « traitement spécial » peut avoir un sens ironique et l’on comprend que les Allemands aient parfois voulu éviter l’emploi du terme de « traitement spécial » s’il pouvait, dans un contexte donné, laisser croire à un massacre. L’idée que l’Allemagne vivait dans un secret total ou qu’elle se moquait de donner prise à la propagande alliée est fallacieuse. Un récent ouvrage de Walter Laqueur, The Terrible Secret. An Investigation into the Suppression of Information about Hitler’s Final Solution, prouve, s’il en était besoin, que les Alliés étaient admirablement renseignés, tout comme les pays neutres et le Vatican, sur ce qui se passait en Allemagne et dans les territoires occupés. J’ai, de mon côté, découvert aux National Archives de Washington, dans les archives déclassées de l’OSS (ancêtre de la CIA) que, grâce à trente-deux missions aériennes sur le site d’Auschwitz et de son complexe industriel et grâce à l’espionnage ou aux mouvements de résistance, les Alliés avaient fini par connaître Auschwitz presque comme s’ils s’y étaient trouvés !

La partie adverse s’est livrée au même labeur spéculatif sur un terme comme Vergasung ou sur l’expression de « Zyklon sans produit avertisseur ». Sur Vergasung, elle affecte de croire que ce mot ne peut pas avoir, à côté des sens de « gazéification » ou de « gazage », le sens pourtant très courant de «carburation»! Quant au sens de « gazage », elle le limite à celui de « gazage criminel d’êtres humains », alors que RIEN dans les documents remis n’autorise une pareille interprétation. Voici, par exemple, dans la pièce 67 un message-radio du 22 juillet 1942 adressé sous la signature du général Glücks au camp d’Auschwitz. Ce message se lit ainsi :

Par la présente, j’accorde l’autorisation d’effectuer le trajet aller-retour d’Auschwitz à Dessau [endroit où se livrait le Zyklon-gaz cyanhydrique] pour un camion de cinq tonnes, afin d’aller chercher du gaz destiné au gazage du camp, pour lutter contre l’épidémie qui s’est déclenchée.

Le texte allemand donne Gas zur Vergasung et c’est, je le rappelle, pour lutter contre cette épidémie que le professeur Johann-Paul Kremer viendra à Auschwitz remplacer un médecin tombé malade.

Quant au « Zyklon sans produit avertisseur », je renvoie à la pièce 41 où l’on peut lire :

À l’époque où nous avions encore des livraisons à destination de l’étranger, environ jusqu’en 1937, il pouvait arriver qu’on livre du Zyklon sans produit d’avertissement ou qu’il soit destiné à être appliqué à des produits sensibles en Allemagne. 

L’absence de ce produit n’impliquait donc rien de criminel. Ce produit était simplement un luxe aux effets parfois fâcheux pour certaines marchandises. Il s’agissait de Bromessigsäure-Methylester[4] et je crois savoir que le 7 mars 1945 l’usine qui fabriquait ce produit avait été détruite par un bombardement.

Le comble de la spéculation est atteint quand la partie adverse donne au mot de Gaskammer ou de Gasraum le sens de « chambre à gaz » homicide alors que le contexte nous prouve qu’il s’agissait de chambre à gaz d’essai pour les masques (voyez le Struthof) ou de chambre à gaz de désinsectisation ou de désinfection (voyez, dans la pièce 131, le travail de serrurerie du 28 mai 1943, où il se confirme que ces portes à œilleton, etc., dont il est assez souvent question, sont des portes de ce que l’on appelle indifféremment Gaskammer (chambre à gaz) ou Entwesungskammer (chambre de désinsectisation).

La partie adverse s’est gardée de nous fournir des plans d’Auschwitz-Birkenau où l’on voit paraître en toutes lettres le mot de Gaskammer. La raison en est que ce mot désigne une partie de bâtiment lui-même qualifié d’installation de désinfection. On voit, à gauche, la partie contaminée par laquelle entrent les gens, puis la salle de déshabillage, puis, d’une part, la salle de douches et, d’autre part, la chambre à gaz avec son sas d’entrée et de sortie ; enfin, sur la droite se voit la salle de rhabillage et la sortie dite du côté propre.

Mais il y a beaucoup plus intéressant.

