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Contre les révisionnistes, l’argumentation ad hominem (Nicholas Fraser, Adrien Le Bihan, Pierre Vidal-Naquet)

Parfois, dans un débat d’idées, l’attaque contre la personne même de l’adversaire peut se justifier si, explicitement ou implicitement, ce type d’attaques est précédé ou accompagné d’une argumentation sur le fond. En revanche, la pure et simple argumentation ad hominem, sans autre forme de procès, ne fait que trahir l’incapacité où l’on se trouve de répliquer aux arguments de la partie adverse. Tel est le cas de ceux qui, incapables de réfuter les démonstrations du révisionnisme historique, s’en prennent à la personne même des révisionnistes. Au besoin, cette forme de guerre des lâches puise ses munitions dans des rumeurs, ragots et cancans dont la source, vraie ou fausse, est rarement indiquée. Cela va de la déformation de la réalité à l’invention de toutes pièces. Aucun révisionniste, me semble-t-il, n’a fait l’objet d’autant de rumeurs insensées que le Canadien d’origine allemande Ernst Zündel. Dans un accès de franchise, l’avocat juif américain Robert A. Kahn vient d’en faire l’aveu à demi-mot. Au sujet de ce qu’il appelle la « stratégie juridique » adoptée par les adversaires d’E. Zündel dans les procès intentés à ce dernier en 1984-1985 et en 1988 à Toronto, il s’interroge sur la ligne de défense que les juifs devraient adopter face à l’assaut des révisionnistes : faut-il chercher à réfuter les affirmations de ces révisionnistes ou bien convient-il plutôt de les démasquer en montrant qu’ils ne sont que des racistes et des antisémites ? Il en vient à écrire :

Ne pas répliquer aux affirmations spécifiques et factuelles des négateurs de l’Holocauste et choisir de démasquer ceux-ci [comme racistes et antisémites] nous fait courir le risque d’être accusés de porter des attaques ad hominem («Rebuttal versus Unmasking : Legal Strategy in Regina versus Zündel», in Patterns of Prejudice (Institute for Jewish Policy Research, Londres), juillet 2000, p. 3).

Deux récentes attaques ad hominem

Mon lot ne se compare pas à celui d’E. Zündel et je m’en tire, somme toute, à bon compte. Comme toute personne impliquée dans un débat aussi vif, j’ai vu que, trop souvent, l’adversaire me prêtait des pensées, des paroles ou des actions qui n’avaient que peu ou pas de rapport avec la réalité. Cependant, la rumeur de bas étage et le commérage, du moins sous la forme imprimée, m’étaient jusqu’alors plutôt épargnés. Or, voici que, tout récemment, deux ouvrages, l’un en anglais, l’autre en français, viennent combler cette absence de basses attaques ad hominem. Si je me décide à en faire état, ce n’est pas pour m’en plaindre mais pour instruire – et divertir – le lecteur en l’éclairant sur les procédés auxquels les antirévisionnistes en sont parfois réduits.

Un journaliste de la BBC : Nicholas Fraser

En décembre 1997, Nicholas Fraser, se présentant comme journaliste de la BBC (télévision), demanda à me rencontrer. Notre première entrevue eut lieu à la XVIIe chambre correctionnelle du tribunal de Paris où Roger Garaudy passait en jugement pour un écrit dont, par tous les moyens, il cherchait à nier le caractère révisionniste ; je ne cachai pas au journaliste britannique le sentiment que m’inspirait pareille conduite. La seconde entrevue eut lieu le 13 février 1998 à Vichy, où j’habite. N. Fraser préparait un film où il souhaitait vivement me voir figurer. Il se donnait les apparences de l’enquêteur impartial. Dans son documentaire, il ne voulait pas, disait-il, exposer les arguments révisionnistes car c’était courir le risque d’un procès mais simplement montrer qu’un révisionniste pouvait avoir apparence humaine. Malheureusement pour N. Fraser, s’il jouait la comédie, il s’y prenait assez maladroitement. Il me devint évident que son film porterait sur l’extrême droite européenne et que j’y ferais office de figurant ; le révisionnisme, qui est affaire de méthode et non d’idéologie, serait ainsi amalgamé à un ensemble d’idées politiques bien déterminées. Après son passage à Vichy, je lui fis connaître que je refusais de le recevoir une nouvelle fois à mon domicile avec son équipe de la BBC. Je lui écrivis :

Dans votre film on me verrait, en gros, avec des opinions politiques que je n’ai pas et sans les convictions révisionnistes que j’ai bel et bien [mais que je ne pourrais exposer sous peine de poursuites judiciaires]. Cela ressemble un peu trop, selon moi, à l’histoire du couteau-sans-manche-dont-on-a-au-préalable-retiré-la-lame.

