Affaire Roques : l’aveu de Serge Klarsfeld

L’avocat Serge Klarsfeld et le pharmacien Jean-Claude Pressac avaient publié en 1983 L’Album d’Auschwitz. Parmi bien d’autres tricheries, ils avaient habilement tronqué le plan du camp d’Auschwitz-Birkenau : ils avaient coupé en deux endroits la route que prenaient les femmes et les enfants à leur descente du train de déportation. Cette route menait, derrière la zone des crématoires-II et III, à un vaste bâtiment de douches et de désinfection appelé « Zentralsauna ». Klarsfeld et Pressac avaient coupé la route des douches de manière à faire croire que cette route aboutissait, en cul-de-sac, aux crématoires et donc à la mort.[1]
 
 
S. Klarsfeld a toujours agi en homme pour qui les chambres à gaz homicides des camps de concentration allemands ont été une réalité scientifiquement prouvée. En 1979, il a assigné en justice R. Faurisson pour dommage par « falsification de l’Histoire » parce que ce dernier affirmait qu’on ne possédait pas la moindre preuve de l’existence desdites chambres.
 
S. Klarsfeld, dans son Mémorial de la déportation des Juifs de France, ne cesse de parler de chambres à gaz et de gazés. 
 
Jean-Claude Pressac est l’auteur de la thèse surprenante selon laquelle, à bien considérer les plans des crématoires, leur architecture, leurs ruines actuelles, il est manifeste que ces bâtiments n’ont pas été conçus ni construits pour avoir des chambres à gaz homicides. Ces bâtiments n’étaient que des… crématoires. Mais, ajoute J.-C. Pressac, les Allemands ont sûrement procédé dans une période ultérieure à des bricolages pour faire de ces crématoires de gigantesques abattoirs pour l’extermination systématique des juifs. Ces bricolages auraient été d’ailleurs absurdes ou étonnamment maladroits, en un mot tout à fait dignes de la bêtise foncière des SS. Cette thèse est développée principalement dans un article du Monde Juif et dans L’Album d’AuschwitzL’article du Monde Juif ne concernait que les crématoires-IV et V d’Auschwitz-Birkenau. Il aurait dû avoir une suite. Il n’en a jamais eu. G. Wellers s’est débarrassé de J.-C. Pressac, lequel a été recueilli par S. Klarsfeld. Sur les références de cet article et sur la réponse de R. Faurisson, on peut lire de ce dernier : «Le mythe des “chambres à gaz” entre en agonie».[2]
 
Dans une interview publiée par le magazine VSD le 29 mai 1986, Serge Klarsfeld fait un aveu de taille :
 
 
SERGE KLARSFELD : 
« LA PREUVE ? NOUS L’AVONS. »
 
– Comment peut-il y avoir matière à discussion sur l’existence des chambres à gaz ?
 
Tout simplement parce que personne ne pensait après la guerre qu’un jour on en viendrait à nier leur existence. Personne ne s’est préoccupé de rassembler des preuves matérielles. De plus, les camps avec chambres à gaz, dont le plus sinistrement célèbre est Auschwitz-Birkenau, sont situés en territoire polonais et ont été inaccessibles pendant vingt ans.
 

– Mais il existait des milliers de témoignages ?

Des témoignages, oui. Mais aux yeux des « révisionnistes », ça ne suffisait pas. Un monomaniaque comme Faurisson explique que les récits des juifs survivants ont été dictés par les communistes polonais et les aveux des SS obtenus par la torture. La stratégie des faurissonniens, c’est de brandir la moindre imprécision pour réduire à néant les témoignages. C’est pourquoi nous nous apprêtons à éditer un ouvrage monumental de J.-C. Pressac sur Auschwitz-Birkenau, ce camp qui a été le plus grand abattoir jamais inventé et où ont été gazés quelque 1,3 million de juifs. Le livre représente sept ans de recherches et constituera enfin la preuve des preuves.

– Parce qu’il n’y avait pas encore de vraies preuves ?

Il y avait des débuts de preuves qui embarrassaient les faurissonniens, mais ne les avaient pas encore réduits au silence. Notamment deux lettres analysées par Georges Wellers, et datant de 1943, qui parlaient l’une d’une cave à gazage, l’autre de trois portes étanches au gaz à poser dans les crématoires. Seulement, face à des gens aussi pointilleux que les révisionnistes, il faut des documents imparables.