Dans les cartons du Struthof, on trouve un plan du crématoire de Natzweiler. Ce plan a été dessiné par le commandant français de ce camp après la libération. Il montre que la partie droite du crématoire était réservée à l’incinération tandis que la partie gauche était à vocation sanitaire. Très honnêtement, le commandant explique par le menu comment se faisait la désinfection dans cette partie gauche. Il n’essaie pas de nous faire croire que dans cette partie on gazait les prisonniers. Or, ce plan du crématoire de Natzweiler ressemble étrangement à celui des crématoires-IV et IV de Birkenau. On découvre ainsi que les Polonais communistes ont tout simplement baptisé à leur façon, qui est malhonnête, ce qu’un commandant français a tout simplement et honnêtement nommé de façon adéquate. Je suis en mesure de démontrer au tribunal, grâce à un plan-maquette où je substitue les appellations polonaises aux appellations françaises ou vice versa, qu’il y avait en Europe (précisément à Natzweiler) une « chambre à gaz » homicide de plus que ne l’imaginaient les pires exterminationnistes, ou, en sens inverse, deux installations de gazage homicide en moins à Birkenau : je veux dire aux crématoires-IV et V.

Je voudrais parler maintenant d’un point particulièrement grave. Il touche aux procès dits de «criminels de guerre». Il touche à la justice et je le crois aberrant pour tout honnête homme. Il s’agit d’une pratique constante de la justice allemande, en particulier. Lisez dans Justiz und NS-Verbrechen ou dans de nombreuses pièces remises par la partie adverse tout ce qui a trait aux jugements de condamnation prononcés contre tel ou tel SS. Vous y découvrirez ou vous croirez y découvrir que les accusés ont, les uns après les autres, reconnu qu’il y avait une ou plusieurs «chambres à gaz» dans les camps où ils effectuaient leur service. En effet, à chaque fois se lisent de longs considérants qui décrivent l’historique du camp et le processus de « gazage ». Puis, après la description de ces horreurs, on trouve que le verdict est en général dérisoire par rapport à la somme des atrocités rappelées.

Or, il y a là pour le profane le risque d’une terrible erreur. Tout est fait pour que le profane s’imagine que ces récits viennent de l’accusé ou bien ont reçu son aval. Il n’en est rien. Ces récits sont le fait du tribunal. Et, après ces récits atroces, par exemple sur Belzec, le tribunal ajoute : « C’est dans un tel camp que se trouvait l’accusé Untel. En conséquence, cet homme a été complice de ces atrocités-là par sa simple présence dans le camp. » Et le tribunal se livre alors à une comptabilité digne des procès de sorcellerie. Il dit par exemple que, du temps où l’accusé était sur place, il a dû arriver tant de convois, lesquels devaient compter en moyenne tant de personnes, sur le nombre desquelles on a dû gazer tant d’arrivants. Le tribunal comptant ainsi par paquets de cent ou de mille, sans vérification, décrète que l’accusé a eu automatiquement une participation au crime dans tant de cas intéressant tant de victimes.

Je recommande particulièrement la lecture de la pièce 31 ou 92 où il est question du procès fait à Oberhauser par le tribunal de Munich en 1965. Le résumé historique bâti par le magistrat est particulièrement honteux. On le voit, par exemple, écrire que le décret « Nuit et Brouillard » a été pris secrètement le 1er septembre 1939 pour ordonner le meurtre des malades mentaux. Il y a là en quelques mots tant d’inepties que je préfère n’en relever aucune. Pendant cinq pages, le magistrat récite son antienne sur la « solution finale » comme s’il était un spécialiste de la question, puis il parle du camp de Belzec, un camp de deux cent cinquante mètres sur deux cents où, selon lui, de mars à mai 1942, quatre-vingt-dix mille personnes au moins trouvèrent la mort et trois cent mille personnes au moins dans la période de juillet à novembre 1942. Puis on en vient à l’accusé Oberhauser. On se demande ce que cet Oberhauser a fait concrètement. Voici la stupéfiante réponse : « Dans la période de la mi-mars au 1er août 1942, il reçut, dans cinq cas au moins, à la porte du camp les convois de chemins de fer arrivant au camp de Belzec et comptant au moins cent cinquante personnes. Il surveillait le déchargement des convois et faisait en sorte que le personnel accompagnant le train ne pénétrât pas dans la zone du camp et fût maintenu à l’extérieur du camp prêt à intervenir en cas d’une révolte ou d’une tentative désespérée de fuite de la part de ces hommes voués à la mort, pour renforcer la chaîne des surveillants extérieurs. La totalité des juifs arrivés dans ces convois fut tuée de la manière décrite ci-dessus. » Le jugement est le suivant :

Oberhauser Josef […], garçon de café à Munich, actuellement en détention préventive […] pour complicité de meurtre collectif dans trois cent mille cas et pour cinq autres crimes de complicité de meurtre dans cent cinquante autres cas, est condamné à une peine totale de quatre ans et six mois de réclusion.