Effectivement, quand le film documentaire fut achevé et projeté, il se révéla être l’un de ces brûlots où l’on caricature les hommes et les idées d’une certaine droite qu’il fait bon haïr. C’est le 25 mars 1999 que la chaîne de télévision « Arte » diffusa Voyage au bout de la droite, présenté comme une réalisation de Christian Poveda et de N. Fraser. D’une qualité affligeante et d’un contenu à peu près inexistant, ce « documentaire politique », comme il se nommait, montrait un N. Fraser emprunté, tourmenté, gesticulant et phraseur. Le piquant de l’affaire est qu’à presque tous les coups le journaliste britannique se faisait remettre en place par ses interlocuteurs : un jeune national-socialiste danois, puis Jean-Marie Le Pen et, enfin, David Irving. Sans livrer de noms, N. Fraser déclarait avoir rencontré d’autres «négateurs de l’Holocauste» et ajoutait à leur propos : « Ils sont cinglés ! Ils sont cinglés ! »

Après le film, le livre

Après le film, il publia un livre The Voice of Modern Hatred / Encounters with Europe’s New Right (La Voix de la haine moderne / Rencontres avec la nouvelle droite européenne), Picador (MacMillan), Londres 2000, 327 p. Quinze pages m’y sont consacrées (p. 117-131) qui me laissent perplexe sur l’état mental et la santé nerveuse du gentleman. À Paris comme à Vichy, son instabilité m’avait frappé. De taille élevée, chauve, âgé d’environ cinquante ans en 1998, marié – m’avait-il confié – à une juive et lui-même peut-être juif – m’avait-il laissé entendre – ce fils d’un Anglais et d’une Française m’avait donné l’impression d’être, comme on dit, mal dans sa peau. Ma compagnie le rendait-elle nerveux ? Se droguait-il ? À un moment, j’allais jusqu’à lui demander s’il se sentait mal. On verra plus loin que la question se justifiait.

Portrait d’un révisionniste

À deux reprises, N. Fraser me décrit dans son livre comme portant un béret et, à ce qu’il assure, j’aurais passé les années de guerre au plus profond d’un coin endormi de la campagne française. Etrange ! Je n’ai jamais de ma vie porté un béret et notre témoin n’a pu me voir qu’avec une casquette bleue de marque Burton ; quant à mes années de guerre, je les ai vécues successivement à Angoulême, Marseille et Paris et je ne passais à la campagne que mes vacances d’été.

Il m’attribue un frère aîné alors que, comme je le lui avais précisé à sa demande, j’étais l’aîné de sept enfants.

À Vichy, N. Fraser a cru me voir habiter une villa de briques rouges mais ladite villa est, en fait, crépie de blanc et les volets en sont verts.

Il paraît que, dans mon bureau de travail, on verrait des photographies de juifs morts ou sur le point d’être tués ou bien encore mourants ; en réalité, on n’y peut trouver aucune photographie de la sorte sinon dans les pages des productions holocaustiques dont ma bibliothèque est pleine.

Ma femme, qui a des talents de peintre, aurait peint de petites scènes provinciales aux rues vides et sinistres alors qu’en fait ses tableaux sont plutôt vivants et pimpants.

La ville de Vichy est décrite comme une cité déserte des années 50 dont une bombe à neutrons aurait anéanti les habitants mais, vers 13 heures, c’est-à-dire à l’heure du déjeuner, et, en particulier, un jour de février, je suppose que beaucoup de petites villes françaises peuvent donner la même impression.