 – Et cette preuve des preuves, Jean-Claude Pressac l’a trouvée ?

Oui. En fait, au total il a trouvé trente-sept preuves dont une définitive de l’existence d’une chambre à gaz homicide dans le crématoire 3 de Birkenau. Il s’agit de la liste descriptive des fournitures annexées au bordereau de livraison et signée par le chef de la direction des constructions SS à Auschwitz. Un document qui mentionne à la fois une porte étanche au gaz et quatorze pommes de douche. Alors, soyons logiques, s’il s’agit d’une salle de douches, pourquoi cette porte étanche au gaz ? La démonstration est imparable.

Propos recueillis par Philippe Lemoine 
Sur ce bordereau de réception du crématoire n° 3
signé par le directeur du camp d’Auschwitz,
on lit en tête des deux dernières colonnes :
14 douches (« brausen »), 
1 porte étanche au gaz 
(« gazgedichte Tur »).

 

S. Klarsfeld reconnaît que jusqu’ici « personne ne s’est préoccupé de rassembler des preuves matérielles » de l’existence des chambres à gaz. Il admet que jusqu’ici il n’y avait que des « débuts de preuves » mais pas encore de « vraies preuves ». Puis, après ce constat, il promet que de vraies preuves vont être publiées par Pressac. Selon Klarsfeld, qu’il faut bien croire ici sur parole, Pressac « a trouvé trente-sept preuves dont une définitive de l’existence d’une chambre à gaz homicide dans le crématoire 3 de Birkenau. »

Pressac aurait donc trouvé trente-six preuves non définitives et une preuve définitive de l’existence d’une chambre à gaz à Auschwitz. Lesdites trente-six preuves ne risquent-elles pas de s’apparenter à celles du procès des sorcières de Salem où le juge, à en croire le film célèbre qu’on a tiré de ce drame, se livre à des opérations du type : «¼ de preuve + ¼ de preuve + ½ preuve = 1 preuve»?

Quant à la seule preuve qualifiée de définitive, elle nous est proposée sous la forme d’un bordereau de réception de matériel pour le crématoire-III, portant signature du chef de la direction des constructions à Auschwitz.

Il s’agit d’un formulaire extrêmement banal, ronéotypé, où sont indiqués une vingtaine d’articles. Sous chaque rubrique il suffit d’indiquer par un chiffre le nombre d’articles désirés. Quatre colonnes supplémentaires permettent d’inscrire éventuellement des articles complémentaires. Sur ce bordereau, on voit qu’ont été fournis au crématoire-III (autre dénomination : Krematorium-II) des lampes et des robinets pour un certain nombre de pièces et, pour la pièce appelée d’un nom générique « Leichenkeller » (morgue en sous-sol), douze lampes, deux robinets, quatorze pommes de douche et, en complément, une porte étanche au gaz (« gasdichte Tür »). S. Klarsfeld nous dit : «Alors, soyons logique, s’il s’agit d’une salle de douches, pourquoi cette porte étanche au gaz?»

La réponse est qu’avant et pendant la guerre les Allemands ont fabriqué en quantités industrielles des portes de ce genre. Celles-ci étaient adaptées à tout local qui, en dehors de son usage habituel ou par sa nature même, pouvait servir de refuge en cas de guerre des gaz. Dans les ouvrages techniques allemands, ces portes étaient dites « gassichere » ou « gasdichte ». Les Anglais avaient, eux, des portes « gas proof » ou « gastight ». Tous les crématoires possédaient des salles de douches ou des salles d’eau. L’eau chaude venait en général de la salle des crématoires ou de la salle d’incinération des ordures. Les prisonniers affectés soit à la crémation, soit à l’incinération, et le personnel d’encadrement avaient besoin de se laver. Ces prisonniers faisaient partie d’une « équipe spéciale » (Sonderkommando) portant un insigne métallique avec l’étoile juive, le mot « Sonderkommando » et leur numéro de section. Ils se déplaçaient ainsi dans tout le camp pour leurs besognes respectives.

Ajoutons que tout « Leichenkeller », étant bâti en sous-sol, pouvait servir d’abri antiaérien. À Auschwitz-I, la « Leichenhalle » était bâtie en surface et, pour pouvoir servir d’abri anti-aérien, avait été transformée et renforcée.