Tous les procès allemands, si courts ou si longs soient-ils, sont taillés dans cette étoffe-là. Aussi ne doit-on pas s’étonner que la partie adverse ait tenu à nous livrer le texte de plus d’un jugement, y compris celui de l’affaire Lischka. Dans cette affaire, il est de notoriété publique en France que Lischka et tous autres ont nié avoir eu connaissance de déportations pour l’extermination. Ils reconnaissaient l’existence du terme de « solution finale » mais rien ne leur avait fait soupçonner que cette solution pût être autre chose qu’une évacuation forcée vers l’Est. Or, lisez la pièce 30! Le tribunal y va de son antienne sur les « gazages » si bien qu’un honnête homme ne peut qu’être conduit à croire ou bien que Lischka a admis la réalité de ces «gazages», ou bien que le tribunal les a dûment établis.

En Allemagne, la collusion entre les magistrats et les historiens officiels est une réalité de tous les procès de ce genre. Il y a là un véritable cercle vicieux ou une inadmissible pétition de principe. Ne sont admis comme historiens que ceux qui confessent leur foi en l’extermination ; ils sont les seuls experts que les tribunaux acceptent de désigner ou de consulter ; les autres sont tenus pour des gens qui tomberaient sous le coup de la loi par le simple fait qu’ils nieraient l’extermination ou en douteraient. Quant aux historiens exterminationnistes, ils rendent de vibrants hommages à la justice allemande sans la contribution de laquelle, disent-ils, les historiens ne seraient pas avancés comme ils le sont. Ils ajoutent que le phénomène de cette contribution d’un appareil judiciaire au développement de la science historique est à signaler comme une heureuse innovation.

J’ai deux mots à dire de l’un de ces historiens : il s’agit de M. Wolfgang Scheffler. Ce personnage s’est fait une spécialité des expertises exterminationnistes. Pour son malheur, il a eu à me rencontrer dans un long débat à la télévision suisse italienne en 1979. Je dois dire que j’avais fait en sorte que cet historien ne s’attende pas à me rencontrer. Je dois dire aussi que la déconfiture de ce spécialiste a été spectaculaire quand j’ai eu le loisir de montrer mes documents sur Auschwitz et de prouver les supercheries polonaises. Ce long débat a été enregistré et, à deux reprises en quinze jours, il a été intégralement diffusé. Il est donc possible d’y vérifier les audacieuses affirmations de M. Scheffler.

Dans la pièce 98, ce dernier dit que j’ai mensongèrement affirmé l’avoir vu à l’Institut d’histoire contemporaine de Munich et il ajoute que je prétends avoir effectué des visites de travail à Ludwigsburg, ce qui, ajoute-t-il, est également faux. La vérité est que je n’ai jamais dit avoir été dans aucun de ces deux centres pour la bonne raison que, si j’ai été en rapport épistolaire avec ces centres, je ne les ai jamais fréquentés. J’ai simplement eu à la télévision une réflexion sur l’Institut de Munich auquel je croyais, à tort, qu’appartenait M. Scheffler ; je lui ai dit en substance que je comptais sur lui pour m’ouvrir l’accès de cet institut ; c’était là une allusion au fait que j’avais eu de graves démêlés avec M. Broszat, directeur de cet institut, et c’était une allusion aussi au fait que j’avais été chassé d’un institut historique de Vienne quand on avait su mon nom ; je rappelle que j’avais aussi été chassé du CDJC de Paris. Mais je recommande néanmoins cette lettre de M. Scheffler à Me Jouanneau ; on y verra comment un historien réputé le plus grand spécialiste allemand de l’extermination s’esquive quand on lui demande de répliquer à un révisionniste.

M. Scheffler devrait avoir honte de me reprocher d’être resté « caché derrière un écran pendant les débats ». Veut-il donner à entendre que je suis un lâche et que je n’ose prendre la responsabilité de mes propos ? Si, depuis plusieurs années, j’essaie de cacher mon visage et si je ne me laisse photographier que lorsque je ne peux pas faire autrement, c’est tout simplement que ma vie est en danger. Et si ma vie est en danger, c’est à cause de l’atmosphère d’hallali qu’on développe en France et ailleurs autour de ceux qui, comme moi, proclament que « chambres à gaz » et « génocide » forment un seul et même mensonge historique.

Quel intérêt aurais-je à soutenir une idée comme celle que je soutiens ? Que puis-je bien y gagner, sinon des coups, des injures, des procès? Est-ce de gaîté de cœur que je perds ma vie, mon temps, mon argent dans cette affaire ? Est-ce l’esprit tranquille que je constate les répercussions sur la vie de ma femme et de mes enfants des attaques véritablement ignobles dont je suis l’objet dans les médias ? Voit-on beaucoup de professeurs compromettre à jamais leur chère carrière et leurs chères études pour se lancer à corps perdu dans le plus terrible des combats, celui qu’on livre pour la vérité ?