J’apprends que Me Delcroix, qui est mon avocat, serait également mon gendre alors que nous n’avons pas le moindre lien de parenté directe ou indirecte ; à deux reprises, ce même avocat, qui a bien voulu recevoir le journaliste en son cabinet parisien, se voit affubler du nom de Delcourt.

Pierre Guillaume est décrit en imprimeur et en trotskiste alors qu’il est éditeur et libertaire.

Paul Rassinier aurait été déporté à Ravensbrück ; or, Ravensbrück était essentiellement un camp de femmes et Rassinier fut déporté à Buchenwald et à Dora.

Visitant Auschwitz, Majdanek et Dachau, j’aurais prélevé, à des fins d’analyse, des échantillons (de pierres, de briques et de plâtre) dans ces trois camps ; c’est me confondre avec l’Américain Fred Leuchter.

J’aurais, à l’oreille de notre journaliste, sifflé « comme un petit serpent » ; peut-être aurait-il fallu préciser au lecteur qu’au procès de R. Garaudy, durant les débats, il m’arrivait seulement de glisser quelques mots à l’oreille de mon voisin britannique, auquel je m’efforçais d’expliquer le déroulement anarchique d’un procès à la française.

Je me serais plaint de mon sort et j’en aurais gémi ; en réalité, il me semble avoir décrit mes épreuves sur le ton d’une certaine gaîté voltairienne.

Avec fatuité, j’aurais dit que sur ma tombe figurerait l’inscription suivante : «Faurisson a dit la vérité sur une chose importante – et il en est mort» ; en fait, je suis sûr de lui avoir confié que mon nom de famille ne serait jamais inscrit sur ma tombe ; puis, cum grano salis, j’ai ajouté que l’épitaphe anonyme pourrait se lire : «Il a dit une petite chose exacte – et il en est mort».

Enfin, si j’ai renoncé à figurer dans le film documentaire, c’est, au dire de l’intéressé, que j’aurais craint d’être éventuelle­ment reconnu et battu. C’est aller trop loin. N. Fraser me présente là comme un être timoré, ce que je ne suis pas, et, selon lui, je craindrais un danger sans doute imaginaire puisque, aussi bien, dans les quinze pages qu’il me consacre, pas une seule fois il ne fait mention des dix agressions physiques que j’ai eu à subir. Il connaissait ces agressions et la gravité de certaines d’entre elles. Or, il n’en fait nulle mention, sans doute pour mieux suggérer que je ne serais qu’un poltron.

Pour le reste, à peu près tout est entaché d’erreurs plus ou moins graves. À deux ou trois exceptions près, les réflexions qu’on m’attribue ainsi que les précisions de dates, de lieux ou de chiffres sont, avec une étonnante régularité, ou bien erronées ou bien inventées. Désireux de prouver que je ne sais pas déchiffrer un document et que je suis incapable de voir qu’une expression allemande signifiant «action spéciale» ne peut en fait désigner, selon lui, qu’un assassinat massif à l’intérieur d’une « chambre à gaz », notre historien improvisé omet de reproduire la traduction du mot allemand accolé à « action spéciale » et qui signifie « au dehors ». Cette «action spéciale au dehors» se réduisait, en la circonstance, à la réception d’un convoi de déportés en plein air.

Nicholas Fraser vomit son repas

N. Fraser me juge « entièrement pervers » ou « plus que pervers ». Il paraît que le calme avec lequel j’exposais mes vues ou commentais des documents lui soulevait le cœur. À un moment, lors de notre visite du Vichy de 1940-1944, près de la place du monument aux morts, j’évoquai le désir de la majorité des Français, à la fin des années 30, d’éviter une nouvelle boucherie franco-allemande. En contrepartie, lui dis-je, les milieux juifs embouchaient à l’époque les trompettes de la croisade anti-allemande ; j’osais émettre l’hypothèse selon laquelle, souvent au cours de leur propre histoire, les juifs, sous le couvert de discours larmoyants mais en proie à l’inquiétude du prophète, avaient joué les boutefeux, incitant aux croisades, aux guerres, aux révolutions. C’est alors que je perçus comme un malaise physique chez mon interlocuteur :

[Faurisson] avec sollicitude me demanda si je me sentais bien. « Vous ne me paraissez pas dans votre assiette », me dit-il.