Quelques jours avant cette interview de Klarsfeld, Pressac, pour sa part, avait, lui aussi, déclaré :

On avait jusqu’ici des témoignages et seulement des témoignages.[3]

En résumé, selon S. Klarsfeld et J.-C. Pressac, les experts, les historiens et le grand public ne disposent encore en mai 1986, c’est-à-dire quarante ans après la fin de la guerre en Allemagne, d’aucune « vraie preuve » de l’existence des chambres à gaz homicides. On nous annonce et on nous promet des preuves. Pour nous faire patienter, on nous en présente une : la meilleure, vraisemblablement. Or, que vaut cette preuve « définitive » pour un crématoire d’Auschwitz-Birkenau ? Rien.

Il se confirme que les révisionnistes avaient raison quand ils affirmaient qu’en quarante ans pas un seul tribunal n’avait cherché à établir l’existence et le fonctionnement d’une seule chambre à gaz réputée homicide. Tous les tribunaux se sont inspirés de l’exemple donné par le Tribunal militaire international (TMI). Le TMI avait tenu pour acquise l’existence de ces chambres à gaz. L’article 21 de son statut l’autorisait à procéder ainsi : « Le Tribunal tiendra pour acquis les faits de notoriété publique et ne demandera pas que la preuve en soit rapportée. » C’est ce que le droit anglo-saxon désigne par l’expression : « to take judicial notice ».

Bruno Tesch et Karl Weinbacher, responsables d’une firme distributrice de Zyklon B, ont été pendus pour avoir distribué un produit dont, selon la cour, ils ne pouvaient pas ignorer l’usage criminel qui en avait été fait à grande échelle. Combien d’autres Allemands ou de leurs alliés n’ont-ils pas été exécutés à cause de ces chambres à gaz de l’existence desquelles on n’avait et on n’a toujours aucune preuve ?

« Abondance de preuves » : c’est là le titre même que G. Wellers donnait, en 1978, à sa tentative de réfutation d’un article de R. Faurisson.

En 1979, trente-quatre historiens français affirmaient que l’existence des chambres à gaz constituait un fait historique tellement bien établi qu’il n’y avait pas même lieu à débat. Ayant à choisir un témoignage, ils choisissaient celui de… Kurt Gerstein. Ils ne présentaient aucune preuve et leur déclaration se terminait ainsi :

Il ne faut pas se demander comment, techniquement, un tel meurtre de masse a été possible. Il a été possible techniquement puisqu’il a eu lieu. Tel est le point de départ obligé de toute enquête historique sur ce sujet. Cette vérité, il nous appartenait de la rappeler simplement ; il n’y a pas, il ne peut y avoir de débat sur l’existence des chambres à gaz.[4]

Fred Kupferman vient de rappeler cette déclaration. Il la fait sienne. Il en reproduit les deux dernières phrases en conclusion d’un article de L’Express: «Holocauste : les blanchisseurs du nazisme».

De telles prises de position témoignent d’un profond désarroi. Aujourd’hui, avec les récents aveux de J.-C. Pressac et de S. Klarsfeld, on mesure encore mieux l’extraordinaire aplomb dont faisaient preuve Léon Poliakov, Georges Wellers, Pierre Vidal-Naquet, Serge Klarsfeld lui-même et ces historiens pétitionnaires quand ils se permettaient de condamner les révisionnistes en proclamant que l’existence des chambres à gaz était une vérité historique, cent fois prouvée par une « abondance de preuves ».

R. Faurisson demandait « une preuve, une seule preuve de l’existence d’une seule chambre à gaz homicide dans les camps de concentration allemands ». Il en est toujours à attendre cette preuve.

29 mai 1986

 

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[1] Pour tout détail, voy. W. Stäglich, Le Mythe d’Auschwitz, p. 510, document IV.3.a.
[2] R. Faurisson, Réponse à Pierre Vidal-Naquet, La Vieille Taupe, Paris 1982, 2e éd., p. 67-83 ; ce texte est reproduit dans le volume I des Écrits révisionnistes (1974-1998) à la page 325.
[3] Le Matin de Paris, 24-25 mai 1986, p. 3.
[4] Le Monde, 21 février 1979, p. 23.