La thèse nullissime de Florent Brayard (lettre à un révisionniste)

Une fois de plus, d’une voix angoissée, vous m’avez fait part au téléphone d’une nouvelle qui n’en était pas une : la parution d’un livre de Florent Brayard sur « la solution finale ».

Ce livre a été publié par les éditions Fayard en octobre 2004 et ne fait que reprendre en gros une thèse soutenue par F. Brayard, il y a plus de trois ans, le 13 mars 2002. Le rapporteur en était Jean-Pierre Azéma et, dans le jury, figuraient notamment les compères Burrin, Friedländer, Rousso et Vidal-Naquet. On en avait parlé à l’époque. D’après les comptes rendus, il était manifeste que le thésard proposait une nième construction spéculative, une nième « usine à gaz », sur le sujet de la prétendue extermination des juifs, et cela sans produire aucun document nouveau capable de fonder la thèse exterminationniste. C’est ce que confirme son livre.

Je peux vous confier ici ce que j’ai écrit en tête de mon exemplaire : « NULLISSIME : un vrai Christopher Browning ». Puis j’ai reproduit une phrase de son introduction : «La structure générale [de ce livre] reprend celle de certains films ou de certains romans » (p. 24) et j’ai ajouté le commentaire suivant : « Pas que “la structure” ! »

Le titre du livre à lui seul relève de la tricherie. On n’a pas le droit de citer avec des guillemets La « solution finale de la question juive » puisque l’authentique formulation, quand elle était intégralement donnée dans un document allemand, était « une solution finale territoriale de la question juive », ce qui impliquait migration, émigration, transfert, transplantation ou déportation, mais non extermination physique ou assassinat.

La première partie s’ouvre, à la page 29, sur l’annonce d’une bombe qui, en fin de compte, fera long feu. Sous le titre « Un “plan confidentiel” de Himmler » F. Brayard cite un discours public de ce dernier (9 juin 1942) commençant par : « Nous devons sans faute avoir achevé la migration du peuple juif en un an ; ensuite, il n’y en aura plus aucun pour errer. Il faut donc à présent que table rase soit faite, totalement ! » Et F. Brayard s’étonne de ce que ses collègues historiens aient régulièrement cité ces deux (en fait trois) phrases sans qu’aucun ait « pris le parti de les entendre comme l’annonce d’un programme d’extermination devant être réalisé en une année seulement. »

Nulle part l’auteur n’indique la provenance de la formule « plan confidentiel ». C’est que la formule est de son invention, ce qu’il ne précise bien sûr pas. Il a usé là des guillemets qui masquent l’impropriété des termes. Il procède comme l’historien romancier qui, à peu de frais et à la manière d’un Browning ou d’un Pressac, tente de créer le suspens.

Pour les trois phrases, il nous fournit une référence qui est tout simplement erronée car le document NO-205 est une lettre, bien connue, de Brack à Himmler et dans laquelle aucune des trois phrases attribuées à Himmler n’est citée.

Les collègues historiens, certes bêtes mais tout de même moins bêtes que notre homme, ont vu le mot de « migration » et, au moins en cette circonstance, aucun d’entre eux n’a donc, comme le dit si joliment F. Brayard, « pris le parti » d’y voir l’annonce d’un programme d’« extermination ».

On n’en finirait pas d’énumérer les sottises du nigaud et ses malhonnêtetés de romancier (sur Gerstein, sur Karski, sur le télégramme de Riegner et sur bien d’autres sujets).

En conséquence, je vous invite 1) à ne plus me téléphoner pour m’annoncer des nouvelles qui n’ont rien de nouveau, 2) à vous rappeler ce que je vous ai souvent répété : « Nous n’allons pas perdre notre temps à passer en revue ces centaines d’ouvrages ou d’études dont personne, à commencer par l’auteur et les commentateurs, ne vient prétendre, à tort ou à raison, qu’ils contiennent un DOCUMENT nouveau », 3) à relire, dans mes Écrits révisionnistes (1974-1998), p. 1745-1746, ce que j’écrivais, le 20 février 1996, sur le pitoyable factum rédigé par Brayard contre Paul Rassinier avec, déjà, l’approbation de Vidal-Naquet.

Vous pensez bien que, si on trouvait un jour un seul document, une seule preuve, démontrant la réalité des magiques chambres et du génocide qui a produit tant de miraculés, la presse du monde entier se chargerait de produire la merveille. De temps à autre on essaie bien de nous gonfler une baudruche sur le sujet mais, à chaque fois, immanquablement, après avoir occupé la une de certains médias, la baudruche se dégonfle d’elle-même.

Tout cela, depuis soixante ans, est de l’ordre du mirage ou bien, comme le disaient Gide ou Céline, est à qualifier de « miragineux ».

4 septembre 2005