J’ai dit que la vraie différence que je note entre mes adversaires et moi-même, c’est que je travaille tandis qu’ils ne travaillent pas. Oui, j’ai accompli un labeur de bénédictin. Mais qu’on ne croie pas à de la présomption de ma part. Si je dis qu’en face on a compilé au lieu de travailler, c’est pour la raison qu’il existe entre mes adversaires et moi-même une autre différence, fondamentale celle-là : c’est qu’eux ils avaient trouvé, tandis que moi, j’ai dû chercher. Eux, ils possédaient la vérité ; ils n’avaient donc pas à se fatiguer pour la découvrir ; pendant trente ans ils n’ont fait qu’orner et adorner leur vérité. Pour moi, qui n’avais pas la chance de posséder la vérité, pour moi qui sentais au contraire qu’un si bel assentiment général était suspect, pour moi qui voulais savoir et apprendre, tout était à faire ou à refaire. Je trouve plaisants les donneurs de leçons qui osent me reprocher de n’avoir pas consulté dans le cours de mes recherches un haut lieu de recherches comme, par exemple, le ministère de la Justice de Pologne communiste. De toute façon, un chercheur n’est pas une mouche du coche qu’on retrouve dans toutes sortes d’instituts de recherche. Chercher, c’est choisir et non se disperser. C’est savoir que sur le sujet qui nous intéresse les deux véritables centres qui comptent ne peuvent être que le CDJC de Paris et le musée d’Auschwitz, en Pologne. Chercher, c’est s’assurer des collaborateurs de recherche là où l’on ne peut pas se rendre soi-même, ne serait-ce que parce qu’on n’a pas d’argent. Chercher, c’est posséder d’abord et avant tout une méthode de recherche dont la mise au point peut demander presque toute une vie. Chercher, c’est savoir commencer par le commencement et, quand on est un intellectuel, savoir que les archives ont certes leur intérêt mais que ce qui est matériel, local, topographique, archéologique est d’une importance primordiale. Chercher, c’est déranger et inquiéter ; c’est se déranger soi-même et s’inquiéter. Ce n’est certainement pas se rendre la vie facile. Dans le cas présent, c’est heurter des gens décorés, riches ou honorés ; c’est froisser des professionnels de la leçon morale ou patriotique ; c’est contrarier toutes sortes de pouvoirs bien assis, des grands de ce monde et des petits chefs.

Je crois aussi, mais je peux me tromper et, de toute façon, cela n’a pas ici grande importance à mes yeux, que c’est lutter pour son prochain. Je suis bouleversé par l’étendue et la gravité du mensonge des « chambres à gaz » et du « génocide ». Franchement, je ne lui vois pas de précédent, bien que je connaisse quelque peu de l’histoire des religions. Cet atroce mensonge est nauséabond. La cervelle de nos contemporains en est infectée. On comprendra par conséquent avec quel soulagement je vois que de jour en jour, en France et à l’étranger, ce mensonge perd du terrain. Les anciens déportés (je veux parler des vrais déportés, qui ne sont pas forcément ceux qui crient et tempêtent aujourd’hui le plus) et les juifs qui me poursuivent ou me persécutent, tous ces gens qui me traitent de faussaire, de fou ou de nazi devraient retenir un instant leur coup et se poser la question de savoir si je ne suis pas du camp des opprimés et non des oppresseurs. Ils devraient aussi s’interroger sur la terreur, je dis bien la terreur, qu’ils essaient de faire régner autour d’eux et autour de leurs croyances ; leur terreur est redoutable dans le fait qu’elle est celle de gens non pas assurés du pouvoir mais au contraire affolés et terrorisés à l’idée de perdre ce pouvoir.

René Rémond, l’historien qui, en France, est le spécialiste éminent de l’histoire de la seconde guerre mondiale, est parfaitement au courant de mes travaux et de leurs conclusions. J’ai pu l’en entretenir à deux reprises, en 1978 et en 1979, après lui avoir fait tenir par correspondance une partie de ma documentation que je le priais de lire avec la plus grande attention pour qu’il ne soit pas amené à me poser des questions qui avaient leur réponse dans cette documentation. Je résumerai ici en trois phrases le sentiment de ce spécialiste tel qu’il a bien voulu l’exprimer devant moi :

– 1e phrase : « Vous travaillez bien. »

– 2e phrase : « Pour ce qui est des chambres à gaz, soit ; je suis prêt à vous suivre.»