Je crois pouvoir dire qu’à table, une heure auparavant, notre Anglais avait été convenablement traité. Il avait, en particulier, apprécié une tarte au fromage, qui, dans son livre, devient une tarte aux légumes, et, au dessert, il avait bu d’un rare sauternes. Quand, après ces agapes et cette promenade dans Vichy, il avait regagné mon domicile et s’était vu, sur sa demande, administrer une leçon supplémentaire de révisionnisme et quand, après cette séance, un taxi le ramena à la gare, je crus l’affaire terminée. Point du tout. À la page 130 de son livre, mon visiteur nous apprend qu’au cours de la journée, de plus en plus révulsé par mes propos, il avait senti monter une irrépressible nausée. Parvenu à la gare, nous confie-t-il, il se précipita vers l’urinoir et là, à quatre pattes, vomit son repas. Un urinoir vieillot et pittoresque, tient-on à nous préciser :

At Vichy station I got to my hands and knees, vomiting into the antiquated and picturesque stand-up toilet.

Un ami de P. Vidal-Naquet : Adrien Le Bihan

De son côté, le Français Adrien Le Bihan me consacre une courte section du petit livre qu’il vient d’écrire sur les inscriptions manuscrites trouvées dans le « livre d’or d’Auschwitz ». Il relève et commente, d’un ton souvent las et désabusé, les pensées de Charles de Gaulle, d’Helmut Schmidt, de Jacques Chaban-Delmas, de François Mitterrand, du Dalaï-Lama, de Jean-Paul II et de bien d’autres visiteurs célèbres ou obscurs. Comme je n’ai pas apposé de signature dans ce «livre d’or», on se demande à quel titre j’apparais dans son ouvrage. De plus, de manière saugrenue, le passage qui m’est consacré figure entre deux sections respectivement consacrées à Kurt Waldheim et à Valéry Giscard d’Estaing. (Le voisinage de ce dernier, un pur faiseur, me fâche). L’opuscule porte pour titre Auschwitz Graffiti (Librio, diffusion Flammarion, juin 2000, 128 p.) et il est élogieusement préfacé par Pierre Vidal-Naquet. A. Le Bihan, dont le style est d’un classicisme fatigué, aurait publié un livre sur « De Gaulle, écrivain ». Ce qu’il rapporte à mon propos semble résulter d’une enquête qu’il aurait menée sur mon second séjour à Cracovie et à Auschwitz, en 1976.

Mon séjour à Cracovie et à Auschwitz en 1976

Effectivement, en 1975, je m’étais rendu à Majdanek et à Auschwitz pour revenir, l’année suivante, à Auschwitz. J’avais obtenu, cette année-là, de me faire envoyer en mission auprès de l’Université de Cracovie pour y donner quelques cours et conférences de littérature française. La jeune Polonaise, que le régime communiste avait chargée de m’accompagner, parlait un français délectable et plein de finesses ; elle avait épousé un juif. En sa compagnie, après bien des difficultés, je retrouvais Stanislas Mucha, le premier photographe à découvrir le camp d’Auschwitz après le départ des Allemands et avant l’arrivée des Soviétiques (« Tous des ivrognes »). Il me fit d’intéressantes réflexions sur la possibilité de faux photographiques et sur la transformation des lieux par les communistes. Par prudence, je ne révélais rien des motifs de mon enquête si bien que ni S. Mucha, ni ma charmante interprète, ni aucune autre des personnes (polonaises ou françaises) avec qui je me trouvai en contact pendant toute la durée de ma mission ne put soupçonner mes noirceurs révisionnistes. Une jeune collègue de l’Université de Cracovie, apprenant que je désirais faire un séjour à Auschwitz, se proposa de m’y emmener et son père accepta de m’héberger. Le brave homme, chauffeur de taxi, venait de perdre sa femme. Il en était bouleversé. Parfois, je l’entendais sangloter dans sa chambre. Il multipliait à mon endroit les attentions les plus touchantes. La grippe m’immobilisa pendant quelques jours. Je reçus les soins d’une doctoresse. Une jeune et gracieuse Polonaise, dont j’avais fait la connaissance au musée d’Auschwitz et qui y travaillait, voulut bien m’apporter à demeure tous les documents que je recherchais. Mon hôte, lui, avait travaillé pendant la guerre dans le camp même d’Auschwitz mais il préférait ne rien m’en dire. Je remarquais seulement qu’il n’y avait vraisemblablement rien noté des horreurs attachées aujourd’hui au nom d’Auschwitz. Comme tous ses compatriotes, il vivait dans la crainte de la police et je décidai de ne lui poser aucune question embarrassante. De retour en France, je lui manifestai ma gratitude par un envoi dont je ne sais finalement s’il le reçut. Mes lettres restèrent sans réponse. Du musée d’Auschwitz j’attendis longtemps de précieuses photographies que j’avais payées d’avance ; j’écrivis à ma guide pour lui demander d’intervenir ; ce qu’elle fit, je suppose, puisque, en fin de compte, je reçus ma commande.

Si je crois devoir entrer dans ces détails, c’est pour que le lecteur de ces lignes imagine combien la lecture des pages 48-50 du livre d’A. Le Bihan allait me surprendre.

D’étranges et inquiétants « témoignages »

D’après les « témoins » anonymes rencontrés par A. Le Bihan, je me serais comporté en Pologne comme un personnage satanique, dur et ingrat aussi bien avec mon hôte qu’avec mon guide et j’aurais été d’une galanterie suspecte à l’égard des dames. Je cite :

[Un] soir, le chauffeur de taxi surprit Faurisson dans sa chambre dans une curieuse posture. Il avait éteint la lumière électrique et allumé des bougies. A quelle sorte de messe noire se livrait le professeur de littérature ? Quelle sorte de papiers consultait-il à la lueur des bougies ? C’est resté un mystère.

J’espère que le lecteur voudra bien me croire si je lui dis que je ne possède pas, moi non plus, la clé d’un tel mystère. On aime à dire qu’il n’y a pas de fumée sans feu mais je dois admettre qu’à cette vilaine histoire de bougies je ne vois pas l’ombre d’un feu ou d’une flamme. Dans quel esprit pareille fantaisie a-t-elle pu germer ? Et pourquoi ? A-t-on voulu donner à entendre que, dans la très catholique Pologne, je m’adonnais à quelque rite satanique en déchiffrant de sulfureux grimoires ? Ou bien – hypothèse que me souffle une personne qui a bien connu le pays – avais-je dû, à cause de l’une de ces fréquentes pannes d’électricité qui affligeaient les démocraties populaires, allumer une bougie afin de poursuivre la lecture de mes documents ? À vingt-quatre années de distance, j’avoue ne pas m’en souvenir. Pour faire bonne mesure, il paraît, selon des «témoins», que je courtisais les dames, sans doute tel Faust sa Marguerite, et que je leur écrivais…des poèmes d’amour. Ce faisant, il est probable que, tel le héros de Goethe, je nourrissais à leur endroit de ténébreuses arrière-pensées. Mais écoutons plutôt :

Des témoins m’ont affirmé que Faurisson, à Cracovie, aimait courtiser les dames, mais jusqu’à un certain point. Il leur écrivait des poèmes d’amour. Celle qui l’accompagna dans Cracovie se souvient qu’il avait « une conversation agréable, brillante et intelligente », parsemée toutefois d’opinions antisémites telles que «les Juifs ont une intelligence épaisse».

Donc, à la semblance de Méphistophélès, je savais parler aux dames, les enchanter même des sortilèges de la Muse mais non sans déverser en leur sein d’affreux propos sur les juifs. Je dois ici reconnaître qu’il est, en effet, probable que j’ai tenu sur les fils et filles de Sion ce propos-là ; peut-être ai-je même ajouté que je donnais raison à Louis-Ferdinand Céline qui, certes, leur trouvait beaucoup de sensibilité mais une « sensibilité fer-blanc » (à opposer à la sensibilité du bronze, qui, elle, est profonde).