– 3e phrase : « Pour ce qui est du génocide, connaissant le nazisme comme je crois le connaître, je pense qu’il était capable de cela, mais je dois reconnaître que je n’en possède pas de preuve scientifique. »

Cet homme a refusé de signer la pétition des trente-quatre historiens. Quant au procès qui m’est fait, il l’a trouvé « curieux ». Or, cet homme que j’ai adjuré de m’envoyer un mot pour y attester de ce qu’à son avis je « travaillais bien » n’a pas cru devoir le faire. Ou bien ce que je dis de cet homme n’est que mensonge ou fantaisie ou illusion de ma part, et alors n’en parlons plus ; ou bien ce que j’en dis est vrai, et alors je pose la question suivante : « N’est-ce pas la peur qui dicte à cet homme sa conduite et cette peur n’est-elle pas excusable quand on voit ce qu’il peut en coûter à l’un de ses collègues qui, lui, n’a pas eu peur de briser un tabou ? »

Le très grave problème que pose le procès qui m’est intenté par neuf associations ne pourra cependant pas être éludé. Pour donner une idée du cynisme de la partie adverse, je dirai que l’une de ces associations, celle de Me Klarsfeld (l’Association des fils et filles des déportés juifs de France) a été fondée après la parution des textes que Le Monde a publiés sous ma signature et qui me sont reprochés. Cette association a même inclus dans ses statuts un paragraphe qui me visait personnellement et dont la simple insertion, à mon avis, prouve que jusqu’ici aucune association n’avait prévu quoi que ce fût en ce sens et que c’est donc abusivement que les huit autres associations osent se prévaloir de leurs statuts pour me poursuivre.

Mais le cynisme de cette association ne s’arrête pas là et un avocat de la partie adverse a eu le front de dire que l’État d’Israël avait créé le précédent nécessaire en poursuivant Eichmann puisque cet État n’a été fondé qu’après les faits reprochés à Eichmann. Je dois dire aussi que la personne même de Me Klarsfeld donne à ce cynisme une touche particulièrement préoccupante. Voilà un avocat qui ne recule ni devant les coups de main, ni devant les menaces de mort. En 1978, au moment où la question se posait de savoir si le Tribunal de Cologne accepterait de juger Lischka, Me Klarsfeld s’était vu poser par Le Monde la question suivante : « Et si le tribunal de Cologne refuse de juger Lischka ? » Et Le Monde d’écrire : « Me Klarsfeld répond sans détours : “Ce serait en quelque sorte signer son arrêt de mort[5]. » Voilà qui n’était pas sans ouvrir la voie à une autre menace de mort, celle que m’adressait la LICA dans son organe intitulé – sans rire – Le Droit de vivre ; en effet, dans sa livraison de décembre 1978, p. 23, pouvait se lire la phrase suivante : « Ceux qui marcheront sur ses traces [celles de Darquier de Pellepoix] ne feront pas d’aussi vieux os. » Et dans cette livraison j’étais explicitement dénoncé.

Mais le plus stupéfiant dans cette affaire n’est-il pas la présomption de la partie adverse, qui attend d’un tribunal de la Seine qu’il résolve un point d’histoire controversé, cela en l’espace de quelques heures d’audition des parties et sans recours à l’audition du moindre expert ?

J’ai récemment entendu Mme Simone Rozès qui pourrait être le futur juge de l’élève Faurisson – déclarer à une émission des Dossiers de l’écran, qu’elle « ne possédait pas la science infuse », même dans son propre domaine des affaires d’enfants, et qu’elle avait recours à des experts en la matière. Pour la LICA et tous autres, Mme Rozès est certainement trop modeste. En matière d’histoire, les juges ont la science infuse. C’est bien connu.

Voilà, cher maître, parmi cent autres réflexions que m’inspire le dossier scandaleux de la partie adverse, quelques remarques que j’aimerais que vous joigniez à notre propre dossier.

Je vous remercie de votre dévouement et de votre désintéressement et vous prie de croire à ma très haute considération.

30 novembre 1980

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Notes

[1] P. Vidal-Naquet, Un Eichmann de papier. Anatomie d’un mensonge, p. 17, note 23.
[2] Id., p. 16, n. 16.
[3]  Si on rencontre « action spéciale » ou « traitement spécial » à propos de Buchenwald ou de Bergen-Belsen, faut-il comprendre que dans ces camps-là aussi on gazait ?
[4] Apparemment un composé d’ester de méthylène et d’acide bromique. [NdÉ]
[5] Le Monde, 26 juillet 1978, p. 4.