Il paraît qu’à mon retour d’Auschwitz je qualifiai mon hôte de personnage « primitif, lourd, trivial et vulgaire » et que je me mis à « tourmenter » ma guide à force de lui demander d’intervenir auprès du musée d’Auschwitz pour en obtenir les documents dont l’envoi m’avait été promis.

Les services secrets polonais

A. Le Bihan ignore si, à l’époque, je parvins à obtenir les documents dont je réclamais l’expédition. Il devrait pourtant savoir qu’ils me furent envoyés et que, grâce à eux, je fus le premier au monde à publier des photographies de plans allemands montrant ce qu’avaient été en réalité, à Auschwitz et à Birkenau, les pièces rebaptisées “chambres à gaz”. Son ignorance sur ce point ne l’empêche pas d’échafauder une hypothèse : celle d’une manipulation de Faurisson par les services secrets polono-communistes à des fins anti-juives :

Faurisson obtint-il les documents qu’il convoitait ? Si oui, cela pourrait signifier que les services secrets polonais avaient une idée derrière la tête, car ils s’y entendaient en vol et confiscation de documents de toutes sortes. Il n’est pas invraisemblable que, tandis que leurs dirigeants politiques blâmaient les revanchards allemands, ces services encourageaient en sous-main la théorie selon laquelle les chambres à gaz n’auraient pas existé […].

Diabolique jusqu’au bout des griffes, Faurisson parvint aussi à « déjouer les radars » du service culturel de l’ambassade de France à Varsovie. Consternant, pensent A. Le Bihan et P. Vidal-Naquet, consternant et injuste :

Quand on songe qu’une dizaine d’années après ce voyage [de Faurisson en Pologne communiste], le service culturel de l’ambassade de France à Belgrade [capitale de la Yougoslavie communiste] voulut imposer à Vidal-Naquet, venu faire des conférences en Yougoslavie, de s’en tenir à l’histoire méditerranéenne antique, ce qui écartait la guerre d’Algérie du programme, on est consterné qu’un Faurisson ait réussi, en Pologne, à déjouer les radars d’un service culturel du même type.

Le désarroi actuel des antirévisionnistes

Un moraliste français nous l’assure, on préfère entendre dire du mal de soi plutôt que de ne point en entendre parler du tout. Dans mon propre cas, ce « mal », ces médisances, ces calomnies ne sont pas pour me déplaire car ils illustrent l’impuissance de nos adversaires à nous opposer des arguments. L’argumentation ad hominem, surtout au niveau où la pratiquent aujourd’hui un N. Fraser, un A. Le Bihan ou un P. Vidal-Naquet, nous confirme que l’an 2000 restera dans l’histoire du Grand Mensonge un bien mauvais cru. Je prévois, pour le proche futur de P. Vidal-Naquet et de ses pareils, des années encore plus noires. L’Intifada révisionniste va faire mal.

N.B. : Un ami révisionniste, G. D., me fait remarquer qu’aux noms de Nicholas Fraser, André Le Bihan et Pierre Vidal-Naquet, je devrais ajouter celui de Valérie Igounet qui, en mars 2000, a publié une Histoire du négationnisme en France (Seuil, 701 p.). La jeune personne a pieusement recueilli sur mon compte d’inquiétants récits, tel celui de l’ancien libraire parisien Bela Elek :

J’ai vu une fois Faurisson [vers 1979]. Il est venu avec Pierre Guillaume à ma librairie. J’étais très agacé parce que j’avais une encyclopédie juive en hébreu. Elle était par terre. Faurisson l’a prise mais à l’envers. Ce qui n’est pas grave. Il a commencé à la lire à l’envers et s’est écrié : « Oh, que c’est intéressant ! » Je me suis demandé qui était ce type. Après, nous avons parlé d’autre chose. Il avait ce comportement bêta. Il voulait se présenter comme un grand spécialiste de la question juive. C’était ridicule et pas utile d’ailleurs. J’ai dit à Guillaume que son pote était un peu bizarre. Guillaume était dans la révérence totale. Il avait trouvé une explication intéressante (p. 343).

Pour ma part, je ne me rappelle pas l’épisode. P. Guillaume, consulté, n’y voit qu’une de ces hallucinations “à là Bela Elek”, personnage tourmenté sinon perturbé.

30 octobre 